Après la déroute des armées de Napoléon, son abdication et son exil sur l’île d’Elbe, un premier Traité de Paris (30 mai 1814) donna les départements belges au roi de Hollande qui se constituait ainsi un Royaume des Pays-Bas, auquel était annexé le Grand-Duché de Luxembourg. Ce fut proclamé le 16 mars 1815. Quelques cantons restèrent cependant dans le royaume de France: Dour, Chimay, Beaumont, Merbes-le-Château, intégrés au département du Nord.
Les derniers soubresauts napoléoniens
Ce fut le moment où Napoléon décida de quitter l’île d’Elbe pour remettre les pieds en France et remonter triomphalement vers Paris, tout en réorganisant une armée. Les alliés s’empressèrent de réunir une coalition, commandée par le duc de Wellington. Le roi Louis XVIII fuit la capitale et vint se réfugier à Gand.
Le 14 juin, l’armée française passait la frontière du côté de Beaumont et s’emparait de Charleroi le 15 juin. Elle prit ensuite la direction de Bruxelles et gagna une bataille non décisive à Ligny le 16 juin contre les Prussiens de Blücher et les Autrichiens. La grande confrontation eut lieu le 18 juin à Waterloo. C’est là que la coalition, composée d’Anglais, d’Autrichiens, de Prussiens et de Belgo-Hollandais, mit en déroute l’armée française. On déplora 40.000 morts en une seule journée. Les Français survivants rentrèrent chez eux par Mons et Valenciennes, suivis des alliés.
Le 20 juin, Napoléon était de retour à Paris. Il chercha encore à convaincre les Chambres de rassembler une nouvelle armée. Il ne rencontra qu’hostilité. Lorsque les alliés arrivèrent dans la capitale française le 6 juillet, il se rendit aux Anglais qui l’exilèrent dans l’île de Sainte-Hélène sous bonne garde. Il y mourut quelques années plus tard. On vit à nouveau passer par Quiévrain, en direction de la France, Louis XVIII de retour, le prince Frédéric de Prusse et le tsar de Russie, les vainqueurs. Les alliés au passage s’étaient emparés de Condé qu’ils ne rendirent qu’en 1818.
Un second Traité de Paris (20 novembre 1815) confirmait le retour des provinces belges au sein des Pays-Bas, en ce compris les cantons de Chimay, de Beaumont et de Dour.
Louis XVIII s’empressa d’appliquer des tarifs douaniers élevés afin que les produits belges (dont la houille et la pierre) ne concurrencent pas les produits français. L’économie boraine en souffrit beaucoup, d’autant plus que les années 1816 et 1817 allaient s’avérer mauvaises pour les récoltes.
Quelques points positifs à retenir de cette (courte) période hollandaise (1814-1830)
Guillaume d’Orange était un roi relativement moderne, conscient de l’importance du développement économique. Il chercha donc, en priorité, à relancer dans ses Pays-Bas l’économie et le commerce. La construction du canal Mons-Condé fut terminée en 1818, mais le transport était affecté par les réticences françaises du côté de Condé. On décida, en 1826, de contourner ce confluent en traçant un nouveau canal: Pommeroeul-Antoing pour relier le Borinage à l’Escaut et ainsi écouler les produits vers la Flandre, la Hollande et la Mer du Nord. En effet, entre-temps, l’Escaut avait été ré-ouvert.
L’agriculture, l’exploitation du charbon et de la pierre, la métallurgie, les verreries et le textile vont également connaître sous Guillaume d’Orange, un développement tel qu’on pourra parler, chez nous aussi, de révolution industrielle, révolution déjà entamée en Grande-Bretagne depuis quelques décennies. Les mines vont se multiplier au Couchant et au Levant de Mons. C’est l’époque où Henri Degorge, l’exploitant du Grand-Hornu, fera construire la première cité ouvrière modèle belge, va faire aménager en 1830 la première ligne de chemin de fer belge (à traction chevaline) entre son site minier et le canal Mons-Condé dont il a acheté tout un quai à Saint-Ghislain.
La prospérité (en fait l’enrichissement d’une classe bourgeoise industrielle et commerçante) entraînera une augmentation significative de la démographie et une extension des villages et des hameaux jamais connue jusqu’ici, surtout à proximité des sites miniers.
Guillaume modernisa aussi l’enseignement, le rendant obligatoire dans les communes dès 1814. Ecoles primaires et collèges vont se multiplier. Un diplôme était désormais requis pour enseigner.
Il fit renforcer quelques fortifications. Les casemates de Mons datent de cette époque.
Les points négatifs du régime hollandais
Le roi Guillaume détenait, depuis 1814, les pouvoirs essentiels (selon une “loi fondamentale”). Les Etats Généraux n’avaient aucun pouvoir exécutif.
L’insertion des provinces belges dans le royaume hollandais impliqua une “hollandisation” de l’administration du pays. Les Belges (3 millions) étaient plus nombreux que les Néerlandais (1.900.000), mais n’obtinrent pas la proportionnalité dans les institutions. La langue officielle, dès 1822, devint le néerlandais, obligatoire pour tout fonctionnaire et tout officier. Hainaut devenait Henegouw et Mons, Bergen. Les chambres législatives siégeaient à La Haye. Les hauts postes de l’administration étaient occupés par des Hollandais.
