21. Sous Charles-Quint et Philippe II

Le XVIème siècle – Un siècle marqué par les dissensions religieuses

Ce chapitre se propose de montrer comment le politique, le religieux, l’économique et le social, le rural et l’urbain peuvent s’entremêler, et surtout s’entrechoquer, pour créer l’Histoire, même à un niveau très régional.

La vallée de la Haine fut longtemps l’axe central du comté de Hainaut, comme on l’a vu aux chapitres précédents. Avec les Bourguignons (Philippe le Bon, Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne) et les premiers Habsbourg (Maximilien d’Autriche, Philippe le Beau), notre vallée devenait déjà un élément du puzzle des Etats Bourguignons.

Charles Quint

Avec Charles-Quint (1515-1555), elle ne représentera plus qu’une minuscule région dans un vaste territoire qui comprenait les Dix-Sept Provinces des Pays-Bas (Charles-Quint en devint archiduc à la mort de son père en 1506, à l’âge de six ans ; il en prit les commandes en 1515), l’Espagne et toutes ses conquêtes américaines (depuis la mort de son grand-père maternel, Ferdinand d’Aragon en 1516) et enfin tout l’empire germanique, dont une grande partie de l’Italie.

Dès sa jeunesse, Charles fut en contact avec des seigneurs hennuyers: Guillaume de Croÿ (seigneur de Chièvres et de Beaumont) qui aida à son éducation à la cour de Malines, et Jean de Hennin-Liétard (seigneur de Boussu) qui fut un ami d’enfance dans cette même cour. Ces personnages continueront à le conseiller et à le servir par la suite. Ce sera aussi le cas de Philippe II de Croÿ (prince de Chimay), d’Adrien de Croÿ (comte du Roeulx), de Charles I et de Charles II de Lalaing (seigneurs de Quévy), et enfin, d’Antoine et Jacques de Ligne (seigneurs de Beloeil). Tous, et bien d’autres encore, seront décorés à un certain moment de l’Ordre de la Toison d’Or.

Charles Quint contre François Ier

Charles fut, en effet, élu empereur en 1519 à la mort de son grand-père paternel, Maximilien. Il était en concurrence, pour cette prestigieuse charge, avec les rois de France et d’Angleterre. Le premier, François Ier, lui en tint rigueur, d’autant plus qu’il était toujours intéressé par la Lombardie, et que Charles lorgnait toujours sur la Bourgogne de ses ancêtres.

On ne s’appesantira pas outre mesure sur le long conflit qui va les opposer, fait de batailles se déroulant  le plus souvent hors de notre territoire, et de signatures de paix non respectées. Signalons toutefois que l’empereur s’empara de Tournai, “la française” dès 1521. François Ier, de son côté, vint menacer Valenciennes en 1525, mais il fut vite repoussé par Philippe II de Croÿ. Il recommença en 1537, ravageant alors quelques villages du sud du Hainaut. En 1542, il parvint même à pénétrer dans Valenciennes et à s’installer devant Mons. Il fut vite délogé de ces deux positions.

Le Hainaut, comme le reste des Pays-Bas (alors autrichiens), continuait à jouir de la paix restaurée après les guerres de Louis XI, et à goûter une prospérité retrouvée, tant pour les productions agricoles que pour l’artisanat, l’industrie et le commerce urbain. Les draps, les sayetteries, les toiles se vendaient bien sur les marchés intérieurs et extérieurs. Mons s’était aussi spécialisée en cordonneries et traitement des peaux et du cuir), alors que Valenciennes était, plus que jamais, une ville marchande opulente, tant pour ses productions manufacturières (draps, sayetterie, bière) que pour les céréales de son hinterland. Maubeuge, Avesnes, Ath, Binche, Fontaine-l’Evêque et les autres” bonnes villes” suivaient ce mouvement.

