Entité communale de Bernissart
Le territoire
Superficie: 546 ha
Altitude: de 20 m à 70 m
Situation géographique : le territoire de Bernissart est situé dans la plaine de la vallée de la Haine, à proximité de l’embouchure de celle-ci dans l’Escaut. Il monte légèrement en pente vers le nord.
Cours d’eau : la Haine, les ruisseaux de la Fontaine Madame, de la Fontaine Bouillante, du Fraity, de la Marnière, et les courants de drainage
Paysage préhistorique (après la dernière période glaciaire) : marécageux, prairies humides, bosquets de peupliers, saules. Le versant était boisé.
Nature du sol : alluvionnaire, sablonneux
Nature du sous-sol : grès, houille
Préhistoire
Le village est avant tout réputé pour la découverte de squelettes fossiles d’iguanodons (iguanodon Bernissartensis) en 1878 par les mineurs de la fosse Sainte-Barbe à 322m de profondeur.
Trente squelettes complets vieux de 125 millions d’années. (http://bernissart.fpms.ac.be/histoire.htm) .Ils mesuraient 5m de haut et 10 mètres de long. Ils datent du Crétacé (ère secondaire), période où la région ressemblait à un vaste marécage tropical avant de s’effondrer et d’emprisonner sous forme de fossiles et de charbon tous les éléments vivants qui se trouvaient en surface. On y a également retrouvé les fossiles de 2000 autres spécimens d’animaux variés.
Des archéologues au XXème siècle ont ramassé des indices de présence humaine lors de la préhistoire :
- Lieux-dits « Le Catignier », « Au-dessus du Rieu » et « Vieille voie » (vers Harchies). Nombreux artefacts en silex (1982-1999, S. Parent).
- Certains éclats et nucleus pourraient dater du paléolithique
- Une pièce en silex du mésolithique (maglemosien) ou néolithique ancien et une hache-marteau en bois de cerf
- Néolithique : hache polie en silex de type Spiennes, herminette de silex polie, éclats, armature de flèche, grattoirs
- Autres endroits non précisés
- Fragment de hachette polie en grès (1994, J. Dufrasnes) du néolithique final
- Pointes de flèches, couteau (2000, id)
Age du bronze :
Des vases et des objets en bronze (dont un rasoir) furent découverts (site?)
Ages du fer
De la période Hallstatt (premier âge du fer): des débris de céramique et un rasoir de bronze.
De la fin de la période de La Tène: une monnaie nervienne (rameau type C)
Antiquité gallo-romaine
Le territoire de Bernissart est situé à peu de distance de la chaussée Bavay-Blicquy-Flandre, pas très loin non plus du vicus portuaire d’Hensies-Pommeroeul.
Un site gallo-romain (1995/1998, J. Dufrasnes) a été découvert au sein d’une plaine marécageuse « Marais ». Des vestiges d’une petite construction (tuiles, imbrices) ont été trouvés à proximité du ruisseau Le Grand Courant. On a aussi ramassé en divers endroits:
- Des tessons de céramique commune, un vase gallo-romain découvert dans un champ au nord-est de la chapelle Saint-Roch (2015)
- Un sesterce de l’époque des Antonins (IIème siècle)
- Un trésor monétaire du IIIème siècle (époque de l’empereur Gordien).
- Des fragments de meules.
Il est assez difficile sur ces quelques éléments d’apprécier la nature de l’habitat, sans doute une exploitation agricole gallo-romaine.
Premier Moyen-Age (période franque mérovingienne et carolingienne)
On a découvert un fragment de fibule mérovingienne (2004, J. Dufrasnes) à 400m de la voie romaine Bavay-Blicquy (VII-VIIIème siècle) et une autre d’époque carolingienne. Pas d’autre trace d’occupation humaine.
Deuxième Moyen-Age – le village
Première mention: 1247 (sans doute plus tardive que la fondation de la communauté villageoise).
Toponymie (anciennes orthographes) :
- Bernesart
- Bernifsart
Etymologie (hypothèses d’origine du nom) :
Nous n’avons pas d’indication sur la signification du nom :
- Berni- = ?
- -sart = endroit défriché
Epoque de son apparition: entre le XIème et le XIIème siècle
Facteurs ayant favorisé son émergence :
– voies de communication: la chaussée romaine qui passe à Harchies, des chemins médiévaux vers Condé et Valenciennes.
