19. Sous les Avesnes et les Bavière

Période: de 1280 à 1430

En 1280, mourait la comtesse Marguerite “de Constantinople”. Suivant l’arbitrage de Saint-Louis, roi de France et suzerain de la Flandre, le comté de Hainaut revenait aux descendants de Marguerite et de son premier mari, Bouchard d’Avesnes, en l’occurence à leur petit-fils, Jean II d’Avesnes.

Le contexte politique

Jean d’Avesnes (1280-1304)

Il fut le premier des comtes de Hainaut à aller prêter un serment d’inauguration à Mons et dans les autres villes du Hainaut. A la fin de son règne, par le jeu des héritages, il devint aussi comte de Hollande et de Zélande.

A cette époque, la France était redevenue un grand pays. Mis à part la Flandre, qui gardait son autonomie, et la Guyenne (sud de la Garonne), qui appartenait au roi d’Angleterre (depuis Eléonore d’Aquitaine), le reste du royaume tel qu’il avait été dessiné au Traité de Verdun de 843 appartenait au domaine royal. Philippe IV “le Bel” (1285-1313) en était le puissant souverain. La France était prospère, mais le roi dépensait beaucoup en fastes de cour, en entretenant une riche cavalerie et en fortifiant tous ses domaines. Endettement, inflation et dévaluations monétaires s’ensuivirent. Le roi augmenta les impôts, mécontentant ses vassaux et les bourgeois des villes. Il fit abolir le riche Ordre des Templiers dont il s’accapara tous les biens. Il s’en prit aussi aux banquiers Juifs et Lombards dont une partie vint s’installer dans nos villes (Mons, le Quesnoy).

L’objectif suivant fut de s’approprier la Flandre et ses riches villes drapières. Celles-ci connaissaient une montée de tensions sociales entre le haut patriciat (notamment les tisserands de Gand), partisan de la France, et les ouvriers et petits commerçants soutenus par le comte Guy de Dampierre. Le conflit s’envenima et aboutit à l’invasion française de la Flandre.

Tout cela se passait dans un contexte international tendu. Notamment entre France et Angleterre, celle-ci fournissant la laine aux drapiers flamands et hennuyers. Pour le comte de Hainaut, il fallait prendre position. Le malin roi de France avait donné une de ses filles en mariage au fils de Jean d’Avesnes. Celui-ci se mit du côté de la France.

Suite à l’insurrection des villes flamandes le 18 mai 1302 (“Matines brugeoises”), le roi de France envoya sa lourde cavalerie, renforcée de seigneurs hennuyers, affronter les milices communales flamandes. Les Français se firent étriller à la “Bataille des Eperons d’Or” le 11 juillet suivant, près de Courtrai. Le fils du comte, Jean “sans merci”, seigneur de Beaumont, y fut tué.

Guillaume I “le Bon” (1304-1337)
Guillaume I “le Bon”

Fils cadet de Jean d’Avesnes, il lui succéda. Ce fut un des meilleurs comtes que le Hainaut eut à sa tête, d’où son surnom. Il appliqua une politique économique volontariste. Il mit fin aux abus du clergé et de la noblesse qui pressuraient le petit peuple par un excès d’impôts. Il tenta enfin de réduire l’arrogance de la nouvelle bourgeoisie.

En France, à Philippe le Bel, mort en 1313, succédèrent tour à tour ses trois fils, “les rois maudits”, tous décédés sans héritiers pour le trône. Celui-ci passa à la branche cadette des Valois en la personne de Philippe VI (1328-1350).

En politique extérieure, Guillaume Ier s’avéra un excellent diplomate. Il réalisa d’abord des alliances avec les comtés voisins (Brabant, Namur, Juliers). Il conclut une paix définitive entre Dampierre flamands et Avesnes hennuyers en 1323, toujours sur base de l’arbitrage de 1246. Dans les années qui suivirent, Guillaume de Hainaut appuiera le roi de France et le comte de Flandre dans les luttes sociales de Flandre.

Il maria sa fille Marguerite au duc Louis de Bavière, puis aida celui-ci à obtenir la couronne royale en Germanie.

