Si nous sommes relativement bien renseignés sur les voies de communication mises en place depuis le début de la Révolution Industrielle, c’est à dire depuis le milieu du XVIIIème siècle, il n’en est pas de même pour les diverses périodes qui précèdent.
Je vais tenter, dans ce chapitre, d’en redessiner les tracés, en me basant sur les besoins des hommes à se déplacer, eux-mêmes et leurs “marchandises”, partant de l’hypothèse qu’une route n’est pas construite gratuitement, c’est à dire sans raison.
Epoque après époque, selon l’évolution de la société, de la démographie, de l’économie, de la situation historique et politique de notre région, j’essaierai, avec les informations, défaillantes parfois, dont j’ai pu disposer, de reconstituer la progressive mise en place du réseau de communications tel qu’il se présente aujourd’hui.
Au paléolithique
Cette très longue période (entre 500.000 et -5000 chez nous) est marquée par une succession de changements de climats. En majorité, ces derniers étaient très rudes, froids, secs et venteux. La flore était le plus souvent constituée de toundras et de steppes, soit un paysage ouvert où il était relativement facile de circuler pour les petits groupes d’humains nomades à la recherche de leur nourriture. Ils n’ont sans doute pas été présents de façon régulière en vallée de Haine, mais nous avons plusieurs indices de leurs passages, notamment dans les zones où le silex de qualité était présent (région autour de Mons).
Plus la démographie augmentait (ce qu’elle fit lentement), plus ces groupes humains se transmettaient des itinéraires, non aménagés, pour se rendre dans les endroits où ils pouvaient trouver matière à survivre (végétaux, animaux, silex, abris et grottes).
Au néolithique et aux âges des métaux (5200 à -58)
Ces périodes sont caractérisées par la sédentarisation qui se traduisit d’abord sous forme de hameaux et de petits villages implantés sur des terrains fertiles (pour l’agriculture et l’élevage), à proximité de sources d’eau (ruisseaux, rivières) et de bois. Ces premiers sédentaires vivaient essentiellement en autarcie, mais pouvaient aussi, sans doute, échanger leurs productions ou leurs savoirs et organiser des rassemblements festifs ou cultuels. Leurs déplacements ne pouvaient se faire que le long de petits chemins aménagés le long des rivières ou à travers les grandes étendues de bois et de clairières qui couvraient les versants et les plateaux bordant la vallée (la Forêt Charbonnière).
Spiennes et les alentours furent des centres de production miniers pour le silex, extrait en abondance, non seulement pour un emploi local, mais aussi pour faire l’objet d’un commerce dont on sait qu’il se fit sur des longues distances, de plusieurs dizaines, voire des centaines de kilomètres.
Il n’est donc pas difficile d’imaginer qu’il y ait eu des chemins aménagés pour exporter la production et importer des matériaux et des marchandises non présentes sur place. Les humains du néolithique avaient inventé le commerce à distance, toujours selon un système d’échanges (troc). Nous ne connaissons pas ces chemins qu’ils ont suivis. On peut parfois les deviner. Certains ont été balisés par des mégalithes, mais ceux-ci ne furent pas nombreux dans la région de la Haine et, pour la plupart, ils ont disparu.
On ne sait pas non plus à partir de quand la roue, et donc le char et le chariot, ont été présents sur ces chemins. On sait qu’ils sont apparus vers -3500 dans les sociétés indo-européennes de l’est de l’Europe. Si ce moyen de transport a suivi l’avancée de ces groupes indo-européens vers nos contrées, il serait plausible qu’on le trouve chez nous à la fin du néolithique (culture campaniforme) ou à l’âge du bronze. Mais pas avant. Auparavant, le silex n’a donc pu être transporté que par bateau, à dos d’homme ou à dos d’animal (âne, boeuf). Monter à cheval fait aussi partie de l’apport indo-européen.
Il est possible qu’à cette époque, il y ait eu une navigation minimale sur la Haine, et un peu sur les cours inférieurs de la Trouille et de la Honnelle, vers l’Escaut et ses affluents, sur de petites embarcations à fond plat.