– sources d’eau ou cours d’eau: la rivière et les rus
– source de bois: le versant boisé
– proximité d’un lieu de pouvoir: le château seigneurial
Paroisse dédiée à Notre-Dame, attestée entre 1191 et 1254
Evêché: de Cambrai (jusqu’en 1804), puis de Tournai ensuite
Décanat/doyenné: Chièvres
Autel (dîmes, entretien de l’église, nomination des officiants) donné à l’abbaye de Saint-Ghislain. Entre 1701 et 1735, cette abbaye fut condamnée pour avoir refusé de réparer l’église et tenté de renoncer à la dîme.
Répartition des pouvoirs pendant la période féodale
Autorité supérieure: comté de Hainaut
Autorité sous-jacente (administrative et judiciaire): prévôté de Mons
Seigneuries et fiefs
Les seigneuries
Le territoire de l’actuel village était partagé en trois seigneuries.
- Une partie était incluse dans le grand domaine de Blaton et fut régie par les seigneurs successifs de celui-ci (voir chapitre Blaton).
- Une autre, située au centre et au sud du village, était la seigneurie de Bernisssart (infra). Elle eut un château, construit au XIIIème siècle.
- Quant à la seigneurie du Préau, décrite dans le chapitre d’Harchies, elle était située à la frontière des deux territoires.
La seigneurie de Bernissart
S’y sont succédé les familles suivantes :
- Auberchicourt (XIII-1406)
- Silly-Risoir (1406-1464)
- De Failly (1464-1634)
- Millendonck (1634-1716)
- De Croÿ (1716-1791)
Il s’agit d’un village situé entre Valenciennes et Douai, autrefois faisant partie du petit comté d’Ostrevent, qui fut rattaché au comté de Hainaut en 1163. Leur généalogie est assez difficile à reconstituer, surtout quand il s’agit d’attribuer à leurs titulaires la petite seigneurie de Bernissart.
Le premier seigneur cité est Jean d’Ostrevent (v1039, Auberchicourt- ?). Il était le fils cadet d’Anselme II de Ribemont, comte d’Ostrevent, qui possédait un domaine à Auberchicourt et qui était un fidèle compagnon de la comtesse Richilde de Hainaut et de son fils Baudouin II, avec qui il partit pour la première croisade où il mourut. Il est plausible que Richilde ou Baudouin II ait détaché une partie du village de Bernissart de leur grand domaine de Blaton pour être donnée en fief à un fidèle. Jean d’Ostrevent prit le nom d’Auberchicourt qu’il transmit à sa descendance. Il est cité comme seigneur d’Auberchicourt, de Bernissart et d’Hordaing. Il était l’oncle d’Etienne de Denain qui épousa Rose de Mons, dame de Hainin, et fut à l’origine de la famille de Haynin.
Sont cités alors quelques personnages de la famille, sans que l’on soit certain qu’ils furent seigneurs de Bernissart :
- Jean de Bernissart (v1056- ?), fils de Jean ci-avant
- Régnier d’Auberchicourt
- Gauthier I de Douai (1080/1090-1158/1165), fils de Régnier. Châtelain de Douai. Attesté seigneur d’Auberchicourt, mais pas de Bernissart.
- Gauthier II d’Auberchicourt (1129/1139, Auberchicourt – 1209), fils du précédent. Lui et les suivants sont attestés seigneur d’Auberchicourt et de Bernissart.
- Gauthier III d’Auberchicourt (1164, Auberchicourt – 1228), fils du précédent
- Baudouin I « le borgne » d’Auberchicourt (1188, Douai – 1239), fils du précédent
- Baudouin II d’Auberchicourt «de Douai » (1195/1215, Auberchicourt-1289), fils du précédent
- Baudouin III d’Auberchicourt (1240/1245-1302), fils du précédent, tué à la bataille des Eperons d’or, au service du roi de France
- Baudouin IV d’Auberchicourt « de Douai » « le Jeune » « le Borgne » (1270/1280, Auberchicourt – 1326)
- Baudouin V d’Auberchicourt « de Douai » (v1315-1381).
- Ce dernier seigneur eut trois filles, dont Marie d’Auberchicourt (1340-1401), héritière de Bernissart et du Risoir (château près d’Enghien). Elle eut une relation libre avec Philippe de Bourgogne « le Hardi » (1341-1404), fils du roi de France Jean II le Bon, duc de Bourgogne par apanage et devenu en 1369 comte de Flandre et… seigneur de Blaton.
- Ce serait leur fils illégitime, Henri de Bougogne « du Risoir » (1360-1409) qui aurait hérité de la seigneurie de Bernissart, qu’il vendit en 1401.