Charles-Quint et Henri II

François Ier s’éteignit en 1547, laissant la place à son fils Henri II (1547-1552?). Plus revanchard que jamais, et surtout plus incisif dans les campagnes militaires contre nos régions, face à un empereur vieillissant et malade, Henri II s’allia aux protestants et pénétra en Artois, déclenchant une riposte impériale. Il fut battu à Thérouanne en 1552, où furent mortellement blessés Adrien de Croÿ (comte du Roeulx) et Antoine de Croÿ (seigneur de Fontaine-l’Evêque). On rapporte que, partant de Mons, ses troupes avaient obligé les manants des villages traversés (dont Elouges, Thulin et Montroeul) à lui fournir des charrois et des vivres.

Marie de Hongrie

Humilié, Henri II reprit pied en Hainaut en 1554. Il s’empara successivement de Maubeuge et de Mariembourg, puis alla s’attaquer à Binche en dévastant tous les villages et abbayes qu’il rencontrait sur son passage. Ces faits sont bien mentionnés pour Bougnies, Maurage, Boussoit, Carnières, les abbayes de Mesvin (Bélian), du Roeulx et de Bonne-Espérance. Il incendia aussi le château de Mariemont. Il faut rappeler que les châteaux de Binche et de Mariemont avaient été construits récemment par la gouvernante des XVII Provinces, soeur de Charles-Quint, Marie dite “de Hongrie” (veuve du roi de Hongrie). On lit aussi parfois que les châteaux de Quiévrain, Baisieux, Audregnies et Boussu ont été fort endommagés lors de ce raid, mais ceci est fort contesté, ces châteaux ne se trouvant pas sur la route empruntée par les troupes françaises. Content de lui, Henri II regagna ensuite son royaume, laissant une partie du Hainaut à feu, à sang et sans récoltes. Il est vrai aussi que les armées impériales, de leur côté, installaient leurs campements dans des fermes où elles se servaient en bétail, en vivres et en charrois.

Par la suite, les Français vont se trouver plongés dans les guerres de religion et ne s’intéresseront plus à nos contrées…pendant quelque temps.

Charles-Quint et la Réforme

Au début du siècle, l’Eglise romaine continuait à s’enfoncer dans la décadence, dans le luxe et la luxure (le pape Alexandre VI Borgia), les conquêtes militaires de territoires italiens (ce même Borgia et le pape Jules II) et le commerce des indulgences. Les évêques et les abbayes suivaient le même mouvement. Le peuple et quelques intellectuels s’en indignaient.

Luther

Après les avertissements de quelques grands prélats, dont Erasme de Rotterdam, une véritable bombe éclata à Wittenberg, en Allemagne, où Martin Luther, un moine théologien afficha en 1517 ses 95 thèses, où il appelait l’Eglise à abandonner ses moeurs décadentes et ses commerces (d’indulgences notamment). Il appelait les chrétiens à revenir à l’esprit des textes saints initiaux, débarrassés de tout ce qu’on y avait ajouté pendant des siècles et qui s’éloignaient de la pureté des premiers temps du christianisme.

Les papes et la hiérarchie romaine condamnèrent ces thèses et demandèrent à Luther de les retirer. Refus de celui-ci. Excommunication.  

Sur le plan politique, Charles-Quint, qui se voulait, comme Constantin, Théodose, Charlemagne et Otton Ier, défenseur de la chrétienté, intervint et tenta des médiations pendant plusieurs années, concédant ici, puis imposant là. Rien n’y fit. La fracture était réelle. Luther et ses disciples étaient rejoints par de nombreuses autorités allemandes (Hesse, Saxe) et par une partie du petit peuple, d’autant que la paysannerie y trouvait un moyen de revendiquer des améliorations de sa triste condition sociale (Guerre des Paysans de 1524-1525). L’empire germanique s’enfonça dans la guerre civile.

