Un XVIIème siècle de guerres éprouvantes
Le Hainaut avait pu se développer économiquement et socialement pendant une très longue période de paix relative, depuis la fin des invasions vikings jusqu’au XVème siècle. Même la Guerre de Cent Ans n’avait concerné que nos comtes et seigneurs qui allèrent se battre sur des champs de bataille éloignés, alors que villes et campagnes hennuyères pouvaient continuer, peut-être en moindre mesure, à produire et à nourrir leur population.
Les velléités des rois français Louis XI (de 1475 à 1478) et Henri II (de 1552 à 1554), en réaction, il est vrai, aux politiques de Charles le Téméraire pour l’un et de Charles-Quint pour l’autre, ont fait que fermes, chaumières, récoltes et châteaux ont alors réellement souffert en nos contrées.
Aux aléas politiques se sont ajoutées les discordes religieuses et leurs intransigeances. Les Hennuyers, comme les habitants d’autres régions, ont payé un lourd tribut durant la seconde moitié du XVIème siècle. Mais, plus encore, les visées expansionnistes de quelques rois de France aux XVIème et XVIIème siècles vont mettre à genoux villes et villages de notre vallée.
Sous le gouvernorat des archiducs
La situation s’était pourtant bien rétablie dès la fin du XVIème siècle. Après qu’en soit chassé le calvinisme des villes, la paix était revenue dans les provinces du sud des Pays-Bas, restées catholiques et fidèles au roi d’Espagne. Le nouveau gouverneur, l’archiduc Albert d’Autriche, et son épouse, Isabelle, fille du roi Philippe II d’Espagne, firent tout ce qui était en leur pouvoir pour relancer l’économie, tout en continuant la lutte pour récupérer les provinces sécessionnistes du nord. Deux Habsbourg aux commandes! Philippe II était prêt à leur donner la souveraineté complète des Pays-Bas, à eux et à leurs descendants, s’ils en avaient. Mais ils n’en eurent pas…
On put, à cette période, constater une reprise de l’activité agricole dans les campagnes, suffisante pour nourrir habitants des villages et citadins. Les seigneurs ruraux, laïcs et ecclésiastiques, tous propriétaires fonciers, retrouvèrent leur importance. C’est l’époque où l’on commença à construire de grosses fermes en matériaux durs (pierres, briques).
L’exploitation de la houille continua à se développer. On compta 120 puits au Couchant de Mons. Il fallait alimenter, outre les foyers et les forges, l’industrie du verre qui prit de l’essor dans la seconde moitié du siècle. A Mons, on fonda, en 1676, la “Compagnie des Marchands de Charbon”.
Les villes ne parvinrent cependant pas à retrouver leur vitalité d’antan, par manque de main-d’oeuvre (les meilleurs artisans et commerçants, protestants, étaient partis durant les guerres de religion) et par manque de débouchés (les provinces du nord bloquaient la circulation sur l’Escaut et tenaient Ostende). Les bourgeois étaient grevés d’impôts destinés à l’entretien des défenses et garnisons de leurs villes. La draperie de laine ne retrouva jamais sa prospérité d’avant. La fabrication de toiles s’imposa (Ath, Valenciennes).
Noblesse et clergé, par leur alliance (ils détenaient deux voix sur trois aux Etats de Hainaut) pouvaient tenir tête aux bourgeois (le Tiers Etat). De plus, nombre d’aristocrates hennuyers étaient toujours appelés à servir militairement et à occuper des postes politiques importants, ce dont ils étaient récompensés par l’Ordre de la Toison d’Or. Ainsi en allait-il des de Croÿ, des Hénin-Liétard, des Ligne et des Arenberg.
La situation économique s’améliora un peu grâce à des trêves signées entre belligérants du nord et du sud (1607-1621). Ostende fut libérée. Albert en profita pour réaliser de nombreuses réformes du droit et des finances. Il mourut en 1621. Son épouse Isabelle continua son oeuvre, mais elle dut bientôt reprendre la guerre contre les sécessionnistes du nord.