Période gallo-romaine (de -52 à v450)
Nous commençons à être mieux renseignés sur la circulation (intense?) au début de notre ère. Dans le chapitre consacré à la vie de la région sous l’empire romain, les chaussées romaines construites en étoile à partir de la capitale nervienne de Bavay ont été étudiées. Ces chaussées reliaient Bavay aux autres chefs-lieux des cités voisines. Elles conduisaient aussi vers la mer du Nord, le Pas-de-Calais (Boulogne) et le Rhin (Utrecht et Cologne).
Il n’y eut pas beaucoup de centres urbains (vicus) en pays nervien. Ils sont en fait apparus en raison de la proximité des chaussées (conséquences et non causes), principalement là où les chaussées croisaient une voie navigable (Cambrai, Tournai). Une exception peut-être: Blicquy, où un sanctuaire a précédé la conquête romaine, dès l’âge du bronze.
Les chaussées étaient reliées entre elles par des chemins secondaires (diverticulums) dont on sait réellement peu de choses. L’habitat rural était alors très dispersé. Chaque villa, chaque ferme était reliée à une chaussée ou à un diverticulum par un chemin “privé”.
Ces chaussées et ces chemins se sont maintenus très longtemps, peut-être même jusqu’au XVIIIème ou au XIXème siècle, dans leur entièreté. Ce n’est que dans les deux derniers siècles que certains tronçons ont disparu, recouverts par des extensions de villages, des surfaces agricoles ou industrielles.
On sait aussi avec certitude que la Haine était navigable, au moins entre la région montoise et son confluent avec l’Escaut. En témoigne l’embarcadère découvert à Pommeroeul, à proximité de la chaussée romaine qui passe à Hensies.
Périodes mérovingienne et carolingienne (v450-v880)
On attribue habituellement à la reine Brunehaut, épouse de Sigebert (561-575), roi d’Austrasie, d’avoir réaménagé toutes les chaussées romaines au nord de la Gaule. Certains tronçons portent, encore aujourd’hui, son nom. Selon les historiens, il s’agirait d’une légende apparue beaucoup plus tard. Il est vrai que cette reine ne régnait que sur l’Austrasie et qu’on trouve des chaussées Brunehaut en Neustrie (donc dans notre région). En outre, elle vécut à une période sombre de l’histoire des Mérovingiens, faite de conflits perpétuels entre les descendants de Clovis, et pauvre sur le plan des échanges commerciaux. Ce qui est certain, c’est que les chaussées romaines continuèrent à servir.
Mais d’autres centres administratifs, cultuels, culturels et commerciaux apparurent. Bavay, elle, avait perdu, depuis le IIIème siècle, toute importance comme noeud routier.
Ces nouveaux lieux furent les premières abbayes fondées dans notre région au milieu et dans la deuxième partie du VIIème siècle: Mons, Soignies, Maubeuge, Saint-Ghislain, Crespin, Condé, Saint-Amand, Nivelles, Lobbes, pour ne citer que les plus proches. Bien sûr, elles ne brillèrent pas de mille feux dans les premiers siècles, mais elles avaient vu le jour à l’initiative et grâce à l’aide des rois et des aristocrates. Elles furent sans doute déjà des points de halte pour les commerçants (même si le commerce n’était pas intense à l’époque), les pèlerins et les hommes de pouvoir. On sait que ceux-ci étaient continuellement en déplacement, emmenant avec eux leur “palais”, leur cour, leur domesticité et une partie de leur armée. Famars avait conservé son statut militaire depuis la fin de l’empire romain et constituait le chef-lieu administratif du comté (pagus) de Hainaut (au sud de la Haine). Il est probable (mais non prouvé) que Chièvres avait un statut similaire pour le comté de Brabant (Burbant, au nord de la Haine).
Enfin, deux localités se développèrent à cette période: Valenciennes et Estinnes. Sans preuves réelles, mais sur base des nombreux cimetières francs découverts, on peut avancer raisonnablement l’hypothèse qu’il existait des communautés franques importantes du côté de Blaton, d’Elouges-Wihéries, de Quaregnon, de Mons-Ciply et de Trivières.