C’était une famille montoise au service des comtes.
Jean « Husson » ou « de Mons » de Failly (v1360- ?, Bernissart). Chevalier, capitaine au château de Mons, compagnon d’armes du comte Guillaume IV de Bavière, il fut fieffé par ce dernier des terres de Failly (Fayt-lez-Manage) et de Bernissart. Certains prétendent qu’il serait un frère naturel du comte.
Lui succédèrent :
- Jean I de Failly (v1385, Bernissart-), son fils
- Michel de Failly (v1415, Bernissart- ?), fils du précédent
- Guillaume de Failly (v1440- ?), fils du précédent
- Jean II de Failly (1467, Bernissart- ?), fils du précédent
- Jean III de Failly ( ?- ?), fils du précédent
- Charles de Failly ( ?- ?), fils du précédent. Il acheta le village de Quevaucamps
- Jean IV de Failly (1584, Bernissart-1633), fils du précédent
- Jacques de Failly ( ?- ?), fils du précédent. Il lègua Bernissart à sa fille Marie de Failly.
Famille de Millendonck
Claude-Herman de Millendonck (1613-1658). Comte de Millendonck, seigneur de plusieurs villages, il le devint aussi pour celui de Bernissart en épousant en 1635 Marie de Failly
Louis-Herman de Millendonck (1642, Bernissart-1693), fils des précédents. Il n’eut qu’une fille, Marie Marguerite.
Philippe-Alexandre-Emmanuel de Croÿ (1676-1723). Il était prince de Croÿ et de Solre-le-Château, marquis du Quesnoy et seigneur de plusieurs domaines, dont Condé. Il le devint pour Bernissart en épousant Marie Marguerite Louise de Millendonck (1681-1768)
Leur succédèrent :
- Anne-Emmanuel de Croÿ (1718-1784), leur fils. Celui-ci, à ses titres et domaines, ajouta Blaton qu’il acheta en 1752. Il était donc seigneur de Condé, Blaton et Bernissart.
- Anne-Emmanuel-Ferdinand-François de Croÿ « Prince de Croÿ » (1743-1803), fils du précédent. Il fut le dernier seigneur féodal de Bernissart.
La commune
Les habitants de Bernissart, s’ils dépendaient selon l’endroit où ils résidaient d’une des deux seigneuries, avaient cependant un échevinage commun avec un mayeur, situé à Blaton. Ceux de la seigneurie de Bernissart reçurent en 1466 une charte-loi du seigneur Guillaume du Failly.
En 1601, le village de Bernissart reçut un échevinage distinct de celui de Blaton.
En 1965, Bernissart et Harchies fusionnèrent.
Période française (1794-1814)
Fin de l’Ancien Régime féodal en 1794
Département: Jemappes
Canton: Péruwelz (?)
Répartition des pouvoirs pendant la période contemporaine (à partir de 1814)
- Etat: Royaume des Pays-Bas (1814-1830), puis Royaume de Belgique
- Province: Hainaut
- Arrondissement administratif: Tournai
- Arrondissement judiciaire: Tournai
- Canton: Péruwelz
- Entité communale depuis 1977: Bernissart
Evènements et faits marquants sur le sol de la commune
Le château et le village furent occupés par les troupes de Louis XI lorsqu’il assiégea Condé en 1478.
Economie
Les habitants de Bernissart vécurent longtemps uniquement de l’agriculture (céréales, plantes fourragères, colza, lin, pommes de terre,…). On y faisait de l’élevage sur les 80ha de pâturages communaux (wareschais).
Des petites entreprises artisanales se développèrent en rapport avec cette activité agricole :
- Un moulin à vent
- Une sucrerie au XIXème (arrêtée en 1903).
- Des fabriques de lingerie (XIXème)
- Une fabrique d’instruments aratoires (XIXème).
Industrie houillère
En 1735, on exploitait déjà une quinzaine de fosses.
La Compagnie d’Anzin commença à exploiter le charbon de houille à partir de 1754 près de la frontière, à l’orée de la forêt de Bonsecours. Elle creusa un puits qui fut immédiatement inondé. Une machine à feu de Newcomen (1782-83) fut installée, pour combattre l’inondation constante des galeries minières. On atteignit la profondeur de 42m où on rencontra la première veine de charbon. Mais le coût de l’opération força à abandonner le site. Le bâtiment fut transformé en habitation par le seigneur des lieux, le duc de Croÿ, pour son garde-chasse.
