26. Au royaume de Belgique

A partir de la création d’un royaume indépendant de Belgique, se posent plusieurs problématiques, simultanées ou consécutives, qu’il y a lieu de décrire séparément. Du moins aborderais-je celles qui auront des répercussions sur l’histoire de la vallée de la Haine.

Les premiers pas du nouvel Etat Belge vont se faire dans un contexte européen difficile où nationalisme, protectionnisme, révolution industrielle, montée du capitalisme, du socialisme et du communisme vont se manifester, non sans heurts. Alterneront alors des périodes de prospérité et de crises économiques, les périodes de paix et celles qui verront naître révolutions, guerres, tensions extrêmes et affrontements violents nés de l’enrichissement des uns au mépris de la misère des autres. Toute cette histoire se trouve représentée dans notre vallée, où Borinage et Centre se retrouveront au cœur et à la tête de ces mouvements pendant un siècle et demi, avant de connaître un lourd déclin.

J’essaierai, dans le présent chapitre, de résumer les phénomènes politiques qui auront un impact sur notre région: les crises de l’enseignement et les mouvements sociaux majeurs. Dans les chapitres suivants, je reviendrai sur les activités économiques elles-mêmes, et principalement sur ce qui a fait la richesse du Borinage et du Centre, à savoir l’exploitation de la houille, sans oublier pour autant les autres créneaux économiques. Je m’arrêterai aussi sur les infrastructures de transport qui ont permis le développement et la réussite de ces régions. J’essaierai enfin de résumer les faits traumatisants dont les deux guerres mondiales ont laissé des traces dans la mémoire de la région.

Une monarchie constitutionnelle parlementaire
Léopold Ier

Tel est le régime politique décrété par les Belges qui ont mené la révolution de septembre 1830, au terme de laquelle ils se séparaient du royaume des Pays-Bas. Ils ont proclamé l’indépendance le 4 octobre, procédé aux premières élections législatives le 3 novembre, réuni un premier Congrès national le 10 novembre et nommé un gouvernement d’union nationale. La première constitution naquit le 7 février 1831. Le premier roi, Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, prêta serment le 21 juillet 1831.

Réactions hollandaises

Les grandes nations acceptèrent l’existence de la Belgique, encore que le français Talleyrand préférait séparer le nord flamand (pour le rattacher aux Pays-Bas) et le sud francophone pour le rattacher à son pays. La volonté des Belges, avec le soutien des Anglais, des Prusses et des Autrichiens, permit la naissance de notre royaume et sa destinée politique.

Le roi Guillaume de Hollande ne l’entendait pas de cette oreille. A deux reprises, il tenta de réinvestir militairement la Belgique. Dès le 2 août 1831 il envoya, à cette fin, une armée de 80.000 hommes. Il n’existait pas encore d’armée belge bien organisée et préparée. Léopold Ier appela les Anglais et les Français à l’aide. Ces derniers, dirigés par un nouveau roi plus libéral, Louis-Philippe d’Orléans, envoyèrent 40.000 hommes dont la plus grosse partie entra sur notre territoire par Quiévrain le 7 août, sous le commandement du maréchal Gérard. Les troupes se rassemblèrent sur la plaine militaire de Nimy-Maisières-Casteau, puis s’avancèrent vers Bruxelles qu’elles atteignirent le 11 août. Les Néerlandais n’osèrent pas engager le combat, négocièrent, s’inclinèrent et se retirèrent le 20 août. Les Français firent de même. On fixa, par le traité des XXIV Articles du 14 octobre 1831, les frontières entre les Pays-Bas et la Belgique. Celle-ci cédait définitivement aux Pays-Bas la Flandre zélandaise, le nord du Brabant, l’est du Limbourg. Ce qui deviendrait un peu plus tard le Grand-Duché de Luxembourg passa directement sous l’autorité du roi Guillaume Ier.

En désaccord avec le traité, les Hollandais laissèrent une garnison dans la citadelle d’Anvers. Pour les chasser, on vit à nouveau une armée française pénétrer par Quiévrain le 15 novembre 1832. Le 30 novembre, le maréchal Gérard enjoignait à la garnison de quitter le pays. Il essuya un refus et ordonna donc le bombardement de la citadelle.  Le 23 décembre, les Hollandais quittaient définitivement la Belgique. Les Français, acclamés par les foules, rentrèrent chez eux. L’Europe admettait le “fait belge”. Il fallut attendre 1839 pour voir le roi des Pays-Bas acquiescer à cette décision.

Entretemps, Léopold Ier avait obtenu la main de la fille du roi de France. On le vit passer par Quiévrain le 5 août 1832, en route vers Compiègne pour épouser Louise-Marie-Charlotte d’Orléans, première reine des Belges.

Une Belgique neutre

Deux conflits européens vont marquer le XIXème siècle: les révolutions de 1848 et la guerre franco-prussienne de 1870. Chaque fois, l’Etat Belge se montra neutre et ne fut jamais impliqué.

Cependant, en mars 1848, lorsque la monarchie française de Louis-Philippe fut renversée pour laisser place à la Deuxième République, des insurgés républicains français et belges vont tenter d’envahir la Belgique. Ils vont le faire près de Mouscron, et à Quiévrain le 25 mars. Dans cette dernière localité, ils étaient une troupe de 700 ouvriers espérant un accueil favorable de la population. En réalité, il existait toujours en France, comme jadis, une mouvance qui comptait toujours faire reculer les frontières de la France plus au nord. La gendarmerie, avertie, refoula les Français et arrêta les Belges.

Les premiers problèmes sociétaux autour de l’enseignement

Jusqu’à la fin du XIXème siècle, deux partis vont dominer la politique belge, profitant du mode de vote censitaire (avaient le droit de voter ceux qui payaient un certain niveau d’impôt, donc les plus riches, une minorité): les Libéraux et les Catholiques, unis dans un premier temps, puis prenant le pouvoir alternativement à la faveur des élections.

Avec le roi, ils mirent d’abord en place les institutions belges: lois communales, lois provinciales, création d’une garde civique et d’un service militaire.

Ils favorisèrent l’économie (commerce et industrie), en permettant la création de sociétés qui apportaient des capitaux aux entreprises et finançaient les moyens de transport (voir chapitres économiques).

Ces deux partis représentaient deux visions différentes de la société. Ils s’opposèrent principalement au sujet de l’enseignement qui, jusqu’il y a peu, était organisé par le clergé, en accord avec les autorités communales. Dans les villages, un clerc ou un vicaire assurait un enseignement de base, non obligatoire et payant.

La mise en place d’un enseignement primaire avait été imposée à chaque commune en 1814 par le roi Guillaume de Hollande. Lui, le roi protestant, entrait ainsi en conflit avec l’Eglise Catholique qui détenait jusque-là le monopole d’un enseignement toujours payant et non obligatoire. Des écoles laïques et neutres apparurent dans les années qui suivirent, couvrant trois niveaux: primaire, secondaire et supérieur.

En 1834, Théodore Verhaegen fonda “l’Université Libre de Bruxelles” (ULB), basée sur les principes du Libre Examen, encouragée par les Libéraux.

En 1841, pour la première fois, un gouvernement d’union nationale tomba sur la “question scolaire“. A cette époque encore, de nombreux enfants abandonnaient leur scolarité lors des périodes de moissons, et la quittaient définitivement vers l’âge de 10 ans, quand on les jugeait capables de travailler, à la ferme, à la mine ou à l’usine.

En 1843, on rendit obligatoire une instruction gratuite pour chaque enfant. Il y avait, dans chaque village, une école communale pour les garçons, une autre pour les filles. C’étaient souvent des religieuses qui assuraient les cours pour les filles. Mais l’absentéisme persistait aux périodes de travaux dans les champs.

Charles Rogier

En 1850, le gouvernement libéral de Charles Rogier permit la création d’écoles moyennes supérieures de l’Etat (les athénées), ainsi que les écoles moyennes inférieures. On augmenta l’impôt pour les financer. On discuta sur l’obligation d’enseigner la religion dans les écoles de l’Etat. Finalement, cet enseignement fut permis et dispensé par un ministre du culte.

En 1879, un autre gouvernement libéral obligea les communes à organiser une école neutre et laïque, avec des instituteurs laïcs. On interdit le financement d’écoles libres et l’instauration d’ un cours de religion. Une nouvelle guerre scolaire fut déclenchée. Les Catholiques, soutenus par les évêques et le pape Léon XIII, créèrent des écoles libres avec leurs propres deniers. Par exemple, à Thulin, les religieuses, qui avaient été chassées dans un premier temps, revinrent enseigner dans les locaux d’une sucrerie. Ces écoles libres avaient du succès, puisqu’elles furent fréquentées par 60%, et parfois plus, de la population scolaire. Frère-Orban, le premier ministre libéral, rompit les relations diplomatiques avec le Vatican. Il envoya l’armée évacuer les écoles libres qui s’étaient installées dans des immeubles communaux.

Jules Malou

1884 vit élire le gouvernement catholique de Jules Malou qui s’empressa de renouer avec Rome et de redonner aux communes le choix entre une école libre et une école officielle laïque. La guerre scolaire continua, provoquant beaucoup de remous dans nos villages où l’intérêt de la population pour la politique grandissait, et créant les premiers clivages entre “calotins” et anti-calotins”.

En 1894, le gouvernement catholique fit adopter le financement par subsides des écoles libres. L’enseignement de la religion redevint obligatoire.

Léo Collard

Les conflits reprirent beaucoup plus tard en 1954, lorsque le gouvernement du montois Léo Collard décida de réduire les subventions aux écoles libres. Ayant perdu les élections, les socialistes laissèrent au nouveau gouvernement de Gaston Eyskens le soin de signer un pacte scolaire qui assurait la liberté de choix du père de famille par la gratuité garantie dans les deux réseaux d’enseignement. L’Etat prenait en charge les traitements de tous les professeurs, quel que soit le réseau.

Les luttes sociales

Ce sont elles, surtout, qui vont marquer la vie d’une grande partie de la population. Dans un chapitre consacré à l’exploitation de la houille, j’esquisse les conditions misérables dans lesquelles la main-d’oeuvre ouvrière et sa famille tentaient de survivre.

Le Borinage était devenu, depuis les XVIIIème-XIXème siècles, le bassin houiller le plus productif d’Europe. Le Centre suivra, dans le courant du XIXème siècle. Il ira même jusqu’à diversifier beaucoup plus ses activités économiques. Ces deux régions vont connaître, à cette époque, un essor économique à son apogée et une prospérité qui, malheureusement, ne profitera pas à tous de façon équitable.

Le XIXème siècle, qui fait suite à la Révolution française, est celui de la victoire du capitalisme bourgeois, favorisé par des gouvernements libéraux surtout, et, dans une moindre mesure, catholiques. Des financiers vont créer des sociétés à gros capitaux pour investir dans les outils industriels coûteux et dans les moyens de transport destinés à développer le commerce. Des maîtres d’industrie, dans leurs nouveaux châteaux cossus, vont dominer la société et, plus encore que les anciens seigneurs féodaux, vont assujettir une classe d’ouvriers dépendant complètement d’eux pour leur survie.

Il y eut des exceptions comme ces patrons qui construisirent les cités du Grand-Hornu et du Bois-du-Luc, ailleurs des corons et des hôpitaux. Mais dans leur majorité, au-delà de la production de houille et de produits manufacturés, au-delà du souci d’écouler commercialement ces mêmes produits, ils auront surtout en tête un vrai souci: le profit.

Cité du Bois-du-Luc (lithographie de 1850)

Dans un premier temps, comme à l’époque féodale, le petit peuple, peu éduqué, accepta cette situation comme une fatalité. Il est vrai que jusque dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, le travail à la mine était encore partagé avec celui de la terre. Cependant les besoins en charbon augmentèrent très fort en cette fin de siècle et surtout au siècle suivant. Il fallut plus de main d’oeuvre. Si certains mineurs quittaient encore chaque matin leurs petites habitations villageoises, à pied, parcourant plusieurs kilomètres, pour atteindre leur charbonnage et en revenaient fourbus le soir, beaucoup d’autres allèrent s’agglutiner autour des sites miniers dans des hameaux aux maisons sordides, abandonnés à la promiscuité et à la noirceur de la suie et de la fumée crachée par les cheminées toutes proches à longueur de jour et de nuit.

Les premiers heurts sanglants survinrent le 25 octobre 1836 à Jemappes, suite à une grève dans le Borinage. Il faut rappeler qu’il était interdit, alors, de manifester et de faire grève. Ceux qui bravaient cette interdiction étaient punis durement par la gendarmerie ou l’armée. Les gouvernements, de quelque bord qu’ils fussent, restèrent fermes sur ce sujet pendant quelques décennies.

En 1840, face au grondement social dans leurs entreprises, les patrons créèrent, dans le Borinage, une “Caisse de Prévoyance en faveur des ouvriers du Couchant de Mons”. Plus qu’une tentative d’améliorer les conditions de travail, il s’agissait d’un outil de contrôle pour faire respecter l’ordre. Chaque émeute, chaque grève, chaque mouvement social était soumis à une répression sévère.

En 1848-1850, une grande crise secoua l’Europe. Elle provoqua des changements politiques dans certains pays, comme en France, où la République fut promulguée avant de céder rapidement le pas au Second Empire de Napoléon III. Hormis la petite “affaire de Quiévrain” évoquée plus haut, la Belgique ne fut pas impliquée politiquement, mais elle eut à subir des répercussions économiques, notamment sur le commerce, parce que les pays voisins, suivant une politique nationaliste et protectionniste, augmentèrent les droits de douane à l’exportation de nos produits. Il fallut réduire la production, ce qui créa du chômage et de la misère supplémentaire, d’autant plus que de mauvaises récoltes, plusieurs années de suite et une grande épidémie de typhus en 1847 avaient semé la famine et la mort.

A Jemappes, en avril 1848, eut lieu une grève des mineurs qui dura deux semaines, parce qu’on avait réduit leurs salaires.