Les affrontements avaient lieu là-bas, mais il arriva que des troupes des Provinces-Unies s’aventurent jusqu’en Hainaut, ce dont Binche et les villages alentour (dont Carnières) eurent à souffrir en 1622. Isabelle avait de la peine à les contenir. Le roi Philippe IV nomma Pierre Roose à la tête du Conseil Privé (gouvernement). Mais ce personnage indisposa les nobles au point qu’un complot fut ourdi en 1634 où l’on retrouvait quelques seigneurs hennuyers: Philippe d’Arenberg (seigneur de Quiévrain et d’Enghien) et le prince Albert-Henri de Ligne (seigneur de Beloeil et de nombreux villages de la Haine). La tentative échoua. Arenberg mourut en prison. Pendant ce temps, la soldatesque mercenaire se livrait aux pillages dans certaines régions, comme du côté de Binche, d’Estinnes et de Morlanwelz en 1635.
Il fallait aussi compter avec les mauvaises saisons et les maigres récoltes qui en résultaient, mais surtout avec les épidémies. Mons et Cuesmes furent particulièrement touchées par l’une d’entre elles en 1615. On chercha à s’en débarrasser en allant chercher à Gand les reliques de Saint-Macaire qu’on promena en procession de Saint-Denis à Mons. L’initiative réussit et, en remerciement, on éleva une chapelle en l’honneur de ce saint à Obourg. D’autres épisodes d’épidémie eurent cependant encore lieu en 1618, ainsi qu’en 1638, à Quiévrain et dans ses environs.
Les guerres de Louis XIII
La situation internationale était tendue. Outre le conflit aux Pays-Bas, on se battait au centre de l’Europe (Guerre de Trente Ans, 1618-1648) pour des motifs politiques et religieux.
En France régnait Louis XIII (1614-1645), conseillé par le cardinal de Richelieu. Tous deux supportaient mal que leur royaume soit enserré entre des territoires appartenant aux Habsbourg (Espagne, Empire, Pays-Bas). Ils avaient la nostalgie de la Gaule romaine, bordée de frontières naturelles: les Pyrénées au sud et le Rhin au nord. Il fallait pour cela conquérir les Pays-Bas (au moins le sud), Liège, la Lorraine et l’Alsace. Profitant de la Guerre de Trente Ans, ils s’y attelèrent et déclarèrent la guerre à l’empereur Ferdinand II et au roi Philippe IV d’Espagne. Ils partirent à la conquête de l’Alsace et du Palatinat (sud-ouest de l’Allemagne), mais aussi des territoires que l’Espagne possédait au nord, en l’occurence nos régions…
On ne peut pas dire que Louis XIII réussit sans problème. En 1634, il échoua devant Tirlemont, après avoir saccagé quelques châteaux et villages au passage (faits mentionnés pour Audregnies et Bougnies seulement). En 1637, le maréchal de Turenne s’empara de la place forte de Beaumont. Grâce à quelques officiers supérieurs hennuyers, dont Claude-Lamoral de Ligne (Beloeil, …) et Albert-Maximilien de Hennin-Liétard (Boussu, …), les Français furent, pour un temps, boutés hors du Hainaut. Mais en 1640, le gouverneur Don Fernando ne put empêcher la prise d’Arras où fut tué le comte de Boussu ci-avant nommé. D’autres villes furent prises en Flandre gallicane et au sud du Hainaut (Landrecies).
D’escarmouches en escarmouches, les Français grignotaient des morceaux de territoires et s’aventuraient plus ou moins profondément sur les marges. C’est ainsi qu’on vit des troupes françaises camper sur le domaine du Saulçoir à Quiévrain en 1643. En 1645, la cure de Thulin fut complètement brûlée et, avec elle, toutes ses archives.
La riposte vint du gouverneur Léopold-Guillaume de Habsbourg (1647-1655) qui reprit la plupart des villes. Une partie de ses troupes campaient entre Condé et Saint-Ghislain, vivant de réquisitions, de rapines et de pillages sur le compte des villageois.
1648 vit la conclusion de la Guerre de Trente Ans par les Traités de Westphalie et de Münster. La France s’étendait désormais jusqu’au Rhin à l’est (par l’acquisition de l’Alsace). Le roi d’Espagne, Philippe IV, dut reconnaître l’indépendance des Sept Provinces Unies calvinistes du nord. L’Escaut restait fermé. Les provinces “belges”, toujours espagnoles, étaient perdantes.
Les guerres de Louis XIV
Monté sur le trône en 1645, Louis XIV voulut tirer profit du fait que Philippe IV d’Espagne avait refusé de ratifier le Traité de Münster. Il repartit en guerre contre lui, en faisant siennes les ambitions de Richelieu. Six campagnes de guerre, ponctuées d’autant de traités, suffiront à modifier à tout jamais les frontières et surtout l’avenir du comté de Hainaut.