De nouveaux chemins (de terre, ils ne pouvaient se comparer aux chaussées romaines!) furent donc aménagés pour relier tous ces centres: de Mons à Soignies, de Mons à Maubeuge, de Mons à Saint-Ghislain, de Saint-Ghislain à Tournai, de Saint-Ghislain vers Condé et vers Crespin, et partant de ces différentes localités vers Chièvres. Ces routes existent encore aujourd’hui, même si leur tracé a parfois changé un peu.
Un autre chemin, aujourd’hui disparu, a probablement eu beaucoup d’importance à partir de cette période. On l’a parfois appelé “vieux chemin de Binche” ou “chemin du vieil empire ” (je ne sais le pourquoi de cette dernière appellation à Elouges). Il courait sur le versant sud de la Haine, probablement depuis Famars (puis Valenciennes), en passant par Elouges, Boussu, Hornu, Quaregnon, Ciply,vers Estinnes, reliant les centres politiques importants (fiscaux) entre eux, et passant par les lieux où se concentraient les grosses communautés franques de l’époque. On ne connait toujours pas l’importance que pouvait avoir la colline de Mons à cette époque, mais elle devait occuper une position stratégique dans l’axe de la vallée.
Il est probable que la Haine était encore utilisée à l’époque pour le transport de marchandises, même si le commerce du blé et du bois était peu important.
Deuxième moyen-âge et période moderne (Xème siècle – 1794)
Le commerce a repris. Les axes routiers mis en place dans la période précédente furent donc mis à profit, encore que la grande majorité de la population resta confinée dans son habitat.
Entre le Xème siècle et le XIIème siècle, les villages apparurent, souvent à proximité d’une chaussée ou d’un chemin existant. D’autres en étaient plus éloignés. Ces villages, qui ne comportaient qu’une ou quelques rues, étaient reliés entre eux par des chemins.
Les centres urbains existants vont se développer avec le commerce, l’artisanat et l’industrie: Valenciennes, Mons, Maubeuge. Quelques comtes du XIIème siècle, et principalement Baudouin IV “le Bâtisseur” fondèrent ou favorisèrent de nouvelles villes: Ath, Binche, Le Quesnoy, Braine-le-Comte, Soignies, Beaumont, Le Roeulx, Chièvres. Mons, capitale comtale, fut reliée à ces différents centres, par des chemins déjà existants ou par de nouveaux.
Il est probable que le “vieux chemin de Binche” ait trouvé à cette époque sa véritable appellation, car il permettait de relier Le Quesnoy et Valenciennes (où les comtes résidaient souvent) à Mons et à Binche (qui avait remplacé l’antique Waudrez et la franque Estinnes). Cette voie fut sans doute très importante jusqu’au milieu du XVIIIème siècle. Il en reste encore, aujourd’hui, de nombreux tronçons qui ont, pour certains, conservé ce nom, entre des parties complètement disparues (comme c’est le cas pour les chaussées romaines).
Son tracé exact est difficile à reconstituer. Pour passer l’Aunelle (frontière franco-belge actuelle), il n’y avait, pour les charrois, que deux passages: le premier par Rombies-Marchipont-Angre-Baisieux-Elouges, le second par Quiévrain. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il semble que le premier itinéraire ait longtemps été le plus emprunté. On pouvait venir de Valenciennes à Quiévrain et, de là, rejoindre le “chemin de Binche” près des “Monts d’Elouges”. Il est probable que plus tard le détour par Quiévrain prit plus d’importance, car emprunté par les diligences qui reliaient Bruxelles et Mons à Valenciennes, Cambrai et Paris, sur ce qu’on a aussi appelé “le chemin des Postes”.
L”exploitation du charbon a commencé au XIIème ou au XIIIème siècle dans certaines seigneuries au Couchant de Mons. Mais son commerce, son exportation semble s’être développée seulement au XIVème siècle. A partir des sites miniers du versant sud de la Haine, le charbon était “descendu” vers la rivière à dos d’animaux ou sur des chariots, par des routes peu praticables une grande partie de l’année. On sait que le comte Aubert de Bavière fit entretenir le cours de la rivière et aménager les berges pour rendre celle-ci plus navigables.