Ces années marquèrent particulièrement les esprits. Elles faisaient prendre toute la mesure de la misère du prolétariat. De nouvelles doctrines révolutionnaires parcouraient les milieux intellectuels, celles des utopies démocratiques de Saint-Simon, celles des théories associationnistes de Charles Fournier qui promouvait les phalanstères (bâtiments accueillant des populations ouvrières qui y vivaient en communauté), mais surtout celles de Karl Marx et de Frédéric Engels, qui chassés de leur pays, résidaient à Bruxelles, où on publia en 1848 le “Manifeste du Parti Communiste”. De France arrivèrent aussi chez nous les intellectuels républicains qui s’opposaient à Napoléon III (dont Victor Hugo et Alexandre Dumas).

Progressivement, les idées socialisantes pénétraient les couches sociales ouvrières. A partir de 1861, selon les conjonctures économiques et les solutions qu’on y apportait (nouvelles règlementations de travail, baisse de salaires), des grèves sauvages étaient déclenchées. Les répressions furent encore plus dures. Elles entraînèrent les premières morts. Mais les ouvriers étaient encore mal organisés. Quelques “députations ouvrières” concentraient les revendications qu’elles affichaient sous forme de placards.

En 1864, naquit à Londres une “Association Internationale des Travailleurs” qui, la même année, envoya quelques militants chez nous, notamment à Pâturages. Ils furent bien accueillis et déclenchèrent des agitations, dont des émeutes à l’Agrappe de Frameries en 1869. Ces manifestations n’apportèrent aucune réponse significative aux revendications. On perdit confiance en eux et ils disparurent.

Une nouvelle crise économique surgit en 1867. De nouvelles grèves dans les trois bassins hennuyers furent mieux organisées. On se plaignait des nouvelles baisses de salaire et de la hausse du coût de la farine (le pain restait un aliment essentiel pour le peuple). La répression par la gendarmerie fut de nouveau sévère. Mais le gouvernement libéral de Frère-Orban, prenant conscience de cette force ouvrière naissante, autorisa le droit de grève la même année, sous certaines conditions.

La dualisation de la société, entre riches bourgeois et pauvres ouvriers, devenait de plus en plus criante. Les doctrines marxistes aboutirent à la naissance du socialisme.

La “Première Internationale Ouvrière” fut fondée à cette époque. On organisa des fédérations à Mons, à La Louvière et à Charleroi en 1869 et 1870. C’est le mouvement syndical qui naissait. Voulant mettre fin au régime censitaire inéquitable des élections, sa première revendication fut de demander le suffrage universel. On vit apparaître les premières coopératives socialistes (boulangeries et magasins à prix sociaux). Des meetings eurent lieu un peu partout dans les villages miniers, à Pâturages, à Wasmes, à Frameries, à La Bouverie, à Eugies, à Warquignies, à Flénu, à Jemappes et à Quaregnon. Des sections ouvrières s’ouvrirent dans toutes ces cités. Elles se fédérèrent dans les trois bassins, surtout à Charleroi. La première “Maison du Peuple” apparut en 1871 à Jolimont.

Une reprise économique, avec augmentation de la production et des salaires, calma les esprits et freina ces mouvements politiques. Après la guerre franco-prussienne de 1870, la prospérité fut à nouveau au rendez-vous. Les exportations reprirent.

Malgré tout, on vit encore quelques mouvements sociaux çà et là. Ainsi, Jemappes, qui avait été jadis un bastion républicain pro-français, entretint sa verve revendicatrice en devenant un bastion de l’Internationale Socialiste. De nouveaux troubles y virent le jour en 1872.

Un nouvel épisode de dépression économique survint en 1877. Les baisses de salaires entraînèrent de nouvelles revendications. On exigeait leur hausse, et surtout le suffrage universel. Le chômage augmenta. Les grèves se succédèrent.

Alfred Defuisseaux

Le “Parti Ouvrier Belge” (POB) vit le jour le 5 avril 1885, emmené par César de Paepe et Emile Vandervelde. Il établit son programme la même année dans un congrès à Anvers. Il publia désormais un journal, “le Peuple”. Il demanda au borain Alfred Dufuisseaux (1843, Baudour – 1901, Nimy) de rédiger un pamphlet dans le contexte de la campagne pour le suffrage universel. Cet avocat, grand défenseur de la cause ouvrière, sortit en 1886 le “Catéchisme du Peuple” dans un style simple, direct et radical. Il prôna carrément la révolte comme moyen d’émancipation de la classe ouvrière. Les bassins houillers furent en ébullition. Des mouvements anarchistes, spontanés et mal organisés, se manifestèrent çà et là.

De nouvelles grèves, violentes, reprirent en Hainaut en 1886. A Roux, près de Charleroi, en mars, 24 ouvriers furent tués lors d’affrontements avec l’armée. Des châteaux de directeurs de mines furent saccagés. La révolte fut finalement réprimée. Dufuisseaux, appelé à comparaître en Cour d’Assises, pour son appel à la révolte et pour outrage au roi Léopold II, eut le temps de fuir en France avant d’être condamné, par contumace, à 15 ans de prison. On l’accusait de complot. De son exil, il parvint encore à fomenter des grèves générales. Il entra ensuite en conflit avec la direction du POB et fit sédition en fondant un “Parti socialiste républicain”. Son mouvement s’essouffla et, finalement, disparut.

Tous ces mouvements sociaux aboutirent à de nouvelles mesures en 1886 et 1887. On créa des conseils d’arbitrage et de conciliation. On réglementa le travail des femmes et des enfants (interdiction du travail souterrain pour les femmes de moins de 21 ans et de tout travail pour les enfants en dessous 12 ans). On protégea les salaires contre les décisions arbitrales des “petits chefs”. On développa des institutions de prévoyance, de secours, d’assurance. On indemnisa les accidents de travail. On lutta contre l’alcoolisme ravageur. Le rôle du parti catholique (et du pape Léon XIII) fut important dans ces premières vraies mesures sociales.

Les revendications sociales continuèrent, principalement pour l’obtention du suffrage universel qui pourrait amener au parlement des représentants de la classe ouvrière. En 1893, une fusillade contre une manifestation à Mons, avenue de Jemappes, fit sept morts. Avec le système censitaire, seuls 2% de la population avaient le droit de vote. En 1894, fut instauré le “suffrage universel plural“, obligatoire, pour tous les hommes de plus de 25 ans. Les censitaires, les fonctionnaires, les titulaires de professions libérales et les pères de famille pouvaient disposer de voix supplémentaires.

Les Socialistes écrivirent leur fameuse “Charte de Quaregnon” à Pâques, en 1894, définissant le socialisme du POB. Aux élections suivantes d’octobre 1894, la composition de la Chambre fut bouleversée avec l’entrée massive de représentants du POB. On commença à légiférer sur les conditions de travail (diminution du nombre d’heures de travail, salaire minimum, …) et sur les pensions de vieillesse.

Les mouvements sociaux subsistèrent, moins virulents, en 1900, 1902 et 1905, car la prospérité économique était revenue depuis quelques années. La Belgique était devenue, durant cette période, la deuxième puissance industrielle au monde, après l’Angleterre, ex-aequo avec les Etats-Unis, devant l’Allemagne et la France. Un tiers des produits nationaux étaient exportés. Les sites miniers borains et du Centre fonctionnaient, à ce moment, à leur maximum. Les cheminées des charbonnages crachaient partout leur fumée noire, les terrils s’élevaient vers ce ciel noir et les “gueules noires” s’épuisaient toujours au travail. Dans le Borinage, les salaires étaient moins élevés que dans d’autres bassins, ce qui expliquait la persistance des grèves.

La hausse des prix entraîna encore une grève de 33.000 mineurs borains en janvier 1912. Ils venaient pourtant d’obtenir la journée de 9h1/2 et la pension à 55 ans pour les travailleurs de fond, à 60 ans pour ceux de surface.

En 1914, le travail fut interdit pour les enfants de moins de 14 ans. En même temps, l’instruction devint obligatoire jusqu’à cet âge.

Puis la première guerre mondiale survint… (racontée dans un autre chapitre). Après elle, on instaura le suffrage universel à 21 ans (pour les seuls hommes !). On décida l’établissement d’une pension de vieillesse et la journée de travail passa à 8h00/jour, dans une semaine de 6 jours. La production houillère qui s’était ralentie, mais non arrêtée durant le conflit, reprit, certes, mais les crises financières allaient se multiplier.

Une grève de 9 à 13 semaines fut organisée en 1924. On déplora des incidents graves à Jemappes et à Quaregnon. Des émeutes éclatèrent en 1925, alors que le franc belge se dévaluait, et que les capitaux s’évadaient aux dépens des investissements nécessaires pour moderniser les outils de travail et pour faire face à la concurrence.

Le gouvernement Jaspar, en 1926, parvint à stabiliser les finances et à faire refluer les capitaux. Un boom économique mondial relança l’économie belge. Les productions de houille, de fonte et d’électricité repartirent à la hausse. On mit en chantier de grands travaux d’infrastructure, surtout en Flandre (ports d’Anvers et de Gand, canal Albert), moins chez nous. Des mesures sociales furent accordées (indemnités en matière de maladies professionnelles, extension des allocations familiales). Les gouvernements n’avaient pas la vie longue. Les problèmes linguistiques commençaient à montrer le bout du nez.

Et puis, vinrent 1929 et “les années 1930”: diminution des besoins face à la surproduction et au suréquipement, accumulations de stocks, endettements, fermetures d’usines et de charbonnages, chômage, réduction des exportations due à des politiques protectionnistes de nos voisins, …

On vécut encore quelques grèves violentes, notamment en 1932 à Flénu. L’Etat tentait tant bien que mal de réduire les dépenses, tout en augmentant les impôts. Les entreprises n’investissaient plus. Le pouvoir d’achat chuta. On dévalua encore le franc belge, ce qui ranima un peu l’économie et les exportations.

Cependant que la tension montait en Europe et que les rexistes commençaient à faire parler d’eux. Il s’agissait d’un mouvement politique pro-fasciste (ordre et autorité), dénonçant la corruption des élites, et enfin collaborationniste avec le nazisme. En 1935, le gouvernement accorda les congés payés et ramena la semaine de travail à 40 heures.

Malgré sa neutralité, la Belgique se préparait à un conflit, notamment en mobilisant. La dépression économique revint après deux ans. Les gouvernements avaient des vies de plus en plus courtes.

Et une deuxième guerre mondiale éclata… (chapitre spécifique).

Lorsque le pays fut libéré, la politique reprit ses droits, surtout marquée par la “question royale”. Des manifestations et des grèves revendiquèrent l’abdication du roi Léopold III. De chutes de gouvernements en élections, de référendums en nouvelles grèves, on en arriva à ce que le roi abdiqua en 1951 et céda la place à son fils, Baudouin I.

Il fallut attendre la fin de l’année 1960 pour que de nouvelles grèves générales s’opposent à “la loi unique“. Celle-ci, pour équilibrer le budget de l’Etat, fort endetté après les événements de l’indépendance du Congo (1960), augmentait les taxes et réduisait les dépenses en sécurité sociale. Cette grève tourna à l’insurrection en Wallonie, beaucoup plus qu’en Flandre, ce qui lui donna une coloration communautaire.

Ces “années 1950 et 1960” virent le déclin économique des vieilles industries wallonnes. Le Borinage avait tout misé sur l’exploitation houillère. Toutes ses mines fermèrent les unes après les autres. Ce fut aussi le cas dans le Centre, mais ici, il y avait eu plus de diversification dans les investissements industriels. Le déclin y fut plus tardif.

Les Trente années glorieuses d’après-guerre permirent à l’économie belge de retrouver de la vitalité, ce qui permit des politiques au service du progrès social. Mais dans le Borinage et dans le Centre, cette période ne fut pas mise à profit, au service d’une reprise de l’économie. On se tourna plutôt vers le secteur tertiaire des services et du commerce, en entretenant un fort pourcentage de chômage et de laissés pour compte.

La politique belge sera de plus en plus être concernée par les problèmes linguistiques, avec la mise en place progressive d’un régime fédéral accordant plus de pouvoirs aux régions et aux communautés, tout en misant très fort sur les retombées de l’Union Européenne.

La vallée de la Haine, qui panse ses friches industrielles et s’enorgueillit d’un paysage qui vire du noir au vert, ne recueillera que quelques miettes, éparpillées dans quelques maigres zonings industriels en bordure de ses agglomérations.

25. Avec les Hollandais

Après la déroute des armées de Napoléon, son abdication et son exil sur l’île d’Elbe, un premier Traité de Paris (30 mai 1814) donna les départements belges au roi de Hollande qui se constituait ainsi un Royaume des Pays-Bas, auquel était annexé le Grand-Duché de Luxembourg. Ce fut proclamé le 16 mars 1815. Quelques cantons restèrent cependant dans le royaume de France: Dour, Chimay, Beaumont, Merbes-le-Château, intégrés au département du Nord.

Les derniers soubresauts napoléoniens
Le duc de Wellington

Ce fut le moment où Napoléon décida de quitter l’île d’Elbe pour remettre les pieds en France et remonter triomphalement vers Paris, tout en réorganisant une armée. Les alliés s’empressèrent de réunir une coalition, commandée par le duc de Wellington. Le roi Louis XVIII fuit la capitale et vint se réfugier à Gand.

Le 14 juin, l’armée française passait la frontière du côté de Beaumont et s’emparait de Charleroi le 15 juin. Elle prit ensuite la direction de Bruxelles et gagna une bataille non décisive à Ligny le 16 juin contre les Prussiens de Blücher et les Autrichiens. La grande confrontation eut lieu le 18 juin à Waterloo. C’est là que la coalition, composée d’Anglais, d’Autrichiens, de Prussiens et de Belgo-Hollandais, mit en déroute l’armée française. On déplora 40.000 morts en une seule journée. Les Français survivants rentrèrent chez eux par Mons et Valenciennes, suivis des alliés.