Première campagne
Dès 1654, Turenne et La Ferté s’emparèrent de Bavay dont ils démantelèrent les remparts.
En 1655, ces mêmes généraux partirent à la conquête du Hainaut. Il prirent successivement Landrecies, le Quesnoy, Condé (14 août), Bernissart (19 août), Saint-Ghislain (siège du 19 au 25 août – la défense en avait été assurée vainement par les comtes de Boussu – les moines chassés se réfugièrent à Mons), Audregnies, Boussu (22 août – Louis XIV et Mazarin y installèrent leur quartier général) et enfin Mons (prise après trois jours de siège).
L’année suivante, les Français s’emparaient aussi de Valenciennes (15 juin 1656).
Le nouveau gouverneur, Don Juan d’Espagne, fils naturel du roi Philippe IV, entama la reconquête. Celle de Valenciennes (16 juillet 1656, où Vauban fut blessé), puis celle de Condé (18 août). Saint-Ghislain ne fut reprise que le 21 mars 1657. Quelques-unes de ses fermes abbatiales eurent à souffrir de ces guerres (Blaugies et la Court de Wasmes).
En Flandre, les Français emportèrent des prises plus significatives (Dunkerque et la plupart des villes flamandes), ce qui obligea le roi Philippe IV à signer le Traité des Pyrénées (1659). Il dut céder à Louis XIV l’Artois, le sud du Hainaut (les prévôtés du Quesnoy et d’Avesnes), et les parties méridionales de la Flandre et du Luxembourg. Comme toujours, on scella la paix par un mariage. Philippe IV donna sa fille Marie-Thérèse au jeune Louis XIV. Ce qui comptait, c’était la dot: le Roussillon au sud et une belle somme d’argent… qui tarda à être versée.
Or en Espagne, Philippe IV, décédé en 1665, céda son trône à un enfant chétif de quatre ans, Charles II (1665-1700). Ce dont profita immédiatement Louis XIV, son beau-frère, pour réclamer la souveraineté sur les Pays-Bas et la Franche-Comté, en se basant sur de vieilles coutumes du Brabant qui autorisaient un droit de dévolution.
Deuxième campagne (dite “Guerre de dévolution”)
N’ayant pas obtenu satisfaction, il repassa à l’attaque, toujours avec le maréchal Turenne. Le but était, dans un premier temps, de semer la terreur dans les populations à coups de saccages, de pillages, d’incendies, de viols et de crimes.
Dès 1667, Lille, Condé, Quiévrain (château et église très endommagés), Boussu et Saint-Ghislain tombèrent. Les troupes s’installaient dans les campagnes autour de Quiévrain et se comportaient comme d’habitude: réquisitions, rapines, violences, … Pour qu’on ne leur vole pas les cloches de leur église, les habitants de Quiévrain les avaient transportées en cachette à Valenciennes.
Le roi de France inquiétait les puissances européennes qui conclurent une Triple Alliance (Hollande, Angleterre, Suède). Ce qui fut reculer Louis XIV. Non sans s’être emparé auparavant de la Franche-Comté, celui-ci dut se résoudre à signer le Traité d’Aix-la-Chapelle (1668). S’il devait rendre certaines de ses dernières conquêtes, il conservait Binche et Ath (et les villages de leur prévôté), Tournai, Lille, Charleroi et bien d’autres villes encore. Il vint même s’installer à Ath, puis à Tournai où son architecte-stratège, Vauban, fortifia la ville.
La Lorraine était toujours indépendante. Louis XIV l’envahit et l’annexa en 1670.
Troisième campagne
Nullement rassasié, le Roi-soleil reprit ses conquêtes dès 1674, avec, à la tête de ses armées le maréchal de Humières et celui de Luxembourg. Il s’attaqua d’abord à l’est du comté, remportant notamment une victoire très meurtrière à Seneffe. Les campements de ses troupes laissèrent de très mauvais souvenirs aux populations entre Morlanwelz et Binche. Cette dernière ville, qui lui appartenait depuis 1668, fut occupée. On dit que le village d’Angre, traversé par les troupes françaises en 1674, fut tellement ravagé qu’il resta inhabité pendant deux ans, ses habitants s’étant réfugiés ailleurs. La ferme de la Court de Wasmes fut une fois encore incendiée.