Calvin

Pendant ce temps, les nouvelles idées atteignaient les pays voisins : la Suisse (Calvin s’était installé à Genève), la France et les Pays-Bas. Le protestantisme fit son apparition à Valenciennes (1527), Mons (1534) et Tournai, amené par des marchands allemands. En 1527, le tribunal ecclésiastique de Cambrai condamna les réformistes. Malgré tout, une bonne partie de la population des villes adhéra rapidement à cette nouvelle façon de penser le christianisme. La diffusion récente de livres imprimés à grande échelle, et donc de la Bible, avait touché les gens instruits. Le peuple des campagnes, moins éduqué, restait profondément catholique, soumis à l’influence des prêches de leurs curés et vicaires.

Au début des années 1540, aucun compromis n’étant encore intervenu en Allemagne, Charles Quint décida de durcir le ton, d’autant que le protestantisme, sous sa forme calviniste (plus politique), se répandait largement. Les autorités politiques des villes ne prenaient pas encore position, mais les prêches se multipliaient à Mons, à Cuesmes sur l’Héribus, dans les bois de Ghlin et de Baudour. Charles-Quint lança les premières inquisitions. Pour le Hainaut, il nomma à la tête de cette institution Jacques de Lattre, prieur du Val-des-Ecoliers de Mons.

Administration politique

Les Pays-Bas autrichiens, malgré les réformes des Bourguignons, restaient un ensemble plutôt hétéroclite où chaque province gardait beaucoup d’autonomie. Par le Traité de Venlo de 1543, Charles-Quint donna naissance aux “Dix-Sept Provinces“, dirigées par un “gouvernement général” assisté de trois “conseils”(ministère de la diplomatie et des affaires militaires, conseil législatif et conseil des finances). Les bases d’une centralisation plus profonde étaient posées, malgré quelques privilèges et prérogatives laissées aux Etats Provinciaux.

Quelques années plus tard, la Transaction d’Augsbourg en 1548, créa le “Cercle de Bourgogne” qui comprenait les XVII Provinces et la lointaine Franche-Comté (Jurra). On mettait fin à l’esprit féodal du Traité de Verdun de 843. Jusqu’ici, ces Etats étaient composés de provinces vassales, soit du roi de France (comme la Flandre et l’Artois), soit de l’empereur de Germanie (toutes les autres). Il s’agissait maintenant d’un état indépendant auquel on appliqua une seule règle de succession pour éviter les partages.

Philippe II et les réformistes

Usé et malade, Charles-Quint abdiqua en 1555, laissant l’empire germanique à son frère Ferdinand. A son fils Philippe II (1555-1598), il donna l’Espagne, Naples, les colonies américaines et le Cercle de Bourgogne avec ses Dix-Sept Provinces.

Philippe II (Titien)

Personnage borné, rigide, très pieux et intolérant, élevé en Espagne et ne connaissant rien de nos régions, il va, pendant tout son règne, s’opposer à la Réforme, peu présente en ses terres ibériques, mais en pleine expansion chez nous, où il va régner par gouverneurs interposés.

Trouvant que son père avait manqué de rigueur dans sa lutte contre “l’hérésie”, il renforça les persécutions. Ce qui n’arrêta pas les conversions. Ath, Enghien, Mons, Valenciennes et Tournai devenaient des centres très actifs. Les Luthériens évitaient toute action publique. Les Calvinistes prétendaient réformer l’Etat. Une partie du clergé se tournait vers eux. A Mons, Guy de Brès publia en 1561 Confessio Belgica, un hymne au calvinisme qui rallia tous les protestants des Pays-Bas à ce mouvement. La bourgeoisie et le petit peuple commençaient à souffrir d’un déclin économique lié à la situation politique instable.

Les méthodes royales et l’arrogance des troupes espagnoles insupportèrent toute la noblesse, de quelque religion qu’elle fût. Les répressions devenaient terribles. On brûlait sur les bûchers les hérétiques et, au passage, les sorcières. On mentionna ce type d’événements à Basècles, à Roisin et à Angre. Mais c’est à Valenciennes qu’eut lieu en 1562 la “Journée des Maux-Brûlés” quand la foule tenta de libérer du bûcher les condamnés.