Isabelle de France, fille du roi Philippe IV « le Bel », avait épousé le futur roi Edouard II d’Angleterre, en gage de paix entre les deux pays. Ce personnage n’était pas des plus intéressants. Elle lui fut infidèle. Poursuivie, elle se réfugia en France, puis en Hainaut où le comte Guillaume décida de l’aider en montant une expédition contre son mari. Emmenée par Jean de Beaumont, frère du comte, la petite troupe réussit à faire déposer (puis assassiner) le roi au profit de son fils, Edouard III (1327-1377). Pour l’occasion, on fiança celui-ci (14 ans) à la fille du comte, Philippa de Hainaut (13 ans). Quelques années plus tard, après le mariage, le beau-fils gratifiera le beau-père par l’octroi du monopole de la vente de laine anglaise aux drapiers hennuyers.

Ce jeune roi, Edouard III, devint ambitieux. Petit-fils du roi de France Philippe IV “le Bel” par sa mère, il n’accepta pas la montée sur le trône des Valois. Il s’autoproclama “roi de France” en 1337. Cette attitude est considérée comme le point de départ de la Guerre de Cent Ans.

Guillaume de Hainaut tenta d’apaiser les esprits dans un premier temps, mais, laine anglaise oblige et la liberté maritime des bateaux hollandais étant vitale, il prit le parti des britanniques. Simultanément, il tenta, avec succès, d’établir une solidarité économique et militaire entre certaines principautés (Hainaut, Hollande, Zélande, Frise, Brabant, Gueldre, Juliers, Cologne), annonçant l’ambition future des Bourguignons. Il mourut peu de temps après.

Guillaume II “le Hardi” (1337-1345)
Guillaume II

Il poursuivit la politique d’alliances de son père, alors que les premiers faits de guerre avaient lieu en Flandre dans un contexte de déchirements sociaux. Le roi Philippe V de France vint d’ailleurs saccager quelques châteaux et villages dans le sud du Hainaut en 1340 (dont le village d’Amfroipret), obligeant le comte à signer une trêve.

L’ouest de la France était ravagé par les chevauchées anglaises. En 1345, les Frisons se révoltèrent. Guillaume alla assiéger Utrecht et s’y fit tuer. Il n’avait plus d’enfant vivant. Sa soeur, Marguerite, lui succéda avec l’accord de son autre soeur, Philippa (sinon, son mari Edouard III d’Angleterre exigeait aussi le Hainaut! – nous aurions pu devenir anglais).

Marguerite de Bavière (1345-1356)
Marguerite d’Avesnes

Ayant épousé le duc de Bavière, devenu roi, puis empereur de Germanie, Marguerite ne vivait plus dans ses comtés et en donna la tutelle à son oncle Jean d’Avesnes (Hainaut) et à son fils Guillaume (Hollande, Zélande). Mais en 1347, elle se retrouva veuve et rentra au pays. Jean lui remit le Hainaut, mais Guillaume prétendit gouverner lui-même ses deux comtés néerlandais. Le conflit dura quelques années avant que Marguerite n’accède aux volontés du fils.

En 1346, la bataille de Crécy (en Normandie) se conclut par une première grosse défaite de la cavalerie française face aux Anglais.

De 1348 à 1350, la peste ravagea toutes les populations d’Europe Occidentale.

Guillaume III “l’Insensé” (1356-1389) et Aubert de Bavière (1389-1404)
Guillaume III

Le premier chercha d’abord à sécuriser le Hainaut, notamment par la création de milices bourgeoises dans les villes.

Mais rapidement, dès 1358, il tomba dans la démence. Son frère, Aubert, se vit confier la régence des trois comtés (Hainaut, Hollande et Zélande) jusqu’au décès de Guillaume en 1389, après quoi il devint lui-même comte. Si les souverains anglais et germanique le reconnurent sans problème, il n’en fut pas de même de certains nobles du Hainaut…

Dans la guerre qui opposait France et Angleterre, Aubert resta neutre.

