Les comtes Régnier s’étaient progressivement émancipés des autorités supérieures: le pouvoir impérial (Saint Empire Romain Germanique) et le pouvoir ducal (Lotharingie). Ils laissèrent à leurs successeurs, la dynastie flamande des Baudouin, une autonomie quasi complète sur le plan politique, judiciaire et fiscal, ainsi que le principe héréditaire de la transmission de ces pouvoirs. Ce qui ne signifie pas non plus une rupture du lien féodal. Tout nouveau comte devait à l’empereur l’hommage pour les territoires qu’il administrait.
Le comte devait assurer la paix et la justice. Pour l’ensemble de son comté, il promulguait des lois et édictait des règles applicables à tous, manants, citadins, seigneurs et ecclésiastiques. Il se référa dans les premiers temps aux coutumes franques encore en vigueur. Tout nouveau comte prêtait le sement inaugural de respecter ces principes.
Pour exercer ce pouvoir, il était entouré de conseillers (pour les décisions politiques et militaires, ainsi que pour la haute justice) et de fonctionnaires. Les premiers étaient issus de son entourage familial et de barons fidèles. A partir du milieu du XIIème siècle, sont aussi apparus des hommes éduqués et compétents dans toutes les matières.
On connaît peu l’entourage de la famille Régnier. Il devait se résumer à cette cour (curia) de conseillers.
C’est surtout à partir du règne de Richilde et des premiers Baudouin, donc au milieu du XIème siècle, que l’on décrit une véritable organisation du pouvoir: les conseils, les hautes charges, l’hôtel comtal, les châtelains, …
Une cour plénière (curia), composée de vassaux, se réunissait trois ou quatre fois par an pour traiter des affaires importantes, politiques, militaires et judiciaires, et permettre au comte d’entériner les grandes décisions. Plusieurs de ces plaids se réunirent à Hornu. Ce n’est que vers 1200 qu’ils s’installèrent définitivement au château de Mons.
Une cour restreinte ou conseil (consilium), d’une douzaine à une quinzaine de membres, était présente en permanence aux côtés du comte pour la gestion courante. C’étaient les “pairs”, des nobles au rôle prépondérant. On pense que c’est Richilde et Baudouin I qui les ont mis en place. On connaît la liste de ces pairies:
- Pour le château de Mons: Avesnes, Barbençon, Baudour, Chièvres, Chimay, Quévy, Lens, Longueville, Rebaix, Le Roeulx, Silly, Wallencourt
- Pour le château de Valenciennes : Prouvi, Trith, Blaton, Frasne, Preseau, Mastaing
En parallèle, et en connexion étroite avec ces deux cours, deux institutions judiciaires (tribunaux) vont se développer dès le XIIème siècle et les remplacer progressivement .
La cour féodale. Elle était constituée de pairs et de barons, sous la présidence du bailli de Hainaut, représentant du comte. Elle siégeait à Mons. Elle avait à juger des crimes et des délits commis par les vassaux. C’était aussi une cour d’appel et d’arbitrage, sorte de cour suprême. Ses compétences furent étendues par la charte de 1200, émise par Baudouin VI avant son départ pour la croisade.
Le conseil comtal était issu du consilium. C’était également une institution judiciaire. Elle siégeait aussi à Mons, au château. Elle était présidée par le comte lui-même et, en son absence, par le grand bailli. Le conseil jugeait les questions relatives aux prérogatives et aux biens du comte. Il était l’incarnation de la juridiction personnelle princière. Il n’intervint donc en première instance que dans les circonstances exceptionnelles. Il demeurait un gouvernement assistant le comte dans la direction des affaires politiques et administratives de sa terre.
La plus haute charge était celle de “bailli de Hainaut”. Il s’agissait du représentant direct du comte, sorte de premier ministre à qui ce dernier déléguait d’importants pouvoirs. Il est documenté à partir du milieu du XIIème siècle, sous Baudouin IV. Cette charge a été attribuée aux grands vassaux du Hainaut. On y a vu défiler les membres des grandes familles seigneuriales (Ligne, Croÿ, Lalaing, Haynin, Harchies (et Ville), Lannoy, Arenberg, …). Le titre de “grand bailli de Hainaut” apparut à la période bourguignonne, quand un comte ne résida plus en Hainaut.
Il avait charge de défendre les droits du comte, de maintenir l’ordre public, de défendre militairement le territoire, de rendre la justice dans les tribunaux comtaux (ci-dessus), de diffuser les lois et règlements et de récolter les recettes fiscales.
Il était assisté dans sa tâche par un clerc et des sergents. Il résidait à Mons. D’autres grands officiers, organisés en chancellerie (ministère) vinrent le seconder à partir du règne de Baudouin V. Ils étaient issus du conseil restreint.