De plus, les religions étaient différentes, catholique au sud et protestante au nord, la deuxième étant celle du pouvoir. Les moeurs des habitants n’étaient pas non plus semblables. Il fallait enfin compter avec les rancunes passées.
Le mécontentement se répandait dans la population belge. Nos élites étaient imprégnées des Lumières, des Droits de l’Homme, et ressentaient le besoin d’un pouvoir parlementaire réel et d’une liberté de presse et de parole.
La lutte pour l’indépendance
Les premières agitations apparurent dès juillet 1830. A Mons, on manifesta en août. A Bruxelles, le 25 août, la représentation de la “Muette de Portici” à la Monnaie, hymne du patriotisme napolitain face à l’agresseur espagnol, déclencha une émeute.
Dès le lendemain, la résistance s’organisait. Des milices bourgeoises furent mises sur pied, autant pour se défendre que pour faire cesser les pillages qui gagnaient tout le pays. A Bruxelles, on éleva des barricades autour du Parc et à proximité. On destitua les fonctionnaires royaux. Les autres villes suivirent le mouvement. On déploya des drapeaux noir-jaune-rouge à Mons et ailleurs. Les ouvriers borains menaçaient la bourgeoisie.
Les notables bruxellois envoyèrent une lettre à La Haye pour demander de faire des concessions. Le roi leur répondit en leur envoyant une armée commandée par son fils, le prince d’Orange. Celui-ci arriva devant Bruxelles le 1 septembre et se retrouva devant des barricades. On commença à négocier dans un contexte d’anarchie. Dans les villes, la population se révoltait contre les garnisons hollandaises, comme à Mons, le 19 septembre. Gendebien, Rouppe et Mérode y installèrent un club de révolutionnaires. Le même jour, un gouvernement provisoire vit le jour à l’Hôtel de Ville de Bruxelles. Il fit appel à des volontaires.
Le 23 septembre, le prince d’Orange, en échec dans ses négociations, fit entrer ses troupes dans Bruxelles. Elles s’avancèrent jusqu’au Parc sous les coups de feu des défenseurs. Gendebien revint à Mons demander des renforts. Des villages de toute la région partirent des groupes de volontaires en direction de la capitale. De Jemappes, de Boussu, de Wasmes, de Pâturages, de Baudour, de Quaregnon, de Dour, de Quiévrain et d’ailleurs. 250 à 300 hommes en tout. La désinformation fit croire aux Hollandais que 20.000 Borains s’approchaient. Les premiers arrivés furent ceux de Saint-Ghislain, le 26 septembre. La nuit suivante, les soldats hollandais se retirèrent de la capitale. Les autres Borains arrivèrent trop tard pour combattre, mais on les affecta à la garde de plusieurs bâtiments.
Les “Journées de Septembre” firent 445 morts du côté belge. Ils furent enterrés sur la Place des Martyrs à Bruxelles. A Mons, la garnison hollandaise quitta la ville le 29 septembre.
C’était l’anarchie dans tout le pays. L’exportation et la spéculation sur les grains de céréales provoquent une rareté de ceux-ci. Dans un contexte où le travail minier devient de plus en plus pénible, des mouvements d’ouvriers et des émeutes ont lieu à Charleroi et dans le Borinage. Des bandes armées se mirent à piller les meuniers, les fermiers et les magasins dans plusieurs villages, mais c’est au Grand-Hornu que l’événement fut le plus spectaculaire, où on pilla et endommagea la nouvelle voie ferrée, les ateliers et magasins, l’école et les maisons ouvrières, ainsi que la résidence du directeur Degorge.
Le 4 octobre 1830, un gouvernement provisoire proclama “l’Indépendance de la Belgique“. On créa une Garde Civique pour rétablir l’ordre et défendre le territoire. Chaque commune organisa sa propre garde.
Le 3 novembre, eurent lieu les premières élections législatives. Le 10 novembre, siégeait le premier Congrès National, partagé entre royalistes et républicains. On vota pour une monarchie constitutionnelle représentative, sous un chef héréditaire.
Les Hollandais tentèrent un premier retour. On se battit à Louvain. Ils furent repoussés. Charles Royer de Dour y était, il y trouva la mort.
Le 7 février 1831, naissait la première Constitution Belge, créant deux assemblées (Chambre et Sénat), séparant l’Eglise et l’Etat, accordant aux neuf provinces des droits administratifs et augmentant les compétences communales.
Les grandes puissances eurent leur mot à dire. Le Français Talleyrand fut le plus tiède à accepter un Etat Belge. Ce dernier fut dépecé d’une partie du Limbourg, de la Flandre Zélandaise et du Luxembourg. Elles s’accordèrent à mettre sur le trône le prince Léopold de Saxe Cobourg Gotha, un allemand proche de la reine Victoria d’Angleterre. Il prêta serment le 21 juillet 1831.