Au XVIème siècle, pendant la période espagnole, pourtant bien triste à d’autres points de vue, le cours de la Haine fut nettement amélioré et très réglementé, avec la construction d’écluses.
Le début de la révolution industrielle (v1750-1830)
La société a complètement changé avec l’industrialisation qui a débuté dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et avec la fin de la période féodale (1794). Le paysage s’est complètement transformé, notamment le réseau des voies de communication. Les hommes voyageaient davantage (en diligence), mais on transportait aussi de plus en plus, pour les vendre, les produits industriels et avant tout le charbon et les pierres.
Il fallait donc améliorer les voies existantes. Et l’on doit au pouvoir autrichien (1713-1794) de l’avoir compris. L’effort s’est surtout porté sur l’amélioration des grands axes routiers. On a aménagé les anciens ou on en a créé des nouveaux à proximité.
C’est ainsi qu’après beaucoup d’hésitations, vu les récentes guerres avec la France, on a décidé de relier Bruxelles à Paris par une chaussée pavée, dite “thérésienne” en l’honneur de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, encore que sa construction ait commencé avant son règne (dès 1724 au départ de Bruxelles). Entre Mons et Quiévrain (fin des travaux en 1750), elle longeait la zone minière du Borinage, remplaçant l’ancien “chemin de Binche” sur un nouveau tracé parallèle situé un peu plus au nord, chemin qui disparut sur de nombreux tronçons. Il s’agit de la nationale actuelle, … qu’ont empruntée, quelques années plus tard, les armées françaises qui venaient envahir notre pays. A Quiévrain, devenue cité frontière, se trouvait un relais pour les diligences (actuelle Athénée).
Ont également été pavées à cette période les routes:
- Mons-Ath (1726)
- Mons-Binche (1730)
- Mons-Beaumont-Chimay (1753)
- Saint-Ghislain – Barry – Tournai (1768-1776)
Simultanément, on pava aussi quelques chemins qui descendaient des sites miniers, déjà très actifs au XVIIIème, vers cette route thérésienne et vers la Haine. Ainsi, à partir d’Elouges/Dour vers Pommeroeul, via Thulin (chemin de Belle-Vue), à partir de Warquignies vers Saint-Ghislain, via Hornu (1776), à partir de Wasmes vers Wasmuel, à partir de Pâturages vers Quaregnon, de Flénu à Jemappes, de Frameries vers Cuesmes et Mons (les dates ne sont pas mentionnées pour tous ces axes, il est possible que certains aient été réalisés un peu plus tard). Nous n’avons pas d’information pour la réalisation de tels axes routiers dans le Centre.
Par voie d’eau, la Haine, avec son bas débit, s’avéra vite insuffisante pour le transport de la houille vers la France, qui nous occupait (1792/1794-1814). Ce pays en avait un grand besoin, car son industrie houillère était en retard par rapport à la nôtre. Napoléon décida de faire construire un canal entre Mons et Condé. Les travaux furent commencés en 1808 et achevés en 1816 (en Belgique) et 1818 (en France), soit après Waterloo!
Rapidement, les exportateurs de houille se trouvèrent face à de nouvelles taxes douanières au passage à Condé. Or, en cette période hollandaise (1814-1830), la Flandre, Anvers et la Hollande avaient besoin de grosses quantités de ce combustible. Il fut décidé alors de court-circuiter Condé en creusant un nouveau canal entre Pommeroeul et Antoing. Ce qui fut fait en 1823-1826. Un autre canal relia Blaton à Ath, où la Dendre fut canalisée jusqu’à Termonde.
Le site minier de Boussu-Bois prenant de l’importance, le comte de Caraman fit paver le chemin qui descendait vers Boussu. Pour faciliter l’accès au canal Mons-Condé, il fit aussi construire, en 1815, un canal dans ses propriétés, canal qui fut rapidement abandonné au profit du chemin de fer.