La bataille de Waterloo

Le 20 juin, Napoléon était de retour à Paris. Il chercha encore à convaincre les Chambres de rassembler une nouvelle armée. Il ne rencontra qu’hostilité. Lorsque les alliés arrivèrent dans la capitale française le 6 juillet, il se rendit aux Anglais qui l’exilèrent dans l’île de Sainte-Hélène sous bonne garde. Il y mourut quelques années plus tard. On vit à nouveau passer par Quiévrain, en direction de la France, Louis XVIII de retour, le prince Frédéric de Prusse et le tsar de Russie, les vainqueurs. Les alliés au passage s’étaient emparés de Condé qu’ils ne rendirent qu’en 1818.

Un second Traité de Paris (20 novembre 1815) confirmait le retour des provinces belges au sein des Pays-Bas, en ce compris les cantons de Chimay, de Beaumont et de Dour.

Louis XVIII s’empressa d’appliquer des tarifs douaniers élevés afin que les produits belges (dont la houille et la pierre) ne concurrencent pas les produits français. L’économie boraine en souffrit beaucoup, d’autant plus que les années 1816 et 1817 allaient s’avérer mauvaises pour les récoltes.

Quelques points positifs à retenir de cette (courte) période hollandaise (1814-1830)

Guillaume d’Orange était un roi relativement moderne, conscient de l’importance du développement économique. Il chercha donc, en priorité, à relancer dans ses Pays-Bas l’économie et le commerce. La construction du canal Mons-Condé fut terminée en 1818, mais le transport était affecté par les réticences françaises du côté de Condé. On décida, en 1826, de contourner ce confluent en traçant un nouveau canal: Pommeroeul-Antoing pour relier le Borinage à l’Escaut et ainsi écouler les produits vers la Flandre, la Hollande et la Mer du Nord. En effet, entre-temps, l’Escaut avait été ré-ouvert.

Le roi Guillaume Ier

L’agriculture, l’exploitation du charbon et de la pierre, la métallurgie, les verreries et le textile vont également connaître sous Guillaume d’Orange, un développement tel qu’on pourra parler, chez nous aussi, de révolution industrielle, révolution déjà entamée en Grande-Bretagne depuis quelques décennies. Les mines vont se multiplier au Couchant et au Levant de Mons. C’est l’époque où Henri Degorge, l’exploitant du Grand-Hornu, fera construire la première cité ouvrière modèle belge, va faire aménager en 1830 la première ligne de chemin de fer belge (à traction chevaline) entre son site minier et le canal Mons-Condé dont il a acheté tout un quai à Saint-Ghislain.

La prospérité (en fait l’enrichissement d’une classe bourgeoise industrielle et commerçante) entraînera une augmentation significative de la démographie et une extension des villages et des hameaux jamais connue jusqu’ici, surtout à proximité des sites miniers.

Guillaume modernisa aussi l’enseignement, le rendant obligatoire dans les communes dès 1814. Ecoles primaires et collèges vont se multiplier. Un diplôme était désormais requis pour enseigner.

Il fit renforcer quelques fortifications. Les casemates de Mons datent de cette époque.

Les points négatifs du régime hollandais

Le roi Guillaume détenait, depuis 1814, les pouvoirs essentiels (selon une “loi fondamentale”). Les Etats Généraux n’avaient aucun pouvoir exécutif.

L’insertion des provinces belges dans le royaume hollandais impliqua une “hollandisation” de l’administration du pays. Les Belges (3 millions) étaient plus nombreux que les Néerlandais (1.900.000), mais n’obtinrent pas la proportionnalité dans les institutions. La langue officielle, dès 1822, devint le néerlandais, obligatoire pour tout fonctionnaire et tout officier. Hainaut devenait Henegouw et Mons, Bergen. Les chambres législatives siégeaient à La Haye. Les hauts postes de l’administration étaient occupés par des Hollandais.

De plus, les religions étaient différentes, catholique au sud et protestante au nord, la deuxième étant celle du pouvoir. Les moeurs des habitants n’étaient pas non plus semblables. Il fallait enfin compter avec les rancunes passées.

Le mécontentement se répandait dans la population belge. Nos élites étaient imprégnées des Lumières, des Droits de l’Homme, et ressentaient le besoin d’un pouvoir parlementaire réel et d’une liberté de presse et de parole.

La lutte pour l’indépendance

Les premières agitations apparurent dès juillet 1830. A Mons, on manifesta en août. A Bruxelles, le 25 août, la représentation de la “Muette de Portici” à la Monnaie, hymne du patriotisme napolitain face à l’agresseur espagnol, déclencha une émeute.

Dès le lendemain, la résistance s’organisait. Des milices bourgeoises furent mises sur pied, autant pour se défendre que pour faire cesser les pillages qui gagnaient tout le pays. A Bruxelles, on éleva des barricades autour du Parc et à proximité. On destitua les fonctionnaires royaux. Les autres villes suivirent le mouvement. On déploya des drapeaux noir-jaune-rouge à Mons et ailleurs. Les ouvriers borains menaçaient la bourgeoisie.

Les notables bruxellois envoyèrent une lettre à La Haye pour demander de faire des concessions. Le roi leur répondit en leur envoyant une armée commandée par son fils, le prince d’Orange. Celui-ci arriva devant Bruxelles le 1 septembre et se retrouva devant des barricades. On commença à négocier dans un contexte d’anarchie. Dans les villes, la population se révoltait contre les garnisons hollandaises, comme à Mons, le 19 septembre. Gendebien, Rouppe et Mérode y installèrent un club de révolutionnaires. Le même jour, un gouvernement provisoire vit le jour à l’Hôtel de Ville de Bruxelles. Il fit appel à des volontaires.

Le 23 septembre, le prince d’Orange, en échec dans ses négociations, fit entrer ses troupes dans Bruxelles. Elles s’avancèrent jusqu’au Parc sous les coups de feu des défenseurs. Gendebien revint à Mons demander des renforts. Des villages de toute la région partirent des groupes de volontaires en direction de la capitale. De Jemappes, de Boussu, de Wasmes, de Pâturages, de Baudour, de Quaregnon, de Dour, de Quiévrain et d’ailleurs. 250 à 300 hommes en tout. La désinformation fit croire aux Hollandais que 20.000 Borains s’approchaient. Les premiers arrivés furent ceux de Saint-Ghislain, le 26 septembre. La nuit suivante, les soldats hollandais se retirèrent de la capitale. Les autres Borains arrivèrent trop tard pour combattre, mais on les affecta à la garde de plusieurs bâtiments.

Les “Journées de Septembre” firent 445 morts du côté belge. Ils furent enterrés sur la Place des Martyrs à Bruxelles. A Mons, la garnison hollandaise quitta la ville le 29 septembre.

C’était l’anarchie dans tout le pays. L’exportation et la spéculation sur les grains de céréales provoquent une rareté de ceux-ci. Dans un contexte où le travail minier devient de plus en plus pénible, des mouvements d’ouvriers et des émeutes ont lieu à Charleroi et dans le Borinage. Des bandes armées se mirent à piller les meuniers, les fermiers et les magasins dans plusieurs villages, mais c’est au Grand-Hornu que l’événement fut le plus spectaculaire, où on pilla et endommagea la nouvelle voie ferrée, les ateliers et magasins, l’école et les maisons ouvrières, ainsi que la résidence du directeur Degorge. 

Le 4 octobre 1830, un gouvernement provisoire proclama “l’Indépendance de la Belgique“. On créa une Garde Civique pour rétablir l’ordre et défendre le territoire. Chaque commune organisa sa propre garde.

Le 3 novembre, eurent lieu les premières élections législatives. Le 10 novembre, siégeait le premier Congrès National, partagé entre royalistes et républicains. On vota pour une monarchie constitutionnelle représentative, sous un chef héréditaire.

Les Hollandais tentèrent un premier retour. On se battit à Louvain. Ils furent repoussés. Charles Royer de Dour y était, il y trouva la mort.

Le 7 février 1831, naissait la première Constitution Belge, créant deux assemblées (Chambre et Sénat), séparant l’Eglise et l’Etat, accordant aux neuf provinces des droits administratifs et augmentant les compétences communales.

Les grandes puissances eurent leur mot à dire. Le Français Talleyrand fut le plus tiède à accepter un Etat Belge. Ce dernier fut dépecé d’une partie du Limbourg, de la Flandre Zélandaise et du Luxembourg. Elles s’accordèrent à mettre sur le trône le prince Léopold de Saxe Cobourg Gotha, un allemand proche de la reine Victoria d’Angleterre. Il prêta serment le 21 juillet 1831.

24. La période française

ou la Révolution chez nous (1792-1814)

Le 24 avril 1792, une grande majorité de l’Assemblée française vota l’entrée en guerre contre l’Autriche et obligea son roi Louis XVI à contresigner. On le fit immédiatement savoir au général Beaulieu, commandant des troupes autrichiennes installées … à Mons.

Une première tentative, un échec

L’armée française, alors, n’était pas bien organisée, composée de volontaires mal préparés. Il est vrai qu’en face, c’est-à-dire chez nous, les troupes pour défendre de notre territoire n’étaient pas très nombreuses. Elles étaient commandées, entre autres, par le prince de Ligne et le comte de Clerfayt.

Charles Joseph de Ligne

Les Français croyaient que les Belges, ralliés aux « hautes idées révolutionnaires », allaient les accueillir à bras ouverts. Il est vrai que bon nombre de nos” compatriotes” (peut-être peut-on les appeler ainsi maintenant) étaient tentés par cette nouvelle idéologie démocratique (surtout du côté de Liège) et que 1500 Wallons étaient déjà partis rejoindre les rangs français à Lille. A Mons aussi, on dénombrait beaucoup de Jacobins (républicains antiroyalistes) et d’anticléricaux.

Une armée de 10.000 soldats français commandés par le général Biron fut stationnée à Famars, près de Valenciennes. Le 28 avril 1792, elle vint s’établir à Quiévrechain et Crespin. Le lendemain, elle délogeait une petite garnison autrichienne qui tenait la frontière à Quiévrain. Ils exhortèrent les Quiévrenois à l’indépendance et plantèrent un “Arbre de la Liberté”. Ils abattirent le pilori, symbole de la justice seigneuriale, démolirent les halles au passage, pillèrent le bureau du prévôt (l’intendant du duc d’Arenberg, seigneur du lieu) et obligèrent le curé à prêter serment.

Sûrs d’eux-mêmes, ces vaillants soldats prirent la direction de Mons, sur cette belle route pavée, récemment construite. Le 30 avril, le général Beaulieu les attendait autour de Mons avec 500 hommes “austro-wallons”. L’avant-garde se trouvait à Quaregnon et le reste se tenait sur les hauteurs de Jemappes. Les arrivants n’obtinrent pas, sur leur route, les acclamations auxquelles ils s’attendaient. On fit bivouac à Hornu, mais, la nuit, des coups de feu semèrent la panique dans les rangs français qui reculèrent en débandade vers la frontière, poursuivis par des uhlans autrichiens. Une mésaventure identique se déroula à Marquain près de Tournai. Les Autrichiens s’avancèrent même en France. Bavay fut investie le 15 mai et l’armée française connut une défaite près de Maubeuge, avant de repousser les assaillants sur leurs frontières à Goegnies-Chaussée.

Les mois suivants, eurent lieu quelques escarmouches insignifiantes. Le gouverneur des Pays-Bas, le duc de Saxe-Teschen, avait entretemps rassemblé 27.000 hommes, déployés sur la frontière depuis la mer du Nord jusqu’au Hainaut.

Le 6 juillet 1792, la Prusse se rangea du côté de l’Autriche et vint renforcer ses armées dans les Ardennes. Elles s’emparèrent de Longwy et repoussèrent les Français jusqu’à Metz et Verdun. On dut au général Dumouriez de les arrêter dans une bataille où Charles de Ligne, le fils aîné du prince déjà cité, fut tué. Le général Clerfayt avait aussi poussé jusqu’en Champagne.

Puis le sort s’inversa. Le 20 septembre 1792, Dumouriez battait les Prussiens à Valmy, alors qu’à Paris, la Convention, après avoir voté la déchéance de Louis XVI, proclamait la république. La guerre reprit de plus belle dans le nord en octobre.

La deuxième tentative, la bonne

Dumouriez rassembla son armée à Valenciennes. Son premier objectif était Mons. 40.000 hommes furent massés dans les plaines de Quarouble et d’Onnaing, dont une “Légion Belge”. Une autre armée se trouvait à Lille. Saxe-Teschen fit dépaver la chaussée de Mons-Quiévrain.

Le général Dumouriez

Le 24 octobre, les premières troupes pénétrèrent en Belgique par Blaton et Basècles. Elles furent repoussées. Mais Quiévrain était mal défendu et, le 28 octobre, Dumouriez poussa ses soldats vers Hensies, Pommeroeul et Montroeul-sur-Haine. La zone étant marécageuse, il les déplaça vers le sud. Les Belgo-Autrichiens du comte Sztaraj les retint à Baisieux. Entre Mons et la frontière, trois lignes de défense attendaient. La première se trouvait sur les hauteurs de Hainin et du Bois de Boussu, la seconde à Quaregnon et la troisième à Jemappes. Quelques échauffourées à Thulin et Hainin firent reculer momentanément les Français.