- un chancelier qui était responsable de l’écriture et de la conservation des documents écrits (actes juridiques, chartes, cartulaires, …). On conservait les chartes dans les trois résidences principales: Mons, Valenciennes et Le Quesnoy. Le premier titulaire fut le chroniqueur Gislebert de Mons, sous Baudouin V.
- un receveur général des finances, charge créée en 1265, sous la comtesse Marguerite.
- un bailli des bois (tous les bois en dehors des domaines seigneuriaux étaient propriétés du comte)
- un trésorier, gardien du trésor (joyaux, tapisseries, oeuvres d’art, chartes).
Toujours dès la fin du XIIIème siècle, ce pouvoir comtal délégué au bailli fut décentralisé en circonscriptions administratives et judiciaires (prévôtés et châtellenies. Leurs tâches étaient quasi identiques dans les limites de leur territoire. Le prévôt ou le châtelain était le représentant du bailli (donc du comte) dans sa circonscription et exerçait les mêmes tâches en son nom.
On créa sept prévôtés (avec à leur tête un prévôt) sur les territoires du Hainaut carolingien:
- Mons
- Valenciennes
- Le Quesnoy
- Maubeuge
- Bavay
- Beaumont
- Binche
Les territoires acquis aux XIème et XIIème siècles furent répartis en châtellenies (dirigées par des châtelains):
- Ath
- Braine-le-Comte
- Bouchain (Ostrevant)
Certains seigneurs vassaux, cependant, disposaient d’une relative autonomie en matière administrative et judiciaire :
- baillage d’Enghien
- baillage du Roeulx
- la Terre d’Avesnes
- la Terre de Chimay
- les Terres de Flobecq et Lessines (« Terres de Débat »)
C’étaient des territoires où, en dehors de quelques périodes de saisie, il n’y eut jamais d’officiers comtaux. Le seigneur local y exerçait leurs pouvoirs.
A côté de ces circonscriptions, il y avait des terres franches ou prétendues telles, qui échappaient à l’administration comtale (Trazegnies). Elles étaient situées à l’origine aux frontières du comté. Elles étaient pourvues de privilèges et de franchises, notamment fiscales (exemptions). Elles étaient indépendantes sur le plan judiciaire et politique.
En 1200, une réunion des Etats Généraux, à Mons, promulgua deux chartes écrites, cosignées par de nombreux pairs et barons du comté : « déclaration des lois en la Cour et Comté de Mons par le commun consentement conseil et délibération des hommes nobles et ministres du comté de Hainaut ». La première charte était un véritable code criminel. La seconde traitait des biens et du commerce.
On attribue aussi à Richilde la constitution de “l’hôtel comtal” qui se répartit en “charges auliques” (de cour). Il s’agit à l’origine de l’organisation des tâches domestiques dans les résidences comtales. Celles-ci étaient prises en charge par de hauts personnages. Elles devinrent rapidement héréditaires (comme des fiefs) et signes de prestige. Plus tard, seul le titre persistera, et non plus la charge qui y était liée et qui sera transmise à des subalternes. Officiellement, les titulaires des grandes charges accompagnaient toujours le comte et sa famille. Le personnel subalterne était propre à chaque résidence (Mons, Valenciennes, le Quesnoy).
- le sénéchal (senes, le plus ancien) était l’intendant de la résidence comtale, organisant les cérémonies et les fêtes et assurant la comptabilité générale. Cette charge héréditaire alla aux titulaires de la seigneurie de Werchin (près de Valenciennes). Comme les autres, elle devint symbolique. Un maître d’hôtel (charge non héréditaire) le remplaça dans ses tâches.
- le chambellan (camerarius) avait en charge la chambre du prince, sa literie, sa garde-robe et ses armes. Elle alla aux titulaires de la seigneurie de Peruwelz.
- le grand veneur, qui organisait les chasses, passe-temps favori des comtes et de leurs vassaux (charge qui revint aux seigneurs de Solre)
- l’échanson, ou bouteiller, veillait aux boissons. Il était originaire de la famille d’Aulnoy, puis de Berlaymont
- le maréchal s’ocupait de l’écurie, des chevaux et des déplacements du comte. Charge attachée à la seigneurie d’Houdeng.
Les autres services subalternes: le panetier, le boulanger, le cuisinier, le maître d’arme, … Il n’y eut pas de connétable en Hainaut.
Richilde instaura à Mons et à Gand les coutumes somptueuses de cour (curia). Cette coutume s’accentua sous Baudouin V et Baudouin VI qui multiplièrent fêtes et tournois, et qui favorisèrent aussi les arts et les belles lettres. C’était l’époque de la poésie courtoise et des trouvères, celle, aussi,des belles draperies.
A certaines époques, le comte fut à la tête, simultanément, de plusieurs comtés (Hainaut, Flandre, Namur, Hollande, Zélande). Il ne s’agissait jamais de la constitution d’un grand Etat, mais d’une “union personnelle” de territoires sous un même souverain. Chaque principauté conservait ses conseils, ses chancelleries et ses administrations propres.