L’Eglise de Rome avait réagi à cette situation. Elle organisa le Concile de Trente (1546-1563) qui mit sur pied la Contre-Réforme, soit un ensemble de décrets relatifs à la réforme du clergé régulier et séculier, à la doctrine, à la façon de diffuser celle-ci au plus grand nombre par les écrits, les prêches, l’éducation et l’art. A Cambrai, siège depuis peu d’un archevêché, Maximilien de Berghes convoqua un synode pour mettre en place les dispositions conciliaires. On créa des séminaires, dont un à Mons en 1576.

Cette situation politique amena un grand nombre de seigneurs à demander une atténuation des ordonnances royales, sous la forme d’un “Compromis des Nobles” présenté en 1566 à la gouvernante, Marguerite de Parme, demi-soeur du roi. Ils firent tellement peur à celle-ci et à ses conseillers qu’on les appela “les Gueux“. La revendication se heurta à un refus de la part du roi. Les nobles eurent à payer “leur audace” et furent punis par des confiscations de biens. C’est ce qui arriva à Charles de Revel, seigneur d’Audregnies, qui fut ruiné et dut s’exiler.

Compromis des nobles

Tout éclata alors en cette année 1566. Les Calvinistes, bien implantés dans les villes, déclenchèrent une insurrection à Anvers, qui, telle une traînée de poudre, se répandit dans toutes les grandes villes des provinces du nord, mais aussi dans celles du sud. Ce fut la vague iconoclaste où les églises et les abbayes furent pillées et saccagées. Un pouvoir calviniste s’installa à Valenciennes, à Tournai et dans les villes néerlandophones. L’abbaye de Crespin fut mise à sac et incendiée. C’était la guerre civile. La gouvernante tergiversait. Devant l’extension du mouvement et la multiplication des temples réformistes, elle exigea du Conseil d’Etat de prêter fidélité à Philippe II. Ce que refusèrent les membres de cette institution, dont Orange, Egmont, Hornes, Brederode.

Duc d’Albe

Marguerite de Parme n’avait plus la situation en mains. Le roi lui envoya un capitaine général, le tristement célèbre Ferdinando Alvaro de Toleda, duc d’Albe, accompagné de 24.000 hommes et chargé de mater la rébellion, de supprimer tous les privilèges urbains et de remplacer les fonctionnaires locaux par des fidèles. A peine arrivé en 1567, il institua le “Tribunal des Troubles“. Les meneurs furent arrêtés et exécutés. Parmi eux, Egmont et Hornes. Orange put s’échapper. Beaucoup de réformés allèrent se réfugier en Allemagne, en Hollande ou en Angleterre. Les protestants se cachèrent pour continuer à organiser leur culte clandestinement.

En Hainaut, la répression fut menée par des nobles restés fidèles: le grand bailli, Philippe de Noircames, et le comte de Boussu, Maximilien de Hennin-Liétard. Ils reprirent Valenciennes qui eut à subir une très dure répression entre 1567 et 1569. Des dizaines de leaders réformés périrent. Des centaines d’habitants n’eurent d’autre choix que l’exil; parmi eux, la plupart des artisans et des commerçants qui avaient fait la prospérité de la ville. On érigea une forteresse “la Redoute” qui abrita une garnison espagnole. A Mons, la ville était écrasée par les charges militaires et les impôts de guerre. On confisquait des biens dans les villages.

Les Hollandais, Guillaume d’Orange et son frère Maurice de Nassau, menèrent la résistance. Ils s’attaquaient çà et là à des bastions royaux, comme Binche en 1568 (et, au passage, Estinnes et Carnières). Leur but était de créer un état calviniste, indépendant du roi d’Espagne, dans les XVII Provinces.