Condé fut repris (1676), puis Valenciennes (mars 1677), et encore Saint-Ghislain (décembre 1677). Enfin, les Français allèrent faire le siège de Mons en 1678. L’abbaye d’Epinlieu (près de la Porte du Parc) fut définitivement détruite. On la remplaça plus tard par le Fort-de-Haine. Mais le maréchal de Luxembourg ne put s’emparer cette fois de la capitale du Hainaut. Les Hollandais du Prince Guillaume d’Orange (aussi roi d’Angleterre à l’époque) arrivèrent à la rescousse et battirent les Français à Saint-Denis-en-Broqueroie (en fait sur les territoires d’Obourg, Casteau, Thieusies et Saint-Denis).
Ces années 1677 et 1678 virent aussi passer des épidémies de peste.
Les belligérants se remirent autour d’une table et signèrent le Traité de Nimègue le 10 août 1678. C’est lui qui établit, à peu de choses près, l’actuelle frontière franco-belge. Louis XIV céda les villes flamandes (Courtrai, Gand, Audenarde), sauf celles de la Flandre gallicane (Lille, Cassel, Saint-Omer, Dunkerque, mais aussi Ypres). Il rendit Ath et Binche (et leurs prévôtés). Il garda Tournai, les prévôtés de Valenciennes, de Maubeuge (dont Givry, Barbençon et Boussu-lez-Walcourt) et de Bavay, Mariembourg et Philippeville. Se sont retouvés ainsi côté français: Sebourg, Crespin, Saint-Aybert, Thivencelles, Hensies, Harchies, Bernissart et Pommeroeul.
Outre-Quiévrain, c’était maintenant pour toujours !
Pour remplacer les Espagnols, en plein déclin, les Hollandais placèrent des garnisons dans les villes et les bourgs pour défendre la nouvelle frontière. Vauban fit de même de l’autre côté en fortifiant Le Quesnoy, Valenciennes et Condé. Valenciennes, dont l’économie était complètement ruinée, fut placée dans l’intendance de Lille. Du côté “belge” de la frontière, les troupes de passage avaient tout dévasté, les fermes, les champs, les châteaux, les abbayes (dont la prévôté de Saint-Amand à Sirault, dont on n’a pas beaucoup parlé). Les fortifications de Saint-Ghislain avaient été détruites par les Français avant qu’ils ne se retirent.
Quatrième campagne
Elle fut déclenchée en 1683 par le roi d’Espagne, Charles II, le grand perdant de l’épisode précédent, alors que Louis XIV bataillait sous d’autres cieux, en Palatinat. Celui-ci tourna alors de nouveau les yeux et ses troupes vers le nord, s’attaquant à Luxembourg, puis à Chimay, à Beaumont et Chièvres (?) qu’il occupa. Bien lui en fit, car on signa tout de suite la Paix de Ratisbonne qui lui octroya ces dernières conquêtes. Entre-temps, il avait révoqué l’Edit de Nantes en s’en prenant à nouveau aux protestants français qui durent choisir l’exil.
Cinquième campagne
L’empire, l’Espagne, l’Angleterre et les Provinces-Unies, qui se montraient garantes de nos Pays-Bas, constituèrent une alliance, la “Ligue d’Augsbourg” que Louis XIV considéra comme une menace. Il reprit donc les hostilités en envoyant de nouveau ses généraux chez nous. Cette initiative se solda par quelques défaites françaises (Walcourt et Menin), mais aussi par une victoire à Fleurus en 1690. Les Français réoccupaient Binche. La ville et les villages alentour furent à nouveau mis à contribution pour ravitailler les armées. D’autres villes furent prises en Flandre (Furnes, Dixmude, Courtrai), en Hainaut et en Namurois. On démantela les fortifications à Boussu. Les Français remportèrent encore une éclatante victoire à Neerwinden.
Si la vallée de la Haine avait été épargnée jusque-là par cette campagne, ce fut un répit de courte durée. Avril 1691 voyait Louis XIV et Vauban installer leur artillerie sur les monts Héribus et Panisel, ainsi que leur infanterie sur une “ligne de la Trouille”, depuis Grand-Reng et Givry jusqu’à Jemappes, en passant par Harmignies, Spiennes, Mesvin. Mons fut bombardé et capitula le 10 avril…pour une occupation de six ans encore. L’espoir des Français était grand d’y rester puisque Vauban apporta de nombreuses améliorations aux fortifications (ouvrages à cornes, redoutes), fit construire de nouvelles casernes et un hôpital militaire. On voyait des campements français un peu partout, à Givry, à Haine-Saint-Pierre, à Crespin (d’où une cavalerie de mercenaires allemands vint rançonner les paysans de Montroeul-sur-Haine).