Pendant ce temps, l’armée française subissait encore une nouvelle lourde défaite à Poitiers en 1359. Son roi, Jean II, fut fait prisonnier et emmené à Londres. La France était ruinée. Les Anglais s’étaient installés en Aquitaine et dans l’ouest. Les bourgeois se révoltaient dans les villes. Les campagnes étaient le théâtre de jacqueries. Les ennemis négocièrent à Brétigny, notamment le montant de la rançon royale. Le roi, entre-temps, avait donné en apanage à son fils cadet, Philippe “le Hardi”, le duché de Bourgogne. Décision qui conditionnerait la suite des événements, en France et chez nous…

En 1365, en France, Charles V (1364-1380) succéda à Jean II, mort en captivité. Il réorganisa l’armée. Celle-ci, emmenée par du Guesclin, battit les Anglais à Cocherel, puis reconquit les territoires perdus à l’ouest, mettant fin à la première phase de la Guerre de Cent Ans. Son frère, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, épousa en 1369, Marguerite de Maele, fille unique du comte de Flandre.

Aubert de Bavière

En 1365 encore, la révolte de certains nobles hennuyers à l’égard du régent Aubert s’enflamma en conflit ouvert. Siger (Sohier) d’Enghien vint assiéger le château de Quiévrain, propriété du grand bailli Simon de Lalaing, fidèle au comte (et donc au régent Aubert), et soutenu par Baudri de Roisin, Gérard de Ville et Jean de Werchin. Poursuivi, Siger alla se réfugier dans le château de Baisieux où il fut capturé. Emmené au Quesnoy, il fut rondement jugé et décapité. D’autres révoltes eurent lieu en Hollande et en Frise, tout aussi rapidement réprimées. En Hainaut, certains seigneurs s’étaient ralliés au nouveau comte de Flandre, Louis de Maele, qui envahit le Hainaut et battit les Hennuyers à Hoves, près d’Enghien. Soignies, le Roeulx et Havré furent incendiés.

On signa enfin la paix. Les Enghien récupérèrent leur château. Aubert fit fortifier Soignies.

On continua les alliances familiales, tellement importantes pour comprendre la suite des évènements. Aubert obtint que son fils Jean devienne prince-évêque de Liège. Il fit faire des mariages « intéressants » à ses trois enfants. Une fille, Jeanne, épousa Wenceslas de Bohême, futur empereur. L’autre fille, Marguerite, épousa Jean de Bourgogne, dit “sans Peur”, fils de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne et futur comte de Flandre. Enfin, son fils Guillaume (le futur Guillaume IV) épousa Marguerite de Bourgogne, la fille de Philippe le Hardi.

Aubert s’allia au nouveau roi de France, Charles VI, à Philippe le Hardi et au beau-père de celui-ci, le comte Louis de Male, dans le but d’anéantir les troupes bourgeoises flamandes révoltées.

C’est dans ce contexte que décéda le comte de Flandre et que lui succéda son beau-fils, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Louis de Maele avait épousé la fille du duc Jean III de Brabant. La duchesse Jeanne, soeur de celle-ci, s’endetta lourdement dans des conflits. Elle demanda l’aide de Philippe le Hardi, qui la  lui accorda en échange de la nue-propriété du Brabant pour son épouse Marguerite et l’héritage du duché pour leur fils cadet, Antoine.

Toutes ces alliances (plus faciles à comprendre à la lecture des tableaux généalogiques) allaient enclencher les évènements futurs…

Guillaume IV (1404-1417)
Guillaume IV

Le type même du chevalier, habile à la guerre et dans les tournois.

La même année, son beau-frère, Jean de Bourgogne “sans Peur”, succéda à son père comme comte de Flandre et duc de Bourgogne. Il se distingua en France dans une guerre civile qui opposa son camp, celui des Bourguignons, à celui des Armagnacs qui soutenaient Louis d’Orléans. Jean fit assassiner ce dernier. Guillaume IV prit le parti des Bourguignons, tout en servant le roi de France Charles VI qui dérivait aussi vers la démence.

A l’initiative du nouveau roi d’Angleterre, Henri V Lancaster, la guerre reprit contre la

France. Henri V se proclama roi de France et s’allia aux Bourguignons. Il débarqua en

France avec son armée et défit la chevalerie française à Azincourt en 1415.