Rien n’arrêtait les réformistes, aidés par les huguenots français (chrétiens réformistes) dont beaucoup venaient d’être massacrés à la Saint-Barthélémy (24 août 1572). Valenciennes fut réinvestie par eux, puis à nouveau reprise par le duc d’Albe.

De cette année 1572, il faut aussi retenir, pour notre région, la “Surprise de Mons“. La ville, plus ou moins fidèle au roi, mais bien entreprise par la réforme, vit arriver Maurice de Nassau avec une troupe de partisans, en partie français. Il autorisa la liberté de prêche, quelle que soit la religion. La riposte ne se fit pas attendre. Albe rassembla 4000 hommes autour de la ville, dans les villages de Nimy, Jemappes, Cuesmes, Mesvin et Hyon. Il installa son artillerie sur les monts Héribus et Panisel. La ville fut bombardée. Furent endommagés les remparts, la Porte du Rivage et le prieuré du Val des Ecoliers. Guillaume d’Orange vint au secours de son frère. Une bataille non décisive eut lieu à Harmignies, tandis que Cuesmes et Mesvin étaient rançonnés par la soldatesque. Le roi de France Charles IV, catholique, mais ennemi des Habsbourg, envoya 10.000 hommes commandés par le baron de Genlis. On était à la mi-juillet, moment des récoltes. Ces troupes furent réparties entre Maubeuge et Saint-Ghislain. Son état-major investit le château de Boussu. Le duc d’Albe envoya son fils et une armée espagnole. Aidés par les petits paysans, toujours aussi fidèles à Rome et remontés par leurs curés, les royalistes défirent et exterminèrent les huguenots. Cela se passa le 17 juillet 1572 entre Hautrage, Villerot, Boussu et Saint-Ghislain (“la bataille d’Hautrage“). Mais les envahisseurs avaient eu le temps, au passage, de piller les villages traversés (dont Marchipont, Thulin et Hainin) et le château de Montignies-sur-Roc. A Mons, Nassau capitula après quelques mois. Albe s’y livra à nouveau à une répression très sanglante. Et Mons se vida à son tour de ses artisans et de ses commerçants qui s’exilèrent vers des terres plus tolérantes à leur égard.

Les villes, particulièrement Valenciennes et Tournai, restaient très calvinistes. Les campagnes étaient catholiques. Les seigneurs étaient divisés entre les deux religions. Tout le monde était ruiné et on augmentait de plus en plus les impôts pour subvenir aux troupes royales.

Ce fut l’abbé de Saint-Ghislain, Mathieu Moulart, qu’on envoya auprès de Philippe II pour se plaindre des exactions de son gouverneur. Celui-ci avait, de toute façon, échoué à éradiquer les réformistes. Il fut rappelé et remplacé par Don Luis de Requesens (1573-1575) qui mit fin au régime d’exception. Amnistie générale et abolition du Conseil des Troubles, Le nouveau gouverneur réduisit l’impôt, mais manqua alors d’argent pour rémunérer ses troupes qui se mutinèrent et rançonnèrent le peuple. C’était l’anarchie.

Requesens mourut rapidement. Il fut remplacé par Don Juan d’Autriche (1576-1578) qui arriva dans un pays ruiné et divisé. Les nobles avaient été humiliés. Malgré l’interdiction, les Etats Généraux se réunirent à Gand en 1576 pour déclarer la “Pacification de Gand“, dans le but de rassembler tous les Etats et de mettre sur pied une véritable armée nationale pouvant remplacer les troupes espagnoles honnies de tout le monde. On se promit de ne plus poursuivre les réformés. Si le culte catholique fut interdit en Hollande et en Zélande, le calvinisme fut toléré partout ailleurs. L’année suivante, une faible majorité des nobles reconnaissait encore le gouverneur en place.