L’exploitation reprit plus tard à quelques centaines de mètres de là. La gestion fut le fait de la « S.A. des Charbonnages de Bernissart ». On exploitait à proximité des canaux (Mons-Condé, Pommeroeul-Antoing, Blaton-Ath), des chemins de fer Blaton-Ath et Hainaut-Flandres. La concession s’étendait sous les communes de Blaton, Bernissart, Pommeroeul, Ville-Pommeroeul, Harchies, Grandglise, Stambruges et Péruwelz (2933ha). L’Ecole Moyenne de l’Etat occupe l’ancien bâtiment administratif, datant de 1920. D’autres bâtiments furent réaménagés en logements.
On compta cinq puits à Bernissart au nord du centre du village :
- Puits Négresse n°1, 1841-1858 – profondeur 190m – il servit ensuite d’aérage du puits Sainte-Barbe
- Puits du Moulin n°2 (1842 – 1863)
- Sainte-Barbe n°3, 1845-1926 – profondeur 415/450m – le plus important, mais sujet à de nombreuses inondations – fermeture pour cette raison. C’est ici que furent faites les découvertes concernant les fossiles du crétacé.
- Sainte-Catherine n°4, 1864-1914/18 – profondeur de 280m
- Puits n°5, près du coron Lagache pour un ventilateur à force centrifuge.
Une ligne de chemin de fer industrielle relia tous les puits de Bernissart, d’Hensies et d’Harchies à la gare de Blaton. Il existait une gare, transformée elle aussi en habitation. La voie ferrée a été aménagée en piste cyclable jusqu’à Blaton.
Plusieurs corons (104 habitations), files de maisons presque semblables, furent construits pour loger les mineurs à proximité des sites miniers : coron Lagache, coron Perdu, cité Waters, coron Jaune, coron à l’Eau, coron d’en Haut, cité Carlier, cité Royer.
Les industries annexes :
- Une cokerie
- Une fabrique d’agglomérés, de briquettes et de boulets.
Les puits de Bernissart fermèrent entre 1913 et 1926.
Bernissart fut desservi par de bonnes voies de communication depuis le XIXème siècle :
- Le canal Pommeroeul-Antoing, construit en 1826 pour dériver la houille du Borinage vers l’Escaut sans passer par la France qui imposait des frais de douane importants pour protéger ses mines
- Le canal Blaton-Ath-Dendre
- L’autoroute Liège-Tournai-Lille
Patrimoine
Eglise Notre-Dame
Il existait une église du XIIIème, construite sur les bords du fossé du château. Elle fut agrandie et restaurée en 1735, puis fut remplacée en 1876 par un édifice gothique. On y trouve la pierre tumulaire de Charles de Failly, seigneur de Bernissart, mort en 1620.
Château
Il fut construit au XIIIème, mentionné pour la première fois en 1267. En 1478, il fut assiégé et endommagé par les troupes de Louis XI. L’archiduc Maximilien le reprit après quelques mois. Il fut démoli en 1876. Il en reste quelques vestiges sur la place à côté de l’église.
Musée de l’Iguanodon
Collection de minéraux et de fossiles. La plupart des iguanodons ont été envoyés au Musée d’Histoire Naturelle de Bruxelles. Un d’eux a été prêté au musée local.
Jardin géologique – Dynolabyrinthe
Marais de Harchies, de Hensies et Pommeroeul
Ils couvrent 550ha. Dans une zone marécageuse au nord de la Haine, des étangs se sont constitués, provoqués par des effondrements miniers du sol dans la première moitié du XXème. Le domaine fut acheté dans les années ‘1970 par le Ministère de l’Education nationale et donné en gestion à l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique. Celui-ci y implanta un centre de recherches biologiques. C’est devenu une zone protégée, car ce lieu est exceptionnel pour la flore et la faune avec des biotopes différents (« Zone humide d’intérêt biologique » en 1994). On y admire le passage d’oiseaux migrateurs.
La pompe à feu de 1782, restaurée en 2013-2014. Un lourd balancier en fonte sortait du haut de la façade. Il était relié à l’intérieur à un piston actionné par une machine à vapeur. A l’extérieur, il actionnait un système de pompage pour évacuer l’eau du puits de la mine voisine. Elle fut démontée peu de temps après et le bâtiment fut transformé en habitation.
Le terril Sainte-Barbe, boisé, à proximité de la dalle du puits comblé en 1949.
Le terril Sainte-Catherine, avec sa dalle
Bibliographie
Bernissart et son château, Cécile & Gilbert Delfanne, 2004