La bataille fut réellement engagée le 2 novembre entre Elouges et Thulin. Les assaillants dominèrent d’abord la situation, mais les uhlans autrichiens massacrèrent une grande partie de la “légion belge” incorporée dans les rangs français. On recula vers Quiévrain et Crespin. Le 4 novembre, l’avant-garde française et la “légion belge” reprenaient pied à Hensies, Montroeul, Thulin. Elles s’avançaient vers Hainin et Boussu. Les Autrichiens, abandonnant Saint-Ghislain, durent reculer sur Warquignies et Pâturages alors que des renforts français arrivaient de Bavay par Dour. Les assaillants avaient atteint Hornu. C’était la nuit. On bivouaqua. Dumouriez et son état-major dînèrent à l’Hôtel du Cerf à Boussu et installèrent leur QG à la ferme de la Court à Wasmes. Les habitants des villages occupés durent fournir les vivres aux soldats et aux chevaux. Les chariots furent réquisitionnés pour transporter les blessés à l’arrière. On enterra les morts dans les champs de Montroeul, Thulin et Hainin. Le château d’Hainin (propriété du comte de Clerfayt) avait été détruit.

Le général François Sébastien de Clerfayt

Le 6 novembre, on commença à se battre à Quaregnon, puis à Jemappes où les troupes autrichiennes furent contournées grâce à l’aide de Jemappiens convertis à la révolution. Victoire française de Dumouriez sur l’armée autrichienne commandée par Saxe-Teschen et Clerfayt.

Le lendemain, 7 novembre, Dumouriez entrait à Mons, reçu par le clan républicain qui lui remit les clés de la ville. Il y résida cinq jours. Il n’avait plus ni argent, ni vivres, ni ravitaillement pour ses troupes et laissa celles-ci “se servir” chez la population locale.

Les Autrichiens, découragés, quittèrent le sol belge, abandonnant l’ensemble de leurs Pays-Bas au nouvel envahisseur et aux républicains locaux. Mais si Dumouriez tenta bien de se concilier les Belges, il n’en fut pas de même de la Convention de Paris qui imposa un régime de vainqueur.

Première occupation

La France s’empressa de proclamer la déchéance impériale, l’annexion des Pays-Bas autrichiens, la suppression des Etats Provinciaux, des institutions et des privilèges, et l’abolition des Ordres. Elle commença à installer une administration. Des églises furent profanées (notamment le fameux Jubé de Dubreucq à Sainte-Waudru) et les biens des ecclésiastiques furent pillés. L’église Saint-Germain de Mons fut rasée et l’église Sainte-Elisabeth devint un” Temple de la Raison”. Les châteaux furent délestés de leurs oeuvres d’art au profit des palais et des musées français. Les arrestations furent multiples et arbitraires, les exactions nombreuses. De lourdes contributions furent imposées aux habitants.

On eut beau envoyer des émissaires à Paris pour présenter des doléances. Ils ne furent pas reçus. Par contre, Danton vint à Mons féliciter les Jacobins locaux en 1793. Il faut dire qu’à Paris, la guillotine commençait à fonctionner à l’envi. Le roi et sa famille y passèrent en janvier 1793. La Terreur s’installait avec le Tribunal Révolutionnaire (mars 1793) et le Comité de Salut Public (avril 1793). Les soldats français, mal payés et démoralisés désertaient. Dumouriez avait même changé de camp.

Une tentative de restauration autrichienne

Autrichiens et Prussiens rassemblèrent une forte armée à laquelle se joignirent des troupes belges. Dès mars 1793, celles-ci affrontèrent victorieusement les troupes françaises rencontrées à l’est, notamment à Neerwinden. Elles atteignirent Mons le 27 avril, où on vit même l’empereur qui les suivait. Une armée française stationnée à Boussu fut mise en déroute le 28 avril. Les Français se retirèrent à Condé et à Valenciennes. Le prince de Saxe, commandant en chef des armées alliées, s’installa au château de Boussu. Tous ces mouvements de troupes s’accompagnèrent naturellement de pillages auprès des populations.

On s’empressa de remettre en place les anciennes institutions, alors que le prince de Saxe s’emparait de Condé, Valenciennes, Le Quesnoy, Bavay et Maubeuge. L’ancien comté de Hainaut était reconstitué!

Cependant, malgré le retrait des réformes de Joseph II, les Belges étaient mûrs pour l’indépendance, qu’ils réclamèrent, tout en refusant de voter les nouveaux impôts de guerre. L’empereur François II, pour les amadouer, vint même se faire introniser à Bruxelles en avril 1794 “souverain des Pays-Bas indépendants”.

A Paris, la Terreur régnait. En juillet, Robespierre et la Commune prenaient l’ascendant sur Danton et les “modérés”. On réorganisait l’armée: 750.000 hommes! Toute l’économie du pays était tournée vers la guerre. Malgré les protestations, les émeutes et les guerres de Vendée. Les “jusqu’au-boutistes” révolutionnaires avaient le pouvoir. L’armée commençait de nouveau à remporter des succès à l’est contre les Austro-Prussiens.

Deuxième occupation sous le Directoire

Juin 1794. Le général Jourdan, à la tête d’une forte armée française, pénétrait par la Sambre, prenait Lobbes, Mariemont, puis Charleroi avant de l’emporter définitivement sur les Autrichiens à Fleurus le 25 juin. Mons était reprise le 1 juillet. Le reste du pays suivit en quelques jours, ainsi que les villes françaises du Nord conquises l’année précédente. La moitié du village d’Harvengt avait été incendiée. Peissant et d’autres villages avaient été saccagés. Mariemont avait été bombardée, puis pillée.

Recommencèrent le pillage organisé, les réquisitions de vivres, de chevaux, de charriots, de fourrages, les confiscations, les vexations, les tortures et les massacres. Les religieux, étaient des victimes particulièrement ciblées. Les impôts furent rétablis, six fois plus lourds que ceux des Autrichiens. Le pays était ruiné.

C’est ce pays que la Convention de Paris annexa le 1 août 1795. Etaient regroupés en un seul état les Pays-Bas autrichiens, la principauté de Liège, Stavelot et Malmédy, ainsi que le duché de Bouillon. A Paris les “ultra” (Robespierre, Saint-Just, les Communards) étaient éliminés.

Un arrêté du Comité de Salut Public du 14 Fructidor, an III (31 août 1795) supprima à nouveau les anciennes institutions, les ordres, les corporations, les droits féodaux et l’autonomie des provinces. Le territoire nouvellement annexé était divisé en neuf départements dirigés par un préfet. Le Hainaut, auquel on avait ajouté le Tournaisis, Charleroi, Fleurus, Thuin, Châtelet et Gosselies, devenait le département de “Jemmappes”. Il était divisé en trois arrondissements ou districts (Mons, Tournai, Charleroi). Les communes devenaient des municipalités, gérées par un maire et des adjoints.

Un décret du 14 Brumaire de l’an IV (8 novembre 1795) abolit le régime seigneurial des justices et des dîmes. Les grands domaines seigneuriaux furent démantelés. Leurs propriétaires en conservèrent certaines parties sans, toutefois, les droits féodaux qui leur étaient associés. Le prince de Ligne, grand propriétaire au nord de la Haine, se réfugia à Vienne où il mourut. Il s’y était consacré à l’écriture. On doit à son fils d’avoir récupéré plus tard le château et ses propriétés forestières.

A Paris, la Convention et le Comité de Salut Public furent remplacés le 26 septembre 1795 par le Directoire et un Conseil des Cinq-Cents.

Les Français réformèrent, chez eux et chez nous, la justice et le système fiscal, pour que l’impôt soit équitablement réparti. Par le décret du 2 Frimaire an IV (23 novembre 1795), furent instaurés les cantons judiciaires avec les tribunaux de justice de paix (correctionnelle). Thulin devint le chef-lieu d’un canton de 28 communes comprenant Boussu et Dour, avec son tribunal et sa gendarmerie. Quiévrain en était un autre, ainsi que Mons et Binche.

Les ordres religieux furent supprimés le 1 septembre 1796 et , avec eux, les chapitres épiscopaux et abbatiaux. Disparurent Sainte-Waudru, Saint-Ghislain, Crespin, Saint-Denis-en-Broqueroie, Bélian à Mesvin, Leuze, Maubeuge, … Les églises des couvents furent transformées en casernes ou en dépôts. La plupart des biens de ces institutions furent vendus en quelques années comme biens publics, en général à de riches bourgeois, des entrepreneurs et des commerçants. Des églises étaient transformées en “temples de la raison” où des délégués de la République venaient tenir des discours enflammés, pro-républicains et antireligieux. Le citoyen Guérin de Boussu excellait dans cette activité, … et s’enrichissait de la vente des biens religieux. Les curés et les moines avaient fui ou avaient été expulsés. D’autres plus courageux continuaient à pratiquer leur culte en cachette.

Moneuse (par Claude Renard)

Ce furent des années de misère (1794-1798). Les récoltes étaient maigres. La famine régnait. Le commerce était réduit. L’exploitation houillère était en plein marasme. Mons était délabrée. Les campagnes et les villes vivaient dans l’insécurité. C’est durant ces années que le bandit Moneuse et sa bande de “chauffeurs du Nord” écumèrent la région. Des soulèvements, çà et là, étaient durement réprimés.

La situation n’était pas meilleure de l’autre côté de la frontière. Les royalistes résistaient. Et il fallait intensifier les guerres extérieures, à la fois contre la menace autrichienne et anglaise, mais aussi pour exporter la révolution. Le 5 septembre 1797, le Directoire instaura la conscription, soit l’obligation du service militaire. Cette mesure arriva chez nous dès 1798. Si la vie de soldat intéressait une partie de la jeunesse (nous eûmes nos héros dans les armées napoléoniennes!), ce ne fut pas le cas de tous. Soit ils avaient horreur de la guerre, soit ils se voyaient obligés de travailler aux champs pour nourrir leur famille. Il y eut donc beaucoup de désertions, d’où des poursuites, des battues, des mises sous séquestre des biens familiaux. Des révoltes eurent lieu à Hasselt, Tournai, Leuze, Ath et Enghien.

Entretemps, le traité de Leoben (18 avril 1797) officialisa le passage des Pays-Bas de l’Autriche à la France, passage confirmé par le Traité de Campoformio le 17 octobre de la même année. Un certain Napoléon Bonaparte, devenu général et très intéressé par le pouvoir, devenait fort influent auprès du Directoire. Il se lançait dans des guerres de conquête (Nord de l’Italie en 1796 et 1797, Egypte en 1798, Sud de l’Italie en 1799).

Occupation sous le Consulat et l’Empire

Le 18 Brumaire de l’an VII (9 novembre 1799), un coup d’Etat à Paris remplaça le Directoire par un consulat composé de trois hommes, dont un premier consul, Bonaparte lui-même. Il détenait l’exécutif.

Napoléon Ier empereur (par Ingre)

Au contraire des jusqu’au-boutistes révolutionnaires, Napoléon s’avéra un despote éclairé. Il chercha d’abord la réconciliation en rendant sa liberté au culte religieux, en décrétant des amnisties, en réformant la monnaie, la fiscalité, l’administration, la police, la justice et le droit (différents codes, civil, criminel, commercial et pénal virent le jour entre 1804 et 1810). En réalité ces réformes faisaient la part belle aux notables et aux bourgeois.

La situation se calma partout en France et dans les territoires conquis. Les autorités favorisèrent une reprise de l’économie, de l’agriculture, de l’industrie, de l’exploitation houillère, du commerce (vers la France) et du transport. Napoléon décida, en 1807, la construction du canal Mons-Condé, pour remplacer la navigation insuffisante de la Haine. On le vit, passant par Quiévrain, venir inspecter l’avancement des travaux à Hensies, Saint-Ghislain et Mons, en 1810 et 1813. Ce canal sera terminé sous le régime hollandais.

Si les trois ordres avaient disparu (et avec eux les privilèges de l’aristocratie et du clergé), deux sociétés se mettaient en place, celles des riches (aristocrates et bourgeois) et celle des pauvres (peuple ouvrier), qui allaient s’opposer au siècle suivant.

En juillet 1801, Napoléon s’accorda avec le pape Pie VII pour signer un “Concordat” qui réorganisait l’Eglise, les diocèses et le clergé. L’Eglise devenait soumise à l’Etat, mais le culte catholique était restauré partout et les prêtres proscrits réinsérés. C’est alors que les paroisses du Hainaut (département de Jemappes) quittèrent le diocèse de Cambrai et passèrent dans celui de Tournai. Les doyennés de Boussu et Dour remplacèrent celui de Bavay.

Une nouvelle réforme judiciaire répartit autrement les cantons en 1801. Le siège de Thulin fut transféré à Boussu et Dour devint, lui aussi, chef-lieu d’un canton. En fait, cette réorganisation aboutit à la situation qui est toujours d’actualité.

La poursuite des guerres et le maintien de la conscription continuaient à mécontenter le peuple. Cela coûtait très cher à la population. Napoléon avançait à l’est aux dépens de l’Autriche (en Italie, 1800 et 1805). Entretemps, il proclama “l‘Empire” le 18 mai 1804. Il alla battre les Prusses (1806-1807), envahit l’Espagne et le Portugal (1808), puis se lança à la conquête de l’Autriche elle-même (1809-1810), et enfin de la Russie (1812).

Le déclin napoléonien

Le projet était trop ambitieux. Napoléon dut reculer, dès 1813, poursuivi par les Cosaques et les Prussiens. Il rentra en France. Ses armées quittèrent le sol belge au début de 1814. Les Cosaques étaient à Mons le 6 février 1814. L’Etat-Major allié, commandé par le duc de Saxe-Weimar, s’installa à Mons. Les armées alliées, comme de coutume, se servirent chez l’habitant pour trouver vivres, fourrages, chevaux et chariots. Elles continuèrent, prirent Maubeuge, les villes du Nord, et se lancèrent vers Paris qu’elles atteignirent le 31 mars 1814. Une semaine plus tard, Napoléon abdiquait. On l’envoya en exil (non gardé) dans l’île d’Elbe. Les Français restaurèrent la royauté et mirent Louis XVIII (1814-1824) sur le trône.