De nombreux seigneurs hennuyers, qui avaient pris le parti bourguignon y moururent: dont Antoine de Brabant ,Jean de Werchin, Jean de Croÿ et son fils, Jacques d’Enghien, Jean de Beloeil, Robert et Charles de Montigny, les seigneurs de Jeumont, d’Havré, Ecausssines, Audregnies, Lens, …

Les Armagnacs, partisans du roi de France, vinrent ravager le Hainaut. 

Jacqueline de Bavière (1417-1433)
Jacqueline de Bavière

C’est elle qui aura à payer le prix des alliances matrimoniales des deux générations précédentes. Il est vrai que ses relations amoureuses furent tumultueuses et délétères pour son autorité.

Elle devint comtesse des trois provinces en 1417 et fut bien accueillie en Hainaut. Elle avait 16 ans et était déjà veuve de son premier mari, le dauphin de France, mort prématurément. On lui fit alors épouser Jean IV de Brabant, son cousin germain, neveu de Jean sans Peur. Ce n’était pas le plus déluré des maris et elle était “tout en vigueur”. Autant dire que ça ne “fonctionna” pas entre eux, d’autant plus qu’il prenait des décisions politiques très discutables. Elle tenta de s’en séparer. Elle élimina ses conseillers.

Philippe “le Bon” qui, en 1419, avait succédé à son père assassiné comme duc de Bourgogne et comte de Flandre, tenta d’abord de rétablir la paix entre les deux époux, ses cousins en fait. Mais l’homme était très ambitieux et rêvait de bâtir un état aussi puissant que la France.

La comtesse Jacqueline, se sentant menacée dans son conflit avec son mari et cousin Jean de Brabant, se réfugia chez l’allié anglais, juste au moment où le pape d’Avignon annonçait l’annulation de son mariage. Elle épousa aussitôt le duc de Gloucester, frère du roi en 1422. Mariage que ne reconnut pas le pape de Rome et qui provoqua l’Indignation dans le comté et en la personne du cousin Philippe, qui venait entretemps d’acheter le comté de Namur très endetté.

 Jacqueline, son amant anglais et des troupes débarquèrent. Ils furent reçus chaleureusement à Mons et Valenciennes. En fait tout le comté de Hainaut les reconnaissait comme comtes, hormis… Enghien.

Quand cette petite armée, renforcée par des hennuyers, rencontra la coalition bourguignonne et brabançonne, elle se fit battre. La ville de Mons, les châteaux d’Havré, d’Elouges et de Baisieux furent assiégés et endommagés. Estinnes fut détruit. Gloucester s’enfuit chez lui et Jacqueline fut mise en résidence à Gand par son puissant cousin qui s’empara de la régence de ses comtés, tout en cherchant à faire reconnaître l’incapacité de Jacqueline à régner. Les Etats de Hainaut refusèrent, mais, comme elle n’avait pas d’enfant, ils lui promirent l’héritage. Ce qui fut conclu par le traité de Delft en 1428. Philippe le “Bon” continua à gouverner le Hainaut.

Le duc de Brabant, Jean IV, mourut sans enfant en 1430.C’est donc Philippe le Bon qui hérita des duchés de Brabant, de Limbourg et du marquisat d’Anvers.

 Pendant ce temps, il soutenait toujours les Anglais qui occupaient Paris. C’est un de ses proches, Jean de Luxembourg, qui leur livra Jeanne d’Arc, brûlée à Rouen en 1431.

Quant à Jacqueline de Bavière, aussitôt annulé le mariage avec Gloucester, elle épousa en cachette le gouverneur de Hollande en 1433. Colère du Bourguignon qui fit arrêter celui-ci et obligea Jacqueline à abdiquer.

Le pouvoir comtal

Progressivement, remplaçant les pairs et les seigneurs, on vit dans l’administration comtale et la chancellerie (ministères) arriver des personnages mieux formés en matière de justice ou de finances, notamment des Italiens en ce qui concerne les finances.

On conservait les chartes de Hainaut à Mons, à Valenciennes et au Quesnoy.

Depuis le XIIème siècle, deux cours, siégeant à Mons, assistaient le comte: la cour féodale et le conseil comtal. Au XIVème siècle, la première évolua vers la Cour souveraine du Hainaut. Il s’agissait d’une institution juridique s’exerçant sur les fiefs et les nobles. Elle jugeait aussi en appel des tribunaux subalternes.