Mais les divisions religieuses étaient très profondes. Le sud catholique était pour le maintien d’une autorité royale et du catholicisme dans les XVII provinces, tout en demandant le retrait des troupes espagnoles. Guillaume d’Orange refusa au nom de la liberté de conscience. De nouvelles insurrections apparurent.

C’est dans ce contexte qu’arriva en 1578 un nouvel acteur: Philippe de France, duc d’Alençon et d’Anjou, frère du roi de France. Appelé par les Réformistes, il s’empara de Soignies, de Havré, de Binche, du Roeulx et de Maubeuge. Il échoua devant Mons. L’armée des Etats, commandée par Philippe II de Lalaing (seigneur de Quévy et grand bailli), reprit Maubeuge et Soignies, alors que Maximilien de Hennin-Liétard défendait Mons. Repoussé, d’Alençon commit pillages et dévastations dans tous les villages rencontrés.

Alexandre Farnèse

A Don Juan, mort en 1578, succéda Alexandre Farnèse (1578-1592), un homme modéré et intelligent qui sut profiter de la fidélité catholique des uns pour combattre le fanatisme calviniste des autres. Il déclara une amnistie générale et rétablit les privilèges. Il remplaça les troupes étrangères par des soldats du cru. Il s’établit à Mons où il renforça les fortifications. L’artillerie était tenue par Eustache de Croÿ, frère du comte du Roeulx. Tous les nobles hennuyers firent soumission à Farnèse. Celui-ci entreprit de reconquérir les villes révoltées, se gardant de toute violence, laissant le choix aux réformés entre l’abjuration et l’exil. Si beaucoup prirent le chemin de l’étranger, d’autres s’installèrent dans quelques villages borains plus accueillants (Dour, Wasmes, Pâturages).

En 1579, on prit conscience des différences. Le Hainaut et l’Artois, par “l’Union d’Arras“, reconnurent l’autorité du roi d’Espagne et le maintien du catholicisme, espérant un rétablissement des privilèges et des libertés des villes et des Etats. Le calvinisme y fut interdit. Valenciennes hésita puis accepta. De leur côté, la Hollande, la Zélande, la Gueldre, quelques autres provinces néerlandaises, les villes flamandes et brabançonnes donnèrent naissance à “l’Union d’Utrecht” qui établissait une “République des Provinces Unies” sous le gouvernement de Guillaume d’Orange.

On vit des huguenots de Tournai venir piller Condé, Péruwelz, Basècles, Marchipont et d’autres villages. Le duc d’Alençon, en 1580, vint s’emparer de Saint-Ghislain qui, quelques mois plus tard, fut délivrée par Farnèse au bout de cinq jours de siège. Ce même Farnèse décida de reprendre Tournai, ce qui fut fait l’année suivante malgré une vive résistance incarnée par Christine de Lalaing. Le protestantisme en fut extirpé et la ville de Tournai vit, elle aussi partir ses meilleurs artisans et ses capitaux.

C’était le dernier fait d’arme des guerres religieuses chez nous. Elles laissaient une population appauvrie, affamée à cause des récoltes ravagées, vidée de ses meilleurs artisans et de ses élites commerçantes, et fortement imposées pour subvenir aux besoins des défenses militaires. Les écoles étaient fermées. Des orphelins étaient abandonnés, ce qui poussa Louise de Bouzanton, en 1583, à fonder un Hospice des Orphelins de Mons, devenu plus tard la “Bonne Maison de Bouzanton”.

Maximilien de Hénin-Liétard

Alexandre Farnèse continua à reconquérir des villes calvinistes en Flandre et en Brabant. Il poursuivit la guerre vers le nord où se distingua, notamment, Maximilien de Hennin-Liétard, seigneur de Boussu.

Là-bas, ce fut un échec. C’est ce qui marqua la séparation définitive, mais non officialisée, entre les dix provinces à majorité catholique du sud et les sept provinces réformées du nord. Ces dernières  établirent immédiatement un blocus sur l’Escaut, arrêtant le commerce vers la mer du Nord.