23. Sous les Autrichiens

Le XVIIIème siècle sous autorité autrichienne

La fin de la période précédente, conclue par le Traité d’Utrecht de 1713, signe le passage de nos régions sous souveraineté autrichienne. Les Pays-Bas, dits “autrichiens”, n’appartenaient pas à l’empire, mais ils étaient la propriété personnelle des archiducs d’Autriche, qui étaient aussi empereurs de Germanie. Ces personnages vont se montrer plutôt bienveillants à notre égard. Provinces et communes retrouvèrent leurs prérogatives et certaines de leurs libertés. Les pouvoirs étaient partagés entre les trois Ordres, où la bourgeoisie (Tiers-Etat) était majoritaire, mais devait s’incliner devant les deux autres (noblesse et clergé), puisque l’on votait par ordre (deux contre un).

Au nom de l’empereur Charles VI (1711-1740), le premier gouverneur, le prince Eugène de Savoie, en guerre contre les Turcs à l’est, fut remplacé par un ministre plénipotentiaire, le marquis de Prié, qui imposa d’abord de lourds impôts (pour entretenir les garnisons hollandaises) et des taxes sur le commerce des vivres (blé, sel, vin, bière, …).

Jean-Philippe Eugène de Mérode

D’où des heurts avec la noblesse, particulièrement de la part du prince Claude-Lamoral II de Ligne (celui qui fit construire l’actuel château de Beloeil et aménager son parc) et le comte Jean Philippe Eugène de Mérode (aussi seigneur de Harchies et de Grandglise). Quelques insurrections suffirent à le faire rappeler à Vienne.

Puis la prospérité reprit, favorisée par la paix. La nouvelle gouvernante, Marie-Elisabeth de Habsbourg, soeur de l’empereur, relança le commerce, notamment maritime, en fondant la “Compagnie d’Ostende” (Anvers était toujours bloqué par les Hollandais) et des comptoirs maritimes en Inde et en Chine. L’agriculture retrouvait sa vigueur d’antan, de même l’industrie linière.

Charles VI décédé, ce fut sa fille, Marie-Thérèse de Habsbourg, qui lui succéda. Une femme, me direz-vous! Charles VI l’avait prévu en rédigeant la “Pragmatique Sanction” de 1725, mais ce n’était pas du goût de certains et, comme d’habitude, du roi de France, mais aussi de l’Espagne, de la Prusse et de la Pologne. Marie-Thérèse avait, par contre, le soutien des Anglais et des Hollandais.

La Guerre de Succession d’Autriche (1741-1748)
Louis XV (par Quentin de la Tour)

Cela valait bien une guerre! Que déclara le roi Louis XV en 1741. Les Français s’attaquèrent d’abord aux villes flamandes (Menin, Ypres, Furnes) et emportèrent une belle victoire en 1745 à Fontenoy, près d’Antoing. Ils continuèrent sur leur lancée, occupant dès 1746 les villages frontières où ils installèrent des campements (comme à Angre et à Quiévrain), puis ils investirent les cités fortifiées (Saint-Ghislain, Mons, Ath, Tournai, Binche, Charleroi, …) aux dépens de garnisons hollandaises peu motivées. On mentionne à nouveau des exactions et des destructions, comme à Audregnies (destruction du château) et à Boussoit (pillages et incendie du village). La même année, Bruxelles se rendait au maréchal Maurice de Saxe, le vainqueur de Fontenoy, qui remportait une victoire importante à Rocourt.

Les Pays-Bas étaient à nouveau occupés. Les Français placèrent des garnisons aux frontières, comme à Quiévrain (pour surveiller le passage des pièces d’artillerie), et dans les bourgs. La population devait les loger et les nourrir. En Hainaut, l’intendant, le comte de Lucé, leva des impôts considérables, tout en réquisitionnant pour ses troupes des vivres, des chevaux, des métaux (les cloches des églises!). Il fit démanteler les fortifications de Mons, de Saint-Ghislain et de Charleroi, inutiles défenses.

Pensant rester longtemps chez nous, les Français tentèrent d’éviter au maximum les exactions pour pouvoir maintenir une agriculture et une exploitation houillère rentables (la France avait besoin de charbon!). D’ailleurs, pour pouvoir améliorer les exportations, alors que le transport par la Haine était limité, ils pensèrent doubler celle-ci par un canal. Le projet n’aboutira que beaucoup plus tard.

Si la France était victorieuse chez nous, il n’en était pas de même sous d’autres cieux (en Italie, contre les Impériaux, et surtout dans les colonies, contre les Anglais). Ruinée, elle fut obligée de signer le Traité d’Aix-la-Chapelle en juin 1748 et de restituer ses prises, dont les Pays-Bas autrichiens. Il n’y eut pas de gros changements dans les frontières.

Le règne de Marie-Thérèse d’Autriche (1740-1780)

Après ces guerres du XVIIème et du XVIIIème, le Hainaut se releva. C’était toujours un état conservateur où noblesse et clergé restaient attachés à leurs privilèges féodaux. La bourgeoisie montoise s’était accaparé le pouvoir politique dans la ville, dans les Etats (parlement où étaient regroupés les trois ordres) et la députation permanente; c’était cependant une bourgeoisie conservatrice et corporatrice.

Marie-Thérèse d’Autriche

L’impératrice agit en  « despote éclairée ». Elle tenta à nouveau de centraliser le pouvoir dans ses Pays-Bas. Elle créa une chancellerie où ne figuraient que peu de “Belges” et qui dépendait directement d’elle, laissant aux Etats Provinciaux la direction des affaires locales et courantes. Des juristes, des magistrats et des financiers remplaçaient les nobles aux postes importants, ce qui eut pour conséquence une amélioration financière des caisses de l’Etat. Elle était bien secondée, à Bruxelles, par son beau-frère, Charles de Lorraine, nommé gouverneur. Celui-ci s’entoura de conseillers, et surtout de généraux, dont certains étaient issus de la noblesse hennuyère: le prince Charles-Joseph-Lamoral de Ligne, le prince Léopold Philippe d’Arenberg (aussi seigneur d’Enghien, de Quiévrain et de Quévy) et son fils Charles-Philippe, le marquis Maximilien de Trazegnies et le comte François Sébastien de Clerfayt (aussi seigneur d’Onnezies, de Hainin, d’Angreau et d’Autreppe).

Léopold Philippe d’Arenberg

L’économie fut stimulée par une régulation des tarifs douaniers et par la création de chambres de commerce. Marie-Thérèse d’Autriche favorisa aussi l’agriculture et l’implantation de manufactures. Pour améliorer le transport (céréales, houille, pierres, bois, …) et la circulation par diligences, elle fit construire de nouvelles routes ou aménager les anciens axes importants, en les faisant paver. Ce fut le cas entre Bruxelles et Mons, entre Mons et Quiévrain, Ath et Binche. Aux frais des Etats de Brabant et de Hainaut.

La campagne recommençait à prospérer. La population s’accrut. Il n’y eut plus de disette avant la fin du siècle. Mais ceux qui en profitèrent le plus étaient les gros exploitants agricoles, et non les petits fermiers qui tentaient de survivre dans un régime toujours profondément féodal. Alors que l’Angleterre, dans la seconde partie du siècle, entrait dans la révolution industrielle, chez nous, les riches (bourgeois ou aristocrates) continuaient à investir dans la terre et non dans des entreprises.

On se contentait d’engranger les bénéfices de l’exploitation du charbon. Celui-ci était de plus en plus utilisé pour le chauffage domestique (après les grands défrichements, le bois se faisait plus rare) et les petites entreprises locales (brasseries, blanchisseries, teintureries, forges, …). Quelques exploitants, pour répondre à la demande (locale et étrangère), commencèrent, dans la seconde partie du siècle, à améliorer l’outil.

Machine à feu de Newcomen

On vit ainsi apparaître l’usage de la “machine à feu de Newcomen”, pompe qui permettait de vider les puits inondés (exhaure) et donc de creuser plus profond dans les veines. La première de ces machines à feu semble être apparue à Pâturages en 1735. Boussu suivit en 1745, puis d’autres dans la seconde moitié du siècle.

On défrichait de plus en plus le versant sud de la vallée de la Haine au Couchant de Mons. On compta 140 puits dans le Borinage en 1740. La remontée du charbon se faisait encore à dos d’hommes ou par la traction de paniers par des chevaux. Ensuite, pour l’exportation, il fallait amener la houille par chariots vers la Haine. On commença à paver quelques chemins, jusque-là peu praticables en saison humide. Ainsi d’Elouges à Pommeroeul par Thulin (1780). Egalement de Warquignies, par Hornu, vers Saint-Ghislain.

La métallurgie n’a jamais trouvé sa place dans le Borinage, comme elle le fit à Charleroi et à Liège, ou dans le Centre plus tard. Mais la verrerie se développa, à Ghlin notamment.

L’impératrice favorisa aussi l’enseignement (surtout pour les classes dirigeantes) dont elle enleva le monopole au clergé. Elle supprima même l’Ordre des Jésuites en 1773. Le collège de Mons disparut l’année suivante.

A la Cour de Bruxelles, dans les châteaux (Enghien, Chimay, Beaumont, Le Roeulx, Havré et Beloeil), dans les chapitres (Mons, Maubeuge) et les abbayes, une vie culturelle brillante régnait, comme dans la France voisine, à côté de fêtes somptueuses. Quelques nouvelles idées philosophiques du courant des Lumières s’y introduisaient, du moment qu’elles ne dérangeaient pas trop ces esprits conservateurs. Les Croÿ, les Ligne, les Mérode et les Arenberg faisaient partie des grandes familles européennes et fréquentaient toutes les cours. Ils accumulaient les titres, les charges politiques et militaires, et les honneurs. La haute bourgeoisie essayait de les imiter.

La Guerre de Sept Ans (1756-1763) entre Français et Anglais (dans leurs colonies), qui ne nous concerna pas, rapprocha les Français des Autrichiens. On maria même le futur Louis XVI et la fille de Marie-Thérèse (la Marie-Antoinette qui sera honnie par les révolutionnaires).

Deux Traités des Limites (1769 et 1779) vont rectifier la frontière franco-belge en certains endroits. Juste quelques réajustements, comme à Quiévrechain et à Marchipont où l’Aunelle sépara les deux pays, laissant une partie de ces deux villages aux Pays-Bas (le Petit-Baisieux et son château, Marchipont “belge”).

Charles de Lorraine

De l’autre côté de la frontière, Valenciennes devint en 1716 le chef-lieu de l’intendance du Hainaut à laquelle étaient rattachés Condé, Douai, Cambrai et Bouchain. Pendant ce siècle de paix relative, le commerce et l’artisanat (toiles fines, dentelle, porcelaine) reprirent des couleurs. On commençait à exploiter le charbon à Fresnes (1718), Anzin (1734), Raismes et Condé. La “Compagnie des Mines d’Anzin”, première véritable société houillère, vit le jour en 1757.

Mons semble avoir joui de plus de prospérité durant ce siècle, grâce au commerce (textile, céréales, produits alimentaires, houille). L’orfèvrerie y trouva son âge d’or. Charles de Lorraine améliora encore les fortifications. Sa soeur, Anne-Charlotte, était devenue mère-abbesse du chapitre Sainte-Waudru, où elle entretenait une vie culturelle intense. Elle créa en 1764 une “manufacture royale de la dentelle”.

Sous l’austère Joseph II (1780-1790)

C’était un personnage intelligent, le “despote éclairé” par excellence, un travailleur acharné, mais un homme froid, dur et orgueilleux, qui voulait créer un Etat parfait pour le plus grand bien de tous. Il voulait le faire seul, sans l’avis des institutions en place. Il s’intéressa d’ailleurs de près à « ses Pays-Bas » qu’il vint visiter, incognito, ville après ville, en 1781 pendant six semaines. Il passa à Mons et à Quiévrain. Il fit du pays un constat accablant: administration périmée, villes livrées aux corporations et à leurs privilèges, villes paupérisées, fortes inégalité sociales, absence d’investissements financiers dans l’industrie (au moment où l’Angleterre réussissait sa révolution industrielle), clergé sclérosé.

Joseph II

Jugeant les garnisons hollandaises trop coûteuses, il les renvoya chez elles. Puisqu’on était allié aux voisins français, il démantela les places fortes. Il ne réussit pas à lever le blocus de l’Escaut. Et c’est par ses réformes intérieures et son traitement des vieilles coutumes qu’il se mit tout le monde à dos. Jugeant inefficaces les ordres contemplatifs, il supprima une centaine de couvents, ne laissant que ceux qui se livraient à l’enseignement et aux soins pour malades et indigents. Il institua le mariage civil (jusque-là, seul existait le mariage religieux). Il règlementa les paroisses, les pèlerinages et les processions. Il supprima tous les séminaires, n’en conservant que deux (Louvain, Luxembourg). Il interdit de se faire enterrer dans les villes et autour des églises. Désormais, les cimetières retourneraient hors des agglomérations. Il décréta un édit de tolérance pour le culte protestant en 1781 et autorisa que des réformés soient acceptés dans les écoles et les administrations. Par souci d’économie, il réduisit le nombre de kermesses et de fêtes.

Il réforma les cours de justice. Le Hainaut aurait désormais six tribunaux de première instance, deux cours d’appel et un conseil souverain de justice. Il instaura à Bruxelles un Conseil Général de Gouvernement ayant sous ses ordres un intendant par province. Les Etats Provinciaux étaient démantelés.

Il dérangeait ainsi toutes les couches de la population: noblesse, clergé, bourgeoisie et le petit peuple. La colère grondait et des manifestations d’opposition apparurent. A Mons, la ducasse de la Trinité devint l’occasion (interdite) d’arborer les couleurs du Hainaut et du Brabant (rouge, jaune, noir) sur les bannières et les cocardes. La répression fut brutale. Le comte Louis Pierre d’Arenberg, grand bailli du Hainaut, fut destitué. Dans la foulée, Joseph II réduisit le pouvoir des corporations urbaines et les privilèges de la noblesse.