Apogée de la période industrielle (1830 – 1950)
Avec l’avènement du royaume de Belgique (1830 à nos jours), notre pays devint l’un des pays les plus industrialisés de la planète au XIXème siècle, avec le Borinage qui en était le principal bassin houiller et qu’il fallut relier aux autres bassins industriels. C’est ainsi que fut conçu le projet du Canal du Centre, pour relier Mons (lié au bassin de l’Escaut via les canaux Mons-Condé, Pommeroeul -Antoing et Blaton-Ath ) à Bruxelles (canal Charleroi-Bruxelles, embranchement à Seneffe) et au bassin mosan (via la Sambre canalisée). Ce ne fut pas une mince entreprise, parce que le dénivelé y était fort important. C’est ainsi qu’on aménagea trois ascenseurs hydrauliques à Strépy-Bracquegnies et Houdeng-Goegnies. Commencé dès 1882, ce canal ne fut achevé qu’en 1917.
Mais le chemin de fer allait bientôt s’imposer et prendre le pas sur les autres voies de transport commercial.
Henri de Gorge fut un précurseur. Dès 1830, il fit construire une ligne ferrée depuis son site du Grand-Hornu jusqu’à un quai qu’il avait acheté à Saint-Ghislain sur le canal. La traction des wagonnets se faisait encore par des chevaux.
Cinq ans plus tard, on commença à construire des voies ferrées pour locomotives à vapeur. La première relia Bruxelles à Malines. Puis on construisit la “ligne du Midi” (n°97), entre Bruxelles et Mons, puis entre Mons et Quiévrain (1841-1842), par Saint-Ghislain, ensuite de Quiévrain vers Valenciennes et Paris.
Les années qui suivirent, jusqu’à la fin du siècle, virent l’aménagement de nombreuses lignes de chemin de fer, en grande partie industrielles et privées, qui reliaient les sites miniers à la ligne du Midi, principalement par la gare de Saint-Ghislain, qui devint le noeud ferroviaire principal de la région. Parmi les autres gares, de moindre importance, on citera Flénu, Warquignies, et Dour.
Au Levant de Mons, le Centre se développait aussi, sur le plan minier et sur le plan métallurgique, autour de La Louvière. Il connut la même multiplication de ces lignes industrielles.
Quant aux lignes “publiques”, de transport de voyageurs, on en aménagea de nombreuses au départ de Mons et de Saint-Ghislain:
- Mons – Aulnoye – Haumont (1855-1858), qui supplanta, en direction de Paris, la “ligne du Midi”
- Mons – Jurbise – Ath
- Mons – La Louvière (1848-1849), n°118
- Saint-Ghislain – Tournai (1861-1867), n°78
- Saint-Ghislain – Ath (1866)
- Mons – Warquignies – Saint-Ghislain – Dour (1872), prolongée de Dour à Quiévrain (1873) pour rejoindre la ligne du Midi, et de Dour à Roisin et Bavay (1898), n°98 et 98a. La première partie de cette ligne desservait les charbonnages du Couchant de Mons: transport des mineurs (une ligne la reliait à Gand via Saint-Ghislain et Tournai) et transport de la houille. Les sites miniers y étaient reliés par des voies privées en gare de Flénu, de Warquignies, de Dour et de Saint-Ghislain.
- Elle fut prolongée ensuite vers Roisin et Bavay pour desservir les Hauts-Pays et participer au transport des pierres et marbres qu’on produisait à Wihéries, Angre-Roisin et Bellignies, mais aussi des produits locaux (chicorée, tabac).
- Blaton – Beloeil (1876) – Ath (1877)
- Mons – Chimay (1868), n°109, via Cuesmes et Bonne-Espérance, avec déviation vers Binche
Pendant quelques décennies, ce sont des sociétés privées qui construisirent et entretinrent les lignes, même publiques. L’Etat leur accordait des concessions, comme il le faisait pour les mines. Les grandes banques financières, qui entraient dans les capitaux des sociétés minières, s’investirent aussi dans les chemins de fer (Société Générale, Banque Rotschild). Ce qui explique la grande densité du réseau ferroviaire, mais aussi le caractère un peu chaotique de ses extensions. Finalement, l’Etat se réappropria les lignes publiques à partir de 1870.
Mais revenons-en à la route.
En ce XIXème siècle, la plupart des villages virent paver leurs rues et les chemins les reliant entre eux ou aux grands axes routiers. Au milieu du siècle, on supprima les “tonlieux”, ces droits de passage datant du moyen-âge, qui servaient encore à payer les aménagements routiers.