Les exactions étaient nombreuses. Des villages furent encore complètement détruits (Villers-Saint-Gislain, Buvrinnes et Vellereille-le-Sec en 1693, Bettignies en 1694). Le village de Thulin tardait à donner à l’ennemi le ravitaillement qu’il exigeait. En 1694, son mayeur, Jacques Hallez, fut arrêté et enfermé à Ath jusqu’au moment où la commune paya son dû.
Louis XIV venait parfois visiter ses troupes. Il logea à Quiévrain le 11 mai 1695. Ce même village vit passer, dans l’autre sens, cette fois, la dépouille du neveu de Turenne, mort au combat à Steenkerke. Cette année-là, le centre de Bruxelles était durement bombardé par l’artillerie du maréchal Villeroy. Mais la capitale tint bon. La résistance du pays s’incarnait dans ces personnages qu’étaient Guillaume d’Orange (roi d’Angleterre et stadhouder de Hollande) et le nouveau gouverneur Maximilien-Emmanuel de Bavière. Certaines villes belges furent reprises, dont Namur.
La France s’épuisait peu à peu. Son roi l’avait lancée dans des guerres inconsidérées, tout en menant grande vie à la cour de Versailles. Le peuple aspirait à la paix. On la signa au Traité de Rijswijck en 1697. De notre point de vue, il faut retenir que Louis XIV restituait les villages des prévôtés de Mons et d’Ath, ainsi que Thuin et Charleroi. Un autre accord, le Traité de Lille en 1699 ramena quelques villages de la prévôté de Maubeuge dans le comté de Hainaut, dont Givry.
C’était la ruine partout, dans les villages et dans les villes. Famines et épidémies s’ajoutaient aux dégâts de la guerre et aux exactions de la soldatesque errante. Le gouverneur Maximilien-Emmanuel de Bavière tenta bien de relancer l’économie, mais le contexte international se prêtait peu aux transactions commerciales.
C’est le moment “que choisit” Charles II, roi d’Espagne (la citadelle de Charleroi avait été édifiée en son nom), pour mourir…sans héritier. Autrichiens et Français étaient naturellement candidats à la succession. Le roi défunt, dans son testament, avait opté pour les seconds. Philippe d’Anjou, un Bourbon (lointain ancêtre du roi actuel d’Espagne Felipe V), petit-fils de Louis XIV monta sur le trône. Ce qui ne plut pas au roi d’Angleterre. Mais, malheureusement pour nous, Louis XIV soudoya le gouverneur, Maximilien-Emmanuel de Bavière, en lui assurant le remboursement de dettes. En échange, celui-ci faisait retirer les garnisons hollandaises de nos villes-frontières.
Sixième et dernière campagne (Guerre de Succession d’Espagne)
Le roi de France obtint de son petit-fils, Philippe V d’Espagne, procuration pour gouverner les Pays-Bas. C’était reparti pour un tour…
Immédiatement, les garnisons hollandaises mises en place après le Traité de Nimègue furent remplacées par des garnisons françaises. Ce n’était pas une invasion, ni une occupation, mais une “protection”! Mons et Saint-Ghislain furent réinvesties “pacifiquement”.
Ce ne fut pas du goût des Anglais, des Hollandais et des Autrichiens qui scellèrent en 1701 une “Grande Alliance” contre la France. Les coalisés mirent à la tête de leurs armées deux grands généraux, le duc de Marlborough (celui de la chanson “mironton mironton mirontaine”) et le prince Eugène de Savoie-Piémont.
Louis XIV vint carrément réoccuper Mons et Saint-Ghislain, avec la volonté d’y réformer “à la Colbert” l’administration laissée à l’abandon par la noblesse hennuyère d’alors. Les Etats du Hainaut furent mis de côté. Les finances furent rétablies et la conscription instaurée pour aller se battre aux côtés des Français.