Jean-François Gendebien

En fait, il était en avance sur son temps, ce que ne comprirent pas ses sujets des Pays-Bas. De nouvelles idées arrivaient de France et des Etats-Unis, depuis peu indépendants, mais elles ne faisaient leur chemin que chez une minorité d’intellectuels. Ceux-ci se regroupèrent autour de Jean-François Vonck (parmi eux un montois, Jean-François Gendebien). La majorité des autres, profondément attachés à leurs privilèges, se groupèrent autour d’Henri van der Noot. Deux blocs très différents mais qui, dans un premier temps se liguèrent face à “l’oppresseur”. Les bourgeois des villes et les paysans prirent les armes et établirent des barricades. Un groupe de 800 Montois monta à Bruxelles. Apeurée, la gouvernante Marie-Christine suspendit les édits impériaux, mais Joseph II la désavoua et la remplaça. On était en 1787.

Deux ans plus tard, la France commençait sa Révolution. Au même moment, chez nous, les Etats Provinciaux refusèrent de voter de nouveaux impôts. Tirlemont se rebella, suivie de Mons, de Tournai et d’autres villes. Les milices autrichiennes employèrent la force brutale. Les Belges constituèrent, en Hollande, une armée qui déferla sur le pays, s’emparant de plusieurs villes.

Alors que la France abolissait les droits féodaux (août 1789), adoptait la “Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen” (août 1789), qu’elle se mettait à écrire une nouvelle constitution pour instaurer une monarchie parlementaire, que le roi commençait à être menacé et qu’on commençait à vendre les biens du clergé pour payer la dette publique, à Mons, le 21 décembre 1789, les Etats de Hainaut proclamaient la déchéance de l’empereur et la liberté de la Nation. Van der Noot faisait de même à Bruxelles et Vonck déclenchait une offensive en Flandre où des soldats autrichiens furent massacrés, à Gand et à Bruges.

Pourtant interdits, les Etats Généraux se réunirent et proclamèrent la “Constitution des Etats Belgiques Unis” en janvier 1790. En fait, il s’agissait d’une restauration des privilèges du passé.

C’est dans ce contexte que Joseph II mourut en 1790, remplacé par son frère Léopold II (1790-1792).

Les derniers soubresauts des Pays-Bas Autrichiens
L’empereur Léopold II

Plus faible que son frère, Léopold II chercha à composer avec les Belges et leur laissa plus de liberté à se gouverner. Mais les Belges restaient divisés entre progressistes et conservateurs. Ainsi à Mons, Gendebien et la bourgeoisie (les « vonckistes”) s’opposaient au clergé et à la noblesse. Van der Noot déclencha une insurrection qui se heurta au pouvoir autrichien et dut fuir. La “République Belgique Unie” avait vécu.

En France, le rouleau compresseur révolutionnaire continuait à écraser l’Ancien Régime. On supprima les ordres religieux, on fit des prêtres des fonctionnaires salariés par l’Etat, prêtant serment à celui-ci, sans l’avis du pape et des évêques. Les prêtres réfractaires et les aristocrates fuyaient, en grande partie chez nous, où l’empereur Léopold II se voyait dans l’obligation d’abolir tous les édits de son frère en matière de religion. Il rétablit les coutumes et les privilèges anciens. Des émissaires français, pendant ce temps, venaient informer les populations belges des bienfaits de leur Révolution.

Juin 1791 vit en France l’arrestation du roi qui avait tenté de fuir, une montée en puissance des anti-monarchistes au détriment des royalistes et une montée en puissance des démocrates révolutionnaires : les Danton, Robespierre, Marat… Les pouvoirs du roi étaient très amputés face à l’Assemblée législative élue le 1 octobre. Les puissances européennes étaient inquiètes ; à Paris, certains étaient partisans d’une guerre pour exporter les idées révolutionnaires. On réclamait la reddition des aristocrates exilés aux Pays-Bas, et surtout à Vienne. D’autant qu’on savait qu’ils mettaient sur pied une armée de reconquête avec l’aide des Autrichiens.

Léopold II mourut le 1 mars 1792, laissant le trône impérial à son frère, François II, personnage falot, non préparé au pouvoir.

C’est le moment que choisit la France pour déclarer la guerre à l’Autriche, le 20 avril. Et, dans la tradition des mauvaises habitudes françaises, quand on déclarait la guerre, à l’Espagne autrefois, ou à l’Autriche maintenant, on s’en prenait à nos contrées…

22. Les guerres de Louis XIV

Un XVIIème siècle de guerres éprouvantes

Le Hainaut avait pu se développer économiquement et socialement pendant une très longue période de paix relative, depuis la fin des invasions vikings jusqu’au XVème siècle. Même la Guerre de Cent Ans n’avait concerné que nos comtes et seigneurs qui allèrent se battre sur des champs de bataille éloignés, alors que villes et campagnes hennuyères pouvaient continuer, peut-être en moindre mesure, à produire et à nourrir leur population.

Les velléités des rois français Louis XI (de 1475 à 1478) et Henri II (de 1552 à 1554), en réaction, il est vrai, aux politiques de Charles le Téméraire pour l’un et de Charles-Quint pour l’autre, ont fait que fermes, chaumières, récoltes et châteaux ont alors réellement souffert en nos contrées.

Aux aléas politiques se sont ajoutées les discordes religieuses et leurs intransigeances. Les Hennuyers, comme les habitants d’autres régions, ont payé un lourd tribut durant la seconde moitié du XVIème siècle. Mais, plus encore, les visées expansionnistes de quelques rois de France aux XVIème et XVIIème siècles vont mettre à genoux villes et villages de notre vallée.

Sous le gouvernorat des archiducs

La situation s’était pourtant bien rétablie dès la fin du XVIème siècle. Après qu’en soit chassé le calvinisme des villes, la paix était revenue dans les provinces du sud des Pays-Bas, restées catholiques et fidèles au roi d’Espagne. Le nouveau gouverneur, l’archiduc Albert d’Autriche, et son épouse, Isabelle, fille du roi Philippe II d’Espagne, firent tout ce qui était en leur pouvoir pour relancer l’économie, tout en continuant la lutte pour récupérer les provinces sécessionnistes du nord. Deux Habsbourg aux commandes! Philippe II était prêt à leur donner la souveraineté complète des Pays-Bas, à eux et à leurs descendants, s’ils en avaient. Mais ils n’en eurent pas…

On put, à cette période, constater une reprise de l’activité agricole dans les campagnes, suffisante pour nourrir habitants des villages et citadins. Les seigneurs ruraux, laïcs et ecclésiastiques, tous propriétaires fonciers, retrouvèrent leur importance. C’est l’époque où l’on commença à construire de grosses fermes en matériaux durs (pierres, briques).

L’exploitation de la houille continua à se développer. On compta 120 puits au Couchant de Mons. Il fallait alimenter, outre les foyers et les forges, l’industrie du verre qui prit de l’essor dans la seconde moitié du siècle. A Mons, on fonda, en 1676, la “Compagnie des Marchands de Charbon”.

Les villes ne parvinrent  cependant pas à retrouver leur vitalité d’antan, par manque de main-d’oeuvre (les meilleurs artisans et commerçants, protestants, étaient partis durant les guerres de religion) et par manque de débouchés (les provinces du nord bloquaient la circulation sur l’Escaut et tenaient Ostende). Les bourgeois étaient grevés d’impôts destinés à l’entretien des défenses et garnisons de leurs villes. La draperie de laine ne retrouva jamais sa prospérité d’avant. La fabrication de toiles s’imposa (Ath, Valenciennes).

Noblesse et clergé, par leur alliance (ils détenaient deux voix sur trois aux Etats de Hainaut) pouvaient tenir tête aux bourgeois (le Tiers Etat). De plus, nombre d’aristocrates hennuyers étaient toujours appelés à servir militairement et à occuper des postes politiques importants, ce dont ils étaient  récompensés par l’Ordre de la Toison d’Or. Ainsi en allait-il des de Croÿ, des Hénin-Liétard, des Ligne et des Arenberg.

La situation économique s’améliora un peu grâce à des trêves signées entre belligérants du nord et du sud (1607-1621). Ostende fut libérée. Albert en profita pour réaliser de nombreuses réformes du droit et des finances. Il mourut en 1621. Son épouse Isabelle continua son oeuvre, mais elle dut bientôt  reprendre la guerre contre les sécessionnistes du nord.

Albert-Henri de Ligne

Les affrontements avaient lieu là-bas, mais il arriva que des troupes des Provinces-Unies s’aventurent jusqu’en Hainaut, ce dont Binche et les villages alentour (dont Carnières) eurent à souffrir en 1622. Isabelle avait de la peine à les contenir. Le roi Philippe IV nomma Pierre Roose à la tête du Conseil Privé (gouvernement). Mais ce personnage indisposa les nobles au point qu’un complot fut ourdi en 1634 où l’on retrouvait quelques seigneurs hennuyers: Philippe d’Arenberg (seigneur de Quiévrain et d’Enghien) et le prince Albert-Henri de Ligne (seigneur de Beloeil et de nombreux villages de la Haine). La tentative  échoua. Arenberg mourut en prison. Pendant ce temps, la soldatesque mercenaire se livrait aux pillages dans certaines régions, comme du côté de Binche, d’Estinnes et de Morlanwelz en 1635.

Chapelle St Macaire

Il fallait aussi compter avec les mauvaises saisons et les maigres récoltes qui en résultaient, mais surtout avec les épidémies. Mons et Cuesmes furent particulièrement touchées par l’une d’entre elles en 1615. On chercha à s’en débarrasser en allant chercher à Gand les reliques de Saint-Macaire qu’on promena en procession de Saint-Denis à Mons. L’initiative réussit et, en remerciement, on éleva une chapelle en l’honneur de ce saint à Obourg. D’autres épisodes d’épidémie eurent cependant encore lieu en 1618, ainsi qu’en 1638, à Quiévrain et dans ses environs.

Les guerres de Louis XIII

La situation internationale était tendue. Outre le conflit aux Pays-Bas, on se battait au centre de l’Europe (Guerre de Trente Ans, 1618-1648) pour des motifs politiques et religieux.

En France régnait Louis XIII (1614-1645), conseillé par le cardinal de Richelieu. Tous deux supportaient mal que leur royaume soit enserré entre des territoires appartenant aux Habsbourg (Espagne, Empire, Pays-Bas). Ils avaient la nostalgie de la Gaule romaine, bordée de frontières naturelles: les Pyrénées au sud et le Rhin au nord. Il fallait pour cela conquérir les Pays-Bas (au moins le sud), Liège, la Lorraine et l’Alsace. Profitant de la Guerre de Trente Ans, ils s’y attelèrent et déclarèrent la guerre à l’empereur Ferdinand II et au roi Philippe IV d’Espagne. Ils partirent à la conquête de l’Alsace et du Palatinat (sud-ouest de l’Allemagne), mais aussi des territoires que l’Espagne possédait au nord, en l’occurence nos régions… 

Claude-Lamoral de Ligne

On ne peut pas dire que Louis XIII réussit sans problème. En 1634, il échoua devant Tirlemont, après avoir saccagé quelques châteaux et villages au passage (faits mentionnés pour Audregnies et Bougnies seulement). En 1637, le maréchal de Turenne s’empara de la place forte de Beaumont. Grâce à quelques officiers supérieurs hennuyers, dont Claude-Lamoral de Ligne (Beloeil, …) et Albert-Maximilien de Hennin-Liétard (Boussu, …), les Français furent, pour un temps, boutés hors du Hainaut. Mais en 1640, le gouverneur Don Fernando ne put empêcher la prise d’Arras où fut tué le comte de Boussu ci-avant nommé. D’autres villes furent prises en Flandre gallicane et au sud du Hainaut (Landrecies).

D’escarmouches en escarmouches, les Français grignotaient des morceaux de territoires et s’aventuraient plus ou moins profondément sur les marges. C’est ainsi qu’on vit des troupes françaises camper sur le domaine du Saulçoir à Quiévrain en 1643. En 1645, la cure de Thulin fut complètement brûlée et, avec elle, toutes ses archives.

La riposte vint du gouverneur Léopold-Guillaume de Habsbourg (1647-1655) qui reprit la plupart des villes. Une partie de ses troupes campaient entre Condé et Saint-Ghislain, vivant de réquisitions, de rapines et de pillages sur le compte des villageois.

1648 vit la conclusion de la Guerre de Trente Ans par les Traités de Westphalie et de Münster. La France s’étendait désormais jusqu’au Rhin à l’est (par l’acquisition de l’Alsace). Le roi d’Espagne, Philippe IV, dut reconnaître l’indépendance des Sept Provinces Unies calvinistes du nord. L’Escaut restait fermé. Les provinces “belges”, toujours espagnoles, étaient perdantes.

Les guerres de Louis XIV
Louis XIV en 1648

Monté sur le trône en 1645, Louis XIV voulut tirer profit du fait que Philippe IV d’Espagne avait refusé de ratifier le Traité de Münster. Il repartit en guerre contre lui, en faisant siennes les ambitions de Richelieu. Six campagnes de guerre, ponctuées d’autant de traités, suffiront à modifier à tout jamais les frontières et surtout l’avenir du comté de Hainaut.

Première campagne

Dès 1654, Turenne et La Ferté s’emparèrent de Bavay dont ils démantelèrent les remparts.

En 1655, ces mêmes généraux partirent à la conquête du Hainaut. Il prirent successivement Landrecies, le Quesnoy, Condé (14 août), Bernissart (19 août), Saint-Ghislain (siège du 19 au 25 août – la défense en avait été assurée vainement par les comtes de Boussu – les moines chassés se réfugièrent à Mons), Audregnies, Boussu (22 août – Louis XIV et Mazarin y installèrent leur quartier général) et enfin Mons (prise après trois jours de siège).

L’année suivante, les Français s’emparaient aussi de Valenciennes (15 juin 1656).