On doit à Guillaume Ier “le Bon” d’avoir augmenté le pouvoir du “grand bailli“, appellation qui semble exister depuis cette époque (en place de “bailli”).

A partir d’Aubert de Bavière, on vit se former un “parlement“, issu aussi de la cour féodale, et qui prit de l’importance aux côtés du comte. On y trouvait non seulement les représentants de la noblesse hennuyère (les pairs et les barons), le haut clergé (les autorités des abbayes et des chapitres), mais aussi – fait nouveau – les bourgeois, représentants des villes. Tous étaient alors convoqués pour voter les impôts.

Ce parlement, réuni par le comte en 1364, se rangea à l’avis de celui-ci qui s’opposait à la revendication du comté par le roi Edouard III d’Angleterre. Celui-ci voulait placer le comté de Hainaut dans le douaire (héritage) de son épouse Philippa. Aubert fut même invité à Londres. Accompagné de 120 représentants de ses “Etats”, il réussit à convaincre le monarque anglais de lui laisser la régence des trois comtés.

A la fin de son règne, Aubert, avec l’aide de son fils Guillaume, reprit et développa les coutumes et ordonnances en matière de procédure pénale. Il étendit la cour de justice de Mons au droit commun.

Quant au Conseil de Hainaut, il défendait le droit du comte dans ses domaines, ses revenus et ses prérogatives.

L’économie urbaine

Depuis deux siècles, l’industrie urbaine se développait en multipliant les marchés et les foires. Outre Valenciennes et Maubeuge, centres drapiers déjà bien implantés, Mons, Ath, Avesnes, Enghien, Lessines, Binche, Braine-le-Comte et Hal évoluèrent dans le même sens, bien qu’avec moins d’ampleur. A Fontaine-l’Evêque, plus proche des centres liégeois de la métallurgie, on développa les clouteries.

L’acquisition des comtés de Hollande et de Zélande permit aux commerçants du Hainaut d’écouler plus facilement leurs marchandises par la voie de la Mer du Nord, car le débouché que représentaient des foires de Champagne déclinait.

 Les bourgeois accumulaient des fortunes. Ils investissaient non seulement dans l’économie, mais aussi dans les domaines ruraux qu’ils achetaient. Alors que les seigneurs les plus riches de l’aristocratie rurale se faisaient construire des hôtels en ville, les bourgeois les plus opulents s’installaient dans des châteaux ruraux. On vivait à la ville et à la campagne, comme du temps des Romains.

Les contacts commerciaux et militaires avec le monde oriental (par le biais des croisades) affinaient les moeurs chez nous. On commença à décorer les châteaux et les demeures avec des tapisseries. On s’éclaira à la lampe à huile plutôt qu’avec des bougies et des torches. Les vêtements s’embellirent et les armes furent à nouveau décorées.

La prospérité continua pendant les premières décennies du XIVème siècle. Elle fut suivie d’un grand déclin économique dont les causes étaient les épidémies (peste de 1348), la sécheresse, les famines et les retombées de la Guerre de Cent Ans sur le commerce. Lorsque la laine anglaise était moins présente sur les marchés continentaux, on filait la laine locale ou le lin, faisant évoluer l’industrie vers la sayetterie (draps de laine ordinaire) et la toilerie.

Cependant, que ce soit à Mons, à Valenciennes, à Avesnes ou au Quesnoy, la cour de Hainaut maintint son faste à travers les fêtes, les joutes et les tournois. Toutes ces dépenses, associées aux fortifications de certaines villes, vidèrent les caisses comtales, d’autant plus que la gestion financière était déplorable en cette période de basse conjoncture économique.

Sur le plan des privilèges, Aubert n’apporta rien aux villes en souffrance. Situation que tenta de corriger son fils, Guillaume IV, en réorganisant l’administration des villes du comté.

Malgré ses frasques, Jacqueline de Bavière avait permis aux villes de Hainaut de continuer à se développer, notamment en augmentant leurs privilèges de justice.