Le conflit débuta en 1702 par quelques escarmouches. Pendant ce temps, le peuple était soumis à de nouveaux impôts de guerre et à des conscriptions. On bataillait surtout en Allemagne. Le conflit atteignit nos régions en 1706. Marlborough vainquit les Français à Ramillies (Brabant). Les villes occupées par des garnisons françaises furent reprises une à une (Gand, Bruges, Anvers, Ath, Ostende, Menin). Seules quelques villes hennuyères, namuroises et luxembourgeoises restaient “sous protection » française. Une bataille eut lieu le 13 août 1707 près de l’abbaye de l’Olive à Morlanwelz entre les alliés et une arrière-garde française. Les troupes alliées se déployèrent dans toute la région de Binche, non sans dommages. Une armée française de 15.000 hommes campait entre Valenciennes, Crespin et Jeanlain, occasionnant de gros dégâts.
Marlborough continuait à reprendre les villes belges (Audenarde en 1708) et des villes françaises du Nord (anciennement flamandes: Lille, Saint-Amand, Douai et Tournai). Louis XIV refusa les conditions de paix qu’on lui proposait. Campagnes guerrières, hivers rudes, mauvaises récoltes et famines appauvrissaient les populations.
En 1709, Eugène de Savoie vint mettre le siège devant Mons, après avoir installé son QG à Havré, ses batteries sur le Mont Héribus et ses soldats le long de la Trouille jusqu’à Spiennes. Au début septembre, la ville fut reprise. Ce fut ensuite le tour de Saint-Ghislain, le 10 septembre, par Marlborough.
Le lendemain, la grande bataille tant attendue eut lieu. On l’appela la “Bataille de Malplaquet“. Elle opposa 90.000 soldats français aux ordres de Boufflers et Villars (QG au château d’Audregnies et à Quiévrain) à 80.000 hommes aux ordres de Marlborough et Savoie. Les hostilités se déroulèrent sur les villages de Goegnies-Chaussée, Hon-Hergies, Blaregnies, Blaugies et Sars-la-Bruyère. Elles laissèrent 35 à 40.000 morts, presque autant dans chaque camp, mais la victoire fut celle des alliés. Quant aux fermes et aux campagnes environnantes, elles furent livrées aux pillages, autant par les vainqueurs que par les vaincus dans leur retraite (Audregnies, Angre, Marchipont dont le pont, un des rares sur l’Aunelle, fut détruit). Les victimes civiles furent nombreuses.
Les alliés continuèrent sur leur lancée. Bouchain fut prise en 1711. L’armée autrichienne remplaça celle des Français à Quiévrain et dans les villages du Nord, avant d’aller s’attaquer au Quesnoy. Quel que soit l’occupant, les souffrances étaient identiques pour les populations occupées.
Les provinces belges furent enfin délivrées. Les “grandes nations” allaient désormais veiller sur elles. D’abord, en remettant des garnisons hollandaises dans les villes fortifiées, aux frais de leurs habitants. Ensuite en inféodant complètement le Conseil d’Etat à la Conférence des Puissances. L’empereur Charles VI organisa un Conseil Suprême des Pays-Bas à Vienne d’où il envoya chez nous un ministre plénipotentiaire, le marquis de Prié, qui se heurta à nos Etats Provinciaux et à quelques nobles, dont Claude-Lamoral II de Ligne. Enfin on se remit autour de la table pour signer le Traité d’Utrecht de 1713, après que le prince de Savoie eut infligé une nouvelle défaite au général Villars, à Denain.
Ce qu’il faut surtout retenir de ce traité, qui ne modifia pas nos frontières, c’est que l’Espagne, ayant commencé son grand déclin sur la scène internationale, abandonnait les Pays-Bas à l’Autriche de l’empereur Charles VI. Les Français rendirent également Tournai. Les Provinces-Unies continuaient à nous protéger avec leurs garnisons, à nos frais. L’Escaut restait bloqué. Le pays était exsangue et ruiné. Agriculture, industrie urbaine et exploitation houillère étaient anéanties et manquaient de débouchés extérieurs. Depuis le début des guerres de Louis XIV, 43% du comté de Hainaut étaient devenus français. Par contre, ce qui en restait, ainsi que le duché de Brabant, continuerait à dépendre, sur le plan spirituel, de l’archevêque de Cambrai.
Quelque temps auparavant, un certain Fénelon, archevêque de Cambrai en brouille avec son roi, s’était fait connaître chez nous pour avoir résidé un temps à Pâturages et à Meslin-l’Evêque.