Philippe IV (par Velasquez, 1657)

Le nouveau gouverneur, Don Juan d’Espagne, fils naturel du roi Philippe IV, entama la reconquête. Celle de Valenciennes (16 juillet 1656, où Vauban fut blessé), puis celle de Condé (18 août). Saint-Ghislain ne fut reprise que le 21 mars 1657. Quelques-unes de ses fermes abbatiales eurent à souffrir de ces guerres (Blaugies et la Court de Wasmes).

En Flandre, les Français emportèrent des prises plus significatives (Dunkerque et la plupart des villes flamandes), ce qui obligea le roi Philippe IV à signer le Traité des Pyrénées (1659). Il dut céder à Louis XIV l’Artois, le sud du Hainaut (les prévôtés du Quesnoy et d’Avesnes), et les parties méridionales de la Flandre et du Luxembourg. Comme toujours, on scella la paix par un mariage. Philippe IV donna sa fille Marie-Thérèse au jeune Louis XIV. Ce qui comptait, c’était la dot: le Roussillon au sud et une belle somme d’argent… qui tarda à être versée.

Or en Espagne, Philippe IV, décédé en 1665, céda son trône à un enfant chétif de quatre ans, Charles II (1665-1700). Ce dont profita immédiatement Louis XIV, son beau-frère, pour réclamer la souveraineté sur les Pays-Bas et la Franche-Comté, en se basant sur de vieilles coutumes du Brabant qui autorisaient un droit de dévolution.

Deuxième campagne (dite “Guerre de dévolution”)

N’ayant pas obtenu satisfaction, il repassa à l’attaque, toujours avec le maréchal Turenne. Le but était, dans un premier temps, de semer la terreur dans les populations à coups de saccages, de pillages, d’incendies, de viols et de crimes.

Maréchal de Turenne

Dès 1667, Lille, Condé, Quiévrain (château et église très endommagés), Boussu et Saint-Ghislain tombèrent. Les troupes s’installaient dans les campagnes autour de Quiévrain et se comportaient comme d’habitude: réquisitions, rapines, violences, … Pour qu’on ne leur vole pas les cloches de leur église, les habitants de Quiévrain les avaient transportées en cachette à Valenciennes.

Le roi de France inquiétait les puissances européennes qui conclurent une Triple Alliance (Hollande, Angleterre, Suède). Ce qui fut reculer Louis XIV. Non sans s’être emparé auparavant de la Franche-Comté, celui-ci dut se résoudre à signer le Traité d’Aix-la-Chapelle (1668). S’il devait rendre certaines de ses dernières conquêtes, il conservait Binche et Ath (et les villages de leur prévôté), Tournai, Lille, Charleroi et bien d’autres villes encore. Il vint même s’installer à Ath, puis à Tournai où son architecte-stratège, Vauban, fortifia la ville.

La Lorraine était toujours indépendante. Louis XIV l’envahit et l’annexa en 1670.

Troisième campagne

Nullement rassasié, le Roi-soleil reprit ses conquêtes dès 1674, avec, à la tête de ses armées le maréchal de Humières et celui de Luxembourg. Il s’attaqua d’abord à l’est du comté, remportant notamment une victoire très meurtrière à Seneffe. Les campements de ses troupes laissèrent de très mauvais souvenirs aux populations entre Morlanwelz et Binche. Cette dernière ville, qui lui appartenait depuis 1668, fut occupée. On dit que le village d’Angre, traversé par les troupes françaises en 1674, fut tellement ravagé qu’il resta inhabité pendant deux ans, ses habitants s’étant réfugiés ailleurs. La ferme de la Court de Wasmes fut une fois encore incendiée.

Condé fut repris (1676), puis Valenciennes (mars 1677), et encore Saint-Ghislain (décembre 1677). Enfin, les Français allèrent faire le siège de Mons en 1678. L’abbaye d’Epinlieu (près de la Porte du Parc) fut définitivement détruite. On la remplaça plus tard par le Fort-de-Haine. Mais le maréchal de Luxembourg ne put s’emparer cette fois de la capitale du Hainaut. Les Hollandais du Prince Guillaume d’Orange (aussi roi d’Angleterre à l’époque) arrivèrent à la rescousse et battirent les Français à Saint-Denis-en-Broqueroie (en fait sur les territoires d’Obourg, Casteau, Thieusies et Saint-Denis).

Abbaye d’Epinlieu ruinée

Ces années 1677 et 1678 virent aussi passer des épidémies de peste.

Les belligérants se remirent autour d’une table et signèrent le Traité de Nimègue le 10 août 1678. C’est lui qui établit, à peu de choses près, l’actuelle frontière franco-belge. Louis XIV céda les villes flamandes (Courtrai, Gand, Audenarde), sauf celles de la Flandre gallicane (Lille, Cassel, Saint-Omer, Dunkerque, mais aussi Ypres). Il rendit Ath et Binche (et leurs prévôtés). Il garda Tournai, les prévôtés de Valenciennes, de Maubeuge (dont Givry, Barbençon et Boussu-lez-Walcourt) et de Bavay, Mariembourg et Philippeville. Se sont retouvés ainsi côté français: Sebourg, Crespin, Saint-Aybert, Thivencelles, Hensies, Harchies, Bernissart et Pommeroeul.

Outre-Quiévrain, c’était maintenant pour toujours !

Pour remplacer les Espagnols, en plein déclin, les Hollandais placèrent des garnisons dans les villes et les bourgs pour défendre la nouvelle frontière. Vauban fit de même de l’autre côté en fortifiant Le Quesnoy, Valenciennes et Condé. Valenciennes, dont l’économie était complètement ruinée, fut placée dans l’intendance de Lille. Du côté “belge” de la frontière, les troupes de passage avaient tout dévasté, les fermes, les champs, les châteaux, les abbayes (dont la prévôté de Saint-Amand à Sirault, dont on n’a pas beaucoup parlé). Les fortifications de Saint-Ghislain avaient été détruites par les Français avant qu’ils ne se retirent.

Quatrième campagne
Charles II d’Espagne

Elle fut déclenchée en 1683 par le roi d’Espagne, Charles II, le grand perdant de l’épisode précédent, alors que Louis XIV bataillait sous d’autres cieux, en Palatinat. Celui-ci tourna alors de nouveau les yeux et ses troupes vers le nord, s’attaquant à Luxembourg, puis à Chimay, à Beaumont et Chièvres (?) qu’il occupa. Bien lui en fit, car on signa tout de suite la Paix de Ratisbonne qui lui octroya ces dernières conquêtes. Entre-temps, il avait révoqué l’Edit de Nantes en s’en prenant à nouveau aux protestants français qui durent choisir l’exil.

Cinquième campagne

L’empire, l’Espagne, l’Angleterre et les Provinces-Unies, qui se montraient garantes de nos Pays-Bas, constituèrent une alliance, la “Ligue d’Augsbourg” que Louis XIV considéra comme une menace. Il reprit donc les hostilités en envoyant de nouveau ses généraux chez nous. Cette initiative se solda par quelques défaites françaises (Walcourt et Menin), mais aussi par une victoire à Fleurus en 1690. Les Français réoccupaient Binche. La ville et les villages alentour furent à nouveau mis à contribution pour ravitailler les armées. D’autres villes furent prises en Flandre (Furnes, Dixmude, Courtrai), en Hainaut et en Namurois. On démantela les fortifications à Boussu. Les Français remportèrent encore une éclatante victoire à Neerwinden.

Vauban (par Le Brun)

Si la vallée de la Haine avait été épargnée jusque-là par cette campagne, ce fut un répit de courte durée. Avril 1691 voyait Louis XIV et Vauban installer leur artillerie sur les monts Héribus et Panisel, ainsi que leur infanterie sur une “ligne de la Trouille”, depuis Grand-Reng et Givry jusqu’à Jemappes, en passant par Harmignies, Spiennes, Mesvin. Mons fut bombardé et capitula le 10 avril…pour une occupation de six ans encore. L’espoir des Français était grand d’y rester puisque Vauban apporta de nombreuses améliorations aux fortifications (ouvrages à cornes, redoutes), fit construire de nouvelles casernes et un hôpital militaire. On voyait des campements français un peu partout, à Givry, à Haine-Saint-Pierre, à Crespin (d’où une cavalerie de mercenaires allemands vint rançonner les paysans de Montroeul-sur-Haine).

Les exactions étaient nombreuses. Des villages furent encore complètement détruits (Villers-Saint-Gislain, Buvrinnes et Vellereille-le-Sec en 1693, Bettignies en 1694). Le village de Thulin tardait à donner à l’ennemi le ravitaillement qu’il exigeait. En 1694, son mayeur, Jacques Hallez, fut arrêté et enfermé à Ath jusqu’au moment où la commune paya son dû.

Louis XIV venait parfois visiter ses troupes. Il logea à Quiévrain le 11 mai 1695. Ce même village vit passer, dans l’autre sens, cette fois, la dépouille du neveu de Turenne, mort au combat à Steenkerke. Cette année-là, le centre de Bruxelles était durement bombardé par l’artillerie du maréchal Villeroy. Mais la capitale tint bon. La résistance du pays s’incarnait dans ces personnages qu’étaient Guillaume d’Orange (roi d’Angleterre et stadhouder de Hollande) et le nouveau gouverneur Maximilien-Emmanuel de Bavière. Certaines villes belges furent reprises, dont Namur.

La France s’épuisait peu à peu. Son roi l’avait lancée dans des guerres inconsidérées, tout en menant grande vie à la cour de Versailles. Le peuple aspirait à la paix. On la signa au Traité de Rijswijck en 1697. De notre point de vue, il faut retenir que Louis XIV restituait les villages des prévôtés de Mons et d’Ath, ainsi que Thuin et Charleroi. Un autre accord, le Traité de Lille en 1699 ramena quelques villages de la prévôté de Maubeuge dans le comté de Hainaut, dont Givry.

C’était la ruine partout, dans les villages et dans les villes. Famines et épidémies s’ajoutaient aux dégâts de la guerre et aux exactions de la soldatesque errante. Le gouverneur Maximilien-Emmanuel de Bavière tenta bien de relancer l’économie, mais le contexte international se prêtait peu aux transactions commerciales.

Philippe V d’Espagne (par Van Loo)

C’est le moment “que choisit” Charles II, roi d’Espagne (la citadelle de Charleroi avait été édifiée en son nom), pour mourir…sans héritier. Autrichiens et Français étaient naturellement candidats à la succession. Le roi défunt, dans son testament, avait opté pour les seconds. Philippe d’Anjou, un Bourbon (lointain ancêtre du roi actuel d’Espagne Felipe V), petit-fils de Louis XIV monta sur le trône. Ce qui ne plut pas au roi d’Angleterre. Mais, malheureusement pour nous, Louis XIV soudoya le gouverneur, Maximilien-Emmanuel de Bavière, en lui assurant le remboursement de dettes. En échange, celui-ci faisait retirer les garnisons hollandaises de nos villes-frontières.

Sixième et dernière campagne (Guerre de Succession d’Espagne)

Le roi de France obtint de son petit-fils, Philippe V d’Espagne, procuration pour gouverner les Pays-Bas. C’était reparti pour un tour…

Immédiatement, les garnisons hollandaises mises en place après le Traité de Nimègue furent remplacées par des garnisons françaises. Ce n’était pas une invasion, ni une occupation, mais une “protection”! Mons et Saint-Ghislain furent réinvesties “pacifiquement”.

John Churchill, duc de Marlborough

Ce ne fut pas du goût des Anglais, des Hollandais et des Autrichiens qui scellèrent en 1701 une “Grande Alliance” contre la France. Les coalisés mirent à la tête de leurs armées deux grands généraux, le duc de Marlborough (celui de la chanson “mironton mironton mirontaine”) et le prince Eugène de Savoie-Piémont.

Louis XIV vint carrément réoccuper Mons et Saint-Ghislain, avec la volonté d’y réformer “à la Colbert” l’administration laissée à l’abandon par la noblesse hennuyère d’alors. Les Etats du Hainaut furent mis de côté. Les finances furent rétablies et la conscription instaurée pour aller se battre aux côtés des Français.

Le conflit débuta en 1702 par quelques escarmouches. Pendant ce temps, le peuple était soumis à de nouveaux impôts de guerre et à des conscriptions. On bataillait surtout en Allemagne. Le conflit atteignit nos régions en 1706. Marlborough vainquit les Français à Ramillies (Brabant). Les villes occupées par des garnisons françaises furent reprises une à une (Gand, Bruges, Anvers, Ath, Ostende, Menin). Seules quelques villes hennuyères, namuroises et luxembourgeoises restaient “sous protection » française. Une bataille eut lieu le 13 août 1707 près de l’abbaye de l’Olive à Morlanwelz entre les alliés et une arrière-garde française. Les troupes alliées se déployèrent dans toute la région de Binche, non sans dommages. Une armée française de 15.000 hommes campait entre Valenciennes, Crespin et Jeanlain, occasionnant de gros dégâts.

Marlborough continuait à reprendre les villes belges (Audenarde en 1708) et des villes françaises du Nord (anciennement flamandes: Lille, Saint-Amand, Douai et Tournai). Louis XIV refusa les conditions de paix qu’on lui proposait. Campagnes guerrières, hivers rudes, mauvaises récoltes et famines appauvrissaient les populations.

Eugène de Savoie

En 1709, Eugène de Savoie vint mettre le siège devant Mons, après avoir installé son QG à Havré, ses batteries sur le Mont Héribus et ses soldats le long de la Trouille jusqu’à Spiennes. Au début septembre, la ville fut reprise. Ce fut ensuite le tour de Saint-Ghislain, le 10 septembre, par Marlborough.