Farnèse mourut en 1592. Il fut remplacé d’abord par deux gouverneurs de peu d’importance puis par l’archiduc Albert de Habsbourg en 1596.

Philippe II s’éteignait deux ans avant la fin du siècle.

La Contre-Réforme

Depuis deux décennies, l’Eglise avait relevé la tête grâce aux principes de la Contre-Réforme. Deux ordres nouveaux participaient à ce mouvement, celui des Capucins et celui des Jésuites, tous deux installés à Valenciennes, Ath et Mons. Ils y établirent des collèges.

Economie

Le XVIème siècle avait vu arriver de nouvelles denrées du Nouveau-Monde, dont la pomme de terre qui allait diversifier l’alimentation jusque-là essentiellement céréalière. L’exploitation de la houille n’avait pas tellement progressé, souffrant des guerres et des limitations de l’exportation. En plus des guerres, des épidémies revenaient souvent décimer les populations (1510, 1557, 1572).

La Haine

On le sait, depuis au moins l’époque gallo-romaine et sans doute déjà avant, cette rivière permettait la navigation, au moyen de barques plates tirées par des hommes ou des chevaux à partir de chemins de halage, et qui transportaient des marchandises (céréales, bois, des produits manufacturiers).

Le trafic s’amplifia à partir du moment où l’on commença à exporter, outre les productions agricoles, le charbon de houille du Couchant de Mons, soit au XIIIème siècle.

Mais la rivière servait aussi de dépotoir, son cours était irrégulier et se répandait dans des zones marécageuses alentour. On renforça ses digues, on entretint les fonds pour la débarrasser des détritus. En 1370, Aubert de Bavière instaura un règlement en ce sens. Au Moyen Age, la Haine était navigable depuis Mons jusqu’à Condé. A Mons, la Trouille passait dans la ville, à l’intérieur de l’enceinte. Pour la rendre navigable, Aubert et Guillaume avaient fait réaliser de vastes viviers de retenue d’eau à Mesvin. Après avoir traversé la ville, la Trouille sortait près de la Porte du Rivage où se trouvaient un embarcadère et un tonlieu, prélevé par le chapitre de Sainte-Waudru pour les marchandises importées. De là, elle allait se jeter dans la Haine à Jemappes. Les mêmes comtes avaient fait réaliser un canal de dérivation de la Haine le long de la chaussée de la Porte du Parc jusqu’au Rivage.

Il y eut, au XIVème siècle, des conflits entre les bateliers de Condé et les autres, pour des problèmes de monopole. Ce que tenta de régler Aubert en 1379.

On sait que le charbon et les marchandises (céréales, bois, sable) étaient transportés dans des “querques”, petites barques à fond plat tirées par des hommes ou des chevaux. On en faisait des rames, formées de 5 à 20 embarcations qui se suivaient.

Vestige de l’écluse de Débihan (Thulin)

Il fallut attendre le XVIème siècle pour voir apparaître des aménagements importants: la construction de sept écluses entre Mons et Condé pour régulariser le débit. On en trouvait deux à Thulin (Débihan et entrée de Montroeul) et une à Hensies. Les barques étaient devenues plus longues et larges, capables de naviguer sur le Bas-Escaut. On comptait trois points d’embarquement: Jemappes, Saint-Ghislain et Boussu. Le charbon était transporté depuis les sites miniers vers la Haine à dos d’hommes ou par des tombereaux sur des chemins boueux.

Tout le transport fluvial était réglé de façon stricte. En 1559, les Etats du Hainaut ordonnèrent la création de “l’Office de la Navigation du Hainaut“. Il s’agissait d’une institution judiciaire et administrative qui avait à juger en première instance les délits contre les ordonnances. Il contrôlait aussi le cours de la Haine et les écluses. Cet office fonctionna jusqu’en 1794.

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