L’évolution du pouvoir au XVIIème siècle
En ce siècle, les rois d’Espagne continuèrent à diriger les provinces des Pays-Bas par gouverneurs interposés. Pour ce qui est du Hainaut, l’archiduc Albert fusionna en 1611 la Cour souveraine et le Conseil en une “noble et souveraine cour de Hainaut”, présidée par le grand bailli (qui restait le personnage principal du comté) et composée de quatorze conseillers des trois ordres. Par la suite, chaque cour reprit ses habitudes, avant que le roi Philippe V, en 1702, ne recrée le “Conseil Souverain de Hainaut”. Ce dernier fut installé à Mons dans l’ancien refuge de l’abbaye de Cambron, rue de Nimy.
Mais, hormis quelques seigneurs qui continuèrent à occuper de hauts postes politiques (grand bailli) et militaires (gouverneurs, officiers supérieurs), partout ailleurs l’administration requérait d’abord des experts en droit ou en finances, sortis des écoles supérieures. La bourgeoisie enrichie en fournissait le plus gros contingent. Dans le monde rural aussi, la multiplication des fiefs et propriétés terriennes tenus par des bourgeois enrichis était une preuve flagrante du changement qui s’opérait. Ce sont ces même bourgeois qui possédaient des hôtels particuliers à Mons et Valenciennes.
Avec la perte progressive des prévôtés au profit de la France, au fur et à mesure des traités, le nombre de gouverneurs des villes fortifiées se réduisit, d’autant que certaines de ces villes perdaient leurs fortifications. Seuls trois centres, jugés stratégiques, gardèrent le leur: Condé, Saint-Ghislain et Mons, qui avaient été, lors de chaque campagne de guerre, les premières cibles des armées françaises.
Ath, Binche et Beaumont avaient également subi de gros travaux d’aménagements. Mais ces villes passèrent souvent dans le giron français.
La navigation sur la Haine
Lorsque Condé devint français en 1678, Louis XIV décida d’imposer de lourds tributs douaniers aux bateaux qui y transitaient. De plus, les bateliers de Condé exigeaient le monopole de la batellerie sur la rivière jusqu’à Mons. Il fallut un traité à Crespin en 1686 pour pacifier les esprits.
L’Eglise en Hainaut
Les guerres de religion du XVIème siècle avaient laissé des séquelles. Le calvinisme était interdit dans les Pays-Bas Espagnols, mais quelques poches subsistaient çà et là où, clandestinement (on fermait les yeux le plus souvent), des protestants pouvaient organiser leurs cultes dans des granges ou des demeures privées. Dour, Wasmes et Pâturages en étaient des exemples. La révocation en France de l’Edit de Nantes amena de nouveaux immigrants dans ces villages.
Avec les très catholiques Albert et Isabelle, la Contre-Réforme s’imposa, avec l’installation de nombreux ordres religieux.
Les Jésuites s’installèrent à Tournai, Valenciennes, Mons (1598) et Ath, où ils établirent des collèges pour la future classe bourgeoise dirigeante. Ils prêchaient aussi en ville.
Les Capucins vinrent créer des institutions à Valenciennes (1594), Mons (1595), Ath (1609), Maubeuge (1613), Enghien et Soignies (1616) et Chimay (1617). Leur pauvreté et leur simplicité les rendaient très populaires.
Les Récollets firent de même à Chimay (1573), Binche (1598), Bavay (1605), Valenciennes (1608), Le Quesnoy (1610), Mons (1623) et Ath (1625).
On vit même l’Ordre italien des Oratoriens de Saint Philippe de Neri fonder des maisons à Chièvres, Braine-le-Comte, Soignies, Mons et Thuin. Ils établirent des collèges concurrençant ceux des Jésuites.
Les religieuses n’étaient pas en reste. On vit des Ursulines (Mons, 1633), des Carmélites, des Clarisses, des Brigittines et des Soeurs Grises. Rien qu’à Mons, on fonda 15 nouveaux couvents entre 1581 et 1665.
Un montois, Charles Buisseret, futur archevêque de Cambrai, écrivit un catéchisme pour l’éducation religieuse des jeunes.
Mons fut aussi un centre du jansénisme. Plusieurs personnages qui avaient adopté les doctrines de ce mouvement rigoriste étaient de Mons (Claude de la Porte, Jacques de Bray). Gaspard Migeot publia à Mons la Bible de Port-Royal, celle-ci n’ayant pas reçu l’autorisation de l’être en France. Il s’agissait ici d’une querelle de théologiens qui ne touchait pas les couches populaires et qui n’eut aucun impact sur l’Histoire.