Mons

Capitale administrative du comté, elle obtint du comte Jean d’Avesnes de nombreux avantages (exemption de taxes, affranchissements de serfs, deux foires, encouragement des corporations de métiers, notamment les drapiers et les maîtres d’artillerie) et surtout un agrandissement de son enceinte avec la construction de six portes (1293-1296). La ville profitait aussi de l’édification de nombreuses résidences (hôtels seigneuriaux) à l’initiative des riches bourgeois et des nobles seigneurs des campagnes environnantes. Les abbayes aussi y faisaient construire des refuges.

Mons devenait une ville à la fois administrative et industrielle, plus que commerçante. Guillaume “le Bon” réforma le pouvoir et le droit en ville en réduisant l’échevinage à vie. Il créa des manufactures de draps en 1304.

En 1348, la grande peste noire fit des milliers de morts à Mons. Ce serait depuis cette date qu’il fut décidé d’organiser des processions dans la ville avec les reliques de Sainte-Waudru.

Lors de son avènement en 1357, Guillaume III imposa aux bourgeois de Mons, ainsi qu’aux Lombards et aux Juifs, de demeurer constamment armés. C’est ainsi qu’est née l’obligation des villes hennuyères de posséder des “milices bourgeoises”.

Le premier beffroi, appelé “Tour de l’Horloge“, fut construit en 1380 à l’initiative d’Aubert de Bavière.

C’est sous la comtesse Jacqueline que l’on commença à construire l’actuelle collégiale gothique de Sainte-Waudru et l’église Saint-Nicolas.

La mainmise de Philippe le Bon sur le comté pourrait aussi être à l’origine du transfert de la Haute Justice aux échevins de Mons.

Valenciennes

Depuis plusieurs siècles, c’était la ville la plus industrielle et la plus florissante du comté. Ses bourgeois réclamaient de plus en plus de franchises et de pouvoir, irritant le comte Jean d’Avesnes qui déplaça plusieurs institutions vers Mons qu’il favorisait. Les Valenciennois en appelèrent au roi de France Philippe le Bel qui s’empressa de mettre la ville sous sa protection. Un conflit s’ensuivit avec le comte (“l’affaire de Valenciennes”, 1291-1297), qui se termina par une paix signée. La charte de 1302 restructura le Magistrat de la Ville qui était composé d’un prévôt et de douze échevins pouvant rendre la Haute Justice.

Ici aussi la peste fit mourir des milliers d’habitants.

La Guerre de Cent Ans ne fit pas trop décliner le commerce. Une prospérité relative permit ainsi de renouveler le système des fortifications entre 1340 et 1380.

Maubeuge

L’autre grosse ville drapière du comté, surchargée d’impôts, se révolta aussi contre Jean d’Avesnes. Assiégée, elle dut se rendre.

Sous Guillaume II, les bourgeois obtinrent de fortifier la ville.

Le Quesnoy

Ses fortifications furent améliorées par Guillaume “le Bon”.

Ath

Guillaume “le Bon” favorisa l’industrie drapière en lui accordant des privilèges.

C’est sous Jacqueline qu’on reconstruisit l’église Saint Julien et que l’on bâtit l’hôpital du béguinage.

Saint-Ghislain

Une bourgade s’était développée en bordure de l’abbaye. Elle acquit un caractère urbain. Le marché d’Hornu fut transféré par Jean d’Avesnes en 1286 vers la nouvelle ville.

On peut dire que le XIVème siècle fut une période d’apogée pour l’abbaye. Louis de Bavière, époux de Marguerite d’Avesnes, donna à l’abbé de Saint-Ghislain le titre de “prince de Wihéries”.

Leur fils Aubert décida de donner une enceinte à la ville et d’y placer une garnison. L’opulence de l’institution lui permit encore d’acheter des fiefs et des terres dans la région.

Soignies fut également fortifiée par Aubert.

Le Roeulx évolua aussi vers le statut de ville.

Dans les campagnes

Jusqu’à la moitié du XIVème siècle, la campagne, à l’image des villes, continua à profiter de la prospérité. Mais on commençait aussi à discerner une certaine dualisation de la société rurale entre les grandes exploitations, mises en valeur par le bail à ferme, et les petites parcelles paysannes.

On cultivait de plus en plus les plantes industrielles: le lin (pour les toiles), les oléagineuses (pour les pressoirs à huile), les plantes tinctoriales (pour les drapiers). Le grain céréalier, moins rémunérateur, ne concernait que les petites exploitations.