Des lignes vicinales pour trams à vapeur, puis trams électriques, sont aussi apparues à la fin du XIXème siècle pour faciliter le déplacement des salariés et des écoliers, mais aussi celui de marchandises. Au départ de la place de la gare de Mons, un nombre important de lignes ont desservi la plupart des localités du Borinage et du Levant de Mons. On ne peut les citer toutes dans ce chapitre. J’ai tenté de le faire, quand j’en avais la mention, dans les chapitres consacrés aux villes et villages.
Cette situation dura grosso-modo jusqu’après la deuxième guerre mondiale. La reprise économique qui accompagna la cessation des hostilités obligea à de nouveaux aménagements.
De 1950 à nos jours
On s’occupa d’abord des canaux. Ceux qui avaient été construits au siècle précédent s’avéraient de gabarit insuffisant pour les nouvelles péniches à gros chargement. C’est ainsi qu’à l’ouest de Mons, on construisit, dans les années ‘1950 un nouveau canal de Nimy (Grand-Large) à Blaton, prolongé ensuite jusqu’à Péronnes, parallèlement à celui de Mons-Condé qui devint inutile et fut supprimé un peu plus tard.
Dans le Centre, on réaménagea le canal existant, en l’élargissant, en modifiant ses courbes et en remplaçant les trois ascenseurs par un nouvel ouvrage, l’ascenseur funiculaire de Strépy-Thieu, sur une nouvelle portion de canal.
Le transport routier, depuis le début du XXème siècle, avait pris beaucoup d’importance. C’est pourquoi on traça de nouveaux axes routiers:
– l’autoroute Bruxelles -Mons – Tournai/Lille ou Paris A7/E19 (vers 1970) qui occupe l’assiette de l’ancien canal Mons – Condé entre Mons et Hensies
– le contournement (inachevé) de Mons par le sud (milieu des années ‘1970)
– l’axiale boraine N550 entre Boussu et Cuesmes, destinée à désengorger la vieille nationale qui devenait un axe commercial important (années ‘1990).
– le boulevard sud du Borinage N562 (entre Dour et Nimy) pour desservir les zonings industriels créés entre Elouges et Ghlin (milieu des années ‘1960)
Le succès du transport routier sonna le glas du chemin de fer dont les lignes industrielles ont été les premières à disparaître avec le déclin des charbonnages et dont les lignes “voyageurs” furent supprimées les unes après les autres au profit des lignes vicinales (autobus). Seules subsistèrent quelques lignes électrifiées reliant les centres importants (Mons-Saint-Ghislain-Quiévrain/Tournai; Bruxelles-Mons-Quévy; Mons-Ath; Mons-La Louvière-Charleroi). Ce fut aussi le sort des tramways qui ont complètement disparu du paysage dans les années ‘1970.
Conclusions
Les Romains avaient leur logique. Les habitants de la vallée de la Haine une autre logique.
Les Romains ont tracé des axes routiers en étoile à partir de Bavay, servant par là leurs intérêts militaires, politiques et commerciaux. Ils reliaient dans le nord de la Gaule les sites stratégiques (Pas-de-Calais, Mer du Nord, Rhin, Reims/Lyon et les chefs-lieux de cité.
Cette politique routière servit encore longtemps, mais après eux les pouvoirs politiques suivants sont revenus aux axes naturels du néolithique et de l’âge du fer, privilégiant la vallée de la Haine. Tous les axes qui apparaissent après les Romains sont de nouveau horizontaux (ouest-est) dans leur majorité: les routes, les canaux, les autoroutes. La dernière carte est d’ailleurs la plus évidente.
Tout ceci nous renforce dans cette idée d’avoir choisi comme thème principal de ce site web: “villes et villages de la vallée de la Haine”, un axe important dans l’histoire de cette partie de l’Europe. Des Pays-Bas, de Scandinavie, d’Allemagne et de Pologne, il faut passer par chez nous pour aller vers Paris… Malheureusement, lors des nombreuses guerres des cinq derniers siècles, les troupes ravageuses ont parcouru les mêmes chemins dans les deux sens…