Il existait aussi un artisanat rural: des paysans tisserands, des ferronniers, des couteliers, des potiers, des tuiliers, des tanneurs, des savetiers, …

L’exploitation du charbon de houille en surface concernait, au XIIIème siècle, quelques villages au Couchant de Mons. Au XIVème, on commença à l’extraire aussi à l’est de Mons, soit à Strépy, Saint-Denis et Morlanwelz.

Le charbon était surtout d’usage local, au départ, mais on commença bientôt à l’exporter. Les bons axes routiers étant rares (dans quel état étaient encore les chaussées romaines?, les autres chemins étaient souvent impraticables en temps de pluie), on commença à le transporter par la Haine, du moins à l’ouest de Mons, vers Condé et l’Escaut. Il fallait donc entretenir la fluvialité de la rivière. Aubert de Bavière créa en 1379 “l’Office de navigation de la Haine“.

Une profession s’était aussi développée, depuis le XIIIème, grâce au commerce; c’était celle des transporteurs: les charretiers et les bateliers.

Si la Guerre de Cent Ans ne s’accompagna pas de hauts faits d’armes en Hainaut, quelques escarmouches marquantes entraînèrent des dommages dans les villages. Notamment lorsque le roi de France, Philippe V, en réaction à l’alliance Angleterre-Hainaut, saccagea, en 1340, le Cambrésis, Bavay, Famars, les deux Wargnies et Marchipont (sans doute, aussi, d’autres villages non mentionnés dans les livres).

Dans la seconde moitié du XIVème siècle, les épidémies, les mauvaises récoltes et les famines affectèrent aussi les campagnes. Les bandes armées organisées y circulaient, que les grands baillis et les prévôts s’ingénièrent à réprimer.

Les villages semblent avoir plus souffert que les villes pendant ce siècle. La démographie déclina. Alors que, dans les trois siècles précédents, le développement rural s’était accompagné de la fondation de nombreux villages et de hameaux, on vit une bonne partie de ceux-ci disparaître pour ne jamais renaître, probablement. Le paupérisme rural atteignit le tiers de la population.

La chrétienté en Hainaut

Après les réformes concernant les ecclésiastiques aux siècles précédents, ceux-ci, forts d’une nouvelle autonomie par rapport aux aristocrates, vont se comporter comme eux. Papes, évêques et abbés (le haut-clergé) vont considérer leurs charges sous l’aspect rémunérateur avant tout, plutôt que spirituel. Il n’est pas rare, alors,  de voir un même personnage cumuler les charges, et un évêque résider ailleurs que dans son diocèse.

La vénalité s’installa. S’en suivit une décadence des moeurs, un abandon des Règles. On vivait “dans le siècle”. Les chapitres, comme les cours des nobles, s’adonnaient à une vie de fastes et de luxe. A Mons et à Maubeuge, n’accédait pas qui voulait au rang de chanoinesses.

Pendant ce temps, les papes, se trouvant en insécurité à Rome, se rapprochèrent des rois de France en s’installant à Avignon en 1309. Lorsqu’ils repartiront à Rome en 1378, le Grand Schisme d’Occident se sera installé, caractérisé par l’élection simultanée de deux ou trois papes.

L’empereur Louis IV de Bavière, par ailleurs comte de Hainaut en tant qu’époux de Marguerite d’Avesnes, proclama que l’empereur occupait un rang aussi élevé que le pape et n’avait plus besoin de celui-ci pour obtenir le sacre. Il déclara également la supériorité des conciles sur les décisions papales. D’ailleurs, le Grand Schisme se termina par le concile de Constance (1414-1418) où un seul pape fut élu.

Quant aux curés de paroisses, le petit clergé, il était toujours loin d’avoir la formation requise pour prêcher la bonne parole au petit peuple des croyants et des crédules. La superstition côtoyait la religion. Des sorcières (ou réputées telles) faisaient commerce avec Satan. Les bûchers réglaient pas mal de problèmes. On taxait, en effet, le plus souvent d’hérésie le désir de rendre sa vie davantage en accord avec les textes saints et moins avec les exigences et les commerces de l’Eglise. Tout cela tournera mal un bon siècle plus tard…

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