Le lendemain, la grande bataille tant attendue eut lieu. On l’appela la “Bataille de Malplaquet“. Elle opposa 90.000 soldats français aux ordres de Boufflers et Villars (QG au château d’Audregnies et à Quiévrain) à 80.000 hommes aux ordres de Marlborough et Savoie. Les hostilités se déroulèrent sur les villages de Goegnies-Chaussée, Hon-Hergies, Blaregnies, Blaugies et Sars-la-Bruyère. Elles laissèrent 35 à 40.000 morts, presque autant dans chaque camp, mais la victoire fut celle des alliés. Quant aux fermes et aux campagnes environnantes, elles furent livrées aux pillages, autant par les vainqueurs que par les vaincus dans leur retraite (Audregnies, Angre, Marchipont dont le pont, un des rares sur l’Aunelle, fut détruit). Les victimes civiles furent nombreuses.

Les alliés continuèrent sur leur lancée. Bouchain fut prise en 1711. L’armée autrichienne remplaça celle des Français à Quiévrain et dans les villages du Nord, avant d’aller s’attaquer au Quesnoy. Quel que soit l’occupant, les souffrances étaient identiques pour les populations occupées.

Les provinces belges furent enfin délivrées. Les “grandes nations” allaient désormais veiller sur elles. D’abord, en remettant des garnisons hollandaises dans les villes fortifiées, aux frais de leurs habitants. Ensuite en inféodant complètement le Conseil d’Etat à la Conférence des Puissances. L’empereur Charles VI organisa un Conseil Suprême des Pays-Bas à Vienne d’où il envoya chez nous un ministre plénipotentiaire, le marquis de Prié, qui se heurta à nos Etats Provinciaux et à quelques nobles, dont Claude-Lamoral II de Ligne. Enfin on se remit autour de la table pour signer le Traité d’Utrecht de 1713, après que le prince de Savoie eut infligé une nouvelle défaite au général Villars, à Denain.

Ce qu’il faut surtout retenir de ce traité, qui ne modifia pas nos frontières, c’est que l’Espagne, ayant commencé son grand déclin sur la scène internationale, abandonnait les Pays-Bas à l’Autriche de l’empereur Charles VI. Les Français rendirent également Tournai. Les Provinces-Unies continuaient à nous protéger avec leurs garnisons, à nos frais. L’Escaut restait bloqué. Le pays était exsangue et ruiné. Agriculture, industrie urbaine et exploitation houillère étaient anéanties et manquaient de débouchés extérieurs. Depuis le début des guerres de Louis XIV, 43% du comté de Hainaut étaient devenus français. Par contre, ce qui en restait, ainsi que le duché de Brabant, continuerait à dépendre, sur le plan spirituel, de l’archevêque de Cambrai.

Fénelon

Quelque temps auparavant, un certain Fénelon, archevêque de Cambrai en brouille avec son roi, s’était fait connaître chez nous pour avoir résidé un temps à Pâturages et à Meslin-l’Evêque.

L’évolution du pouvoir au XVIIème siècle

En ce siècle, les rois d’Espagne continuèrent à diriger les provinces des Pays-Bas par gouverneurs interposés. Pour ce qui est du Hainaut, l’archiduc Albert fusionna en 1611 la Cour souveraine et le Conseil en une “noble et souveraine cour de Hainaut”, présidée par le grand bailli (qui restait le personnage principal du comté) et composée de quatorze conseillers des trois ordres. Par la suite, chaque cour reprit ses habitudes, avant que le roi Philippe V, en 1702, ne recrée le “Conseil Souverain de Hainaut”. Ce dernier fut installé à Mons dans l’ancien refuge de l’abbaye de Cambron, rue de Nimy.

Mais, hormis quelques seigneurs qui continuèrent à occuper de hauts postes politiques (grand bailli) et militaires (gouverneurs, officiers supérieurs), partout ailleurs l’administration requérait d’abord des experts en droit ou en finances, sortis des écoles supérieures. La bourgeoisie enrichie en fournissait le plus gros contingent. Dans le monde rural aussi, la multiplication des fiefs et propriétés terriennes tenus par des bourgeois enrichis était une preuve flagrante du changement qui s’opérait. Ce sont ces même bourgeois qui possédaient des hôtels particuliers à Mons et Valenciennes.

Avec la perte progressive des prévôtés au profit de la France, au fur et à mesure des traités, le nombre de gouverneurs des villes fortifiées se réduisit, d’autant que certaines de ces villes perdaient leurs fortifications. Seuls trois centres, jugés stratégiques, gardèrent le leur: Condé, Saint-Ghislain et Mons, qui avaient été, lors de chaque campagne de guerre, les premières cibles des armées françaises.

Ath, Binche et Beaumont avaient également subi de gros travaux d’aménagements. Mais ces villes passèrent souvent dans le giron français.

La navigation sur la Haine

Lorsque Condé devint français en 1678, Louis XIV décida d’imposer de lourds tributs douaniers aux bateaux qui y transitaient. De plus, les bateliers de Condé exigeaient le monopole de la batellerie sur la rivière jusqu’à Mons. Il fallut un traité à Crespin en 1686 pour pacifier les esprits.

L’Eglise en Hainaut

Les guerres de religion du XVIème siècle avaient laissé des séquelles. Le calvinisme était interdit dans les Pays-Bas Espagnols, mais quelques poches subsistaient çà et là où, clandestinement (on fermait les yeux le plus souvent), des protestants pouvaient organiser leurs cultes dans des granges ou des demeures privées. Dour, Wasmes et Pâturages en étaient des exemples. La révocation en France de l’Edit de Nantes amena de nouveaux immigrants dans ces villages.

Avec les très catholiques Albert et Isabelle, la Contre-Réforme s’imposa, avec l’installation de nombreux ordres religieux.

Les Jésuites s’installèrent à Tournai, Valenciennes, Mons (1598) et Ath, où ils établirent des collèges pour la future classe bourgeoise dirigeante. Ils prêchaient aussi en ville.

Les Capucins vinrent créer des institutions à Valenciennes (1594), Mons (1595), Ath (1609), Maubeuge (1613), Enghien et Soignies (1616) et Chimay (1617). Leur pauvreté et leur simplicité les rendaient très populaires.

Les Récollets firent de même à Chimay (1573), Binche (1598), Bavay (1605), Valenciennes (1608), Le Quesnoy (1610), Mons (1623) et Ath (1625).

On vit même l’Ordre italien des Oratoriens de Saint Philippe de Neri fonder des maisons à Chièvres, Braine-le-Comte, Soignies, Mons et Thuin. Ils établirent des collèges concurrençant ceux des Jésuites.

Les religieuses n’étaient pas en reste. On vit des Ursulines (Mons, 1633), des Carmélites, des Clarisses, des Brigittines et des Soeurs Grises. Rien qu’à Mons, on fonda 15 nouveaux couvents entre 1581 et 1665.

Un montois, Charles Buisseret, futur archevêque de Cambrai, écrivit un catéchisme pour l’éducation religieuse des jeunes.

Mons fut aussi un centre du jansénisme. Plusieurs personnages qui avaient adopté les doctrines de ce mouvement rigoriste étaient de Mons (Claude de la Porte, Jacques de Bray). Gaspard Migeot publia à Mons la Bible de Port-Royal, celle-ci n’ayant pas reçu l’autorisation de l’être en France. Il s’agissait ici d’une querelle de théologiens qui ne touchait pas les couches populaires et qui n’eut aucun impact sur l’Histoire.

20. De 1433 à 1515

Bourguignons et Autrichiens

Le comté de Hainaut, province jusqu’ici autonome depuis les Régnier, fut absorbé dans un grand espace: les Etats Bourguignons des Pays-Bas. Philippe le Bon, déjà duc de Bourgogne, comte d’Auxerrois, de Charolais, de Mâconnais et de Franche-Comté, comte de Flandre et d’Artois, depuis le décès de son père par assassinat en 1419, s’appropria par la suite, par héritages ou par achats, les comtés de Namur et de Luxembourg, le duché de Brabant, celui de Limbourg et le marquisat d’Anvers, et finalement les comtés de Hainaut, de Hollande et de Zélande. Soit l’actuel Benelux, sans la principauté épiscopale de Liège, mais augmenté des provinces françaises citées plus haut, les unes royales (vassales du roi de France), les autres impériales (vassales de l’empereur).

Les faits politiques

Sous Philippe de bourgogne “le Bon” (1433-1467)

C’était un être intelligent, ambitieux, revanchard, puissant.

Lors de son mariage en 1429 avec Isabelle de Portugal, il fonda l’Ordre de la Toison d’Or, ordre de chevalerie en l’honneur de Dieu, de la Vierge et de Saint-André. De ce fait, il se rapprochait de l’Eglise et se montrait l’égal des autres souverains occidentaux. Cet Ordre récompensera de très nombreux seigneurs hennuyers.

Philippe “le Bon”

Revanchard, après l’assassinat de son père, Jean “sans Peur”, par les partisans du roi de France, il prit le parti des Anglais et ne fut pas innocent lors de la capture de Jeanne d’Arc. En effet, c’est un de ses officiers, Jean de Luxembourg, qui s’en chargea pour la livrer aux Anglais.

Malin, parce que, ne recevant pas d’aide des Anglais, il se rapprocha du roi Charles VIII de France avec qui il signa le Traité d’Arras confirmant la propriété souveraine de tous ses états, y compris des états vassaux royaux, ainsi que celle de villes picardes qu’il s’était appropriées par la guerre. En échange, il réunit des troupes sous la conduite, notamment de Jean de Croÿ et de Jacques de Harchies, qui aidèrent les Français à reconquérir leurs territoires perdus durant la deuxième phase de la Guerre de Cent Ans.

Lorsque le roi de France, Charles VIII, mourut en 1461, son fils Louis XI lui succéda. Un personnage aussi très ambitieux, et surtout un roublard. Du vivant de son père, Il s’était rebellé contre lui, ce qui lui valut de devoir fuir dans son Dauphiné, puis en Brabant, au château de Genappe, où il se fit des amis chez les Bourguignons, notamment chez les de Croÿ.

Collier de la Toison d’Or

Philippe le Bon, vieillissant, commença à partager le pouvoir avec son fils Charles “le Téméraire”, ennemi  juré de la France, mais il se laissa aussi aller à suivre les conseils des de Croÿ (ventes des villes de la Somme à Louis XI), conseils malvenus aux yeux de Charles, qui les fit exiler.

Charles de bourgogne “le Téméraire” (1467-1477)

Lorsqu’il succéda à son père, il avait déjà eu l’occasion d’aller faire la guerre en France, d’y remporter quelques victoires et de forcer le roi Louis XI à rendre les villes rachetées dans la Somme.

Charles le Téméraire

Plus ambitieux, mais aussi plus audacieux (d’où son surnom), il fut avant tout un chef de guerre. Il intervint à plusieurs reprises en principauté liégeoise. Il passa surtout ses dix années de règne à combattre son ennemi français. Il était plus puissant, mais nettement moins rusé. Louis XI ne cessa de stimuler des révoltes en principauté de Liège et dans les villes flamandes. Il chercha à affamer flamands et hennuyers en envoyant ses troupes piller et incendier les châteaux ruraux, les fermes et les champs. Il décréta un embargo des céréales et de la laine vers les Pays-Bas. Ses corsaires attaquaient les pêcheurs en mer. Il taxait fortement les importations.

Pris à la gorge, Charles le Téméraire voulut chercher de nouveaux débouchés vers le Rhin et le Rhône, notamment en réunissant ses provinces françaises à celles des Pays-Bas, séparées par l’Alsace et la Lorraine. Il se lança alors dans des aventures qui lui valurent d’affronter les Suisses et les Lorrains soutenus par Louis XI. Il finit par se faire tuer en assiégeant Nancy début 1477. Jacques de Harchies y laissa aussi la vie et Philippe de Croÿ y fut fait prisonnier.

Pendant ces années, de 1475 à 1478, les troupes royales françaises décimèrent toute l’économie hennuyère. De nombreux châteaux furent incendiés ou gravement endommagés (Beaumont, Chimay,  Maubeuge, Bavay, Le Quesnoy, Bouchain, Condé, Harchies, Bernissart, Blaton, Boussu). Les campagnes furent mises à feu et à sang (Leuze, Péruwelz, Stambruges, Ville, Basècles, Marchipont, Cuesmes sont mentionnés dans des documents, mais il est fort probable que tous les villages entre Valenciennes et Mons furent touchés). Louis XI échoua devant Saint-Ghislain et Beloeil.

Sous Marie de Bourgogne (1477-1482) et Maximilien d’Autriche (1477-1494)
Marie de Bourgogne

La fille du Téméraire lui succéda. Face à elle, Louis XI continua son travail de sape, désireux d’accaparer les Pays-Bas. Il excitait les villes flamandes et les Etats à la révolte. Marie dut leur concéder de nombreux privilèges.

Quelques mois après sa prise de pouvoir, elle épousa l’archiduc d’Autriche, Maximilien de Habsbourg, ancêtre d’une très longue lignée de souverains de nos Etats (jusqu’à la Révolution). Celui-ci réorganisa l’armée et, depuis son quartier général de Mons, avec l’aide, notamment, des seigneurs de Boussu et de Beloeil-Ligne, il repoussa les armées françaises hors du Hainaut. Il ne put cependant pas empêcher Louis XI de s’emparer de la Bourgogne.

Maximilien d’Autriche

Marie mourut accidentellement à la chasse en 1482. Ses enfants, Philippe et Marguerite, étaient très jeunes. Maximilien assura la régence. Il fit la paix à Arras avec Louis XI et lui céda la Bourgogne. On fiança le dauphin français et Marguerite. Avec la promesse d’une dot énorme: les provinces françaises (Franche-Comté, Mâconnais, Auxerrois, Artois). C’en était fini des Etats Bourguignons.

Louis XI mourut l’année suivante. Ses successeurs vont heureusement se désintéresser des Pays-Bas et s’engager dans des campagnes militaires en Italie. Ce qui donnera l’occasion aux Hennuyers, complètement ruinés à la fin de cette période, de panser leurs plaies et de lentement retrouver la prospérité.

Entretemps, Charles VIII de France répudia la jeune Marguerite d’Autriche, lui préférant la duchesse de Bretagne, uniquement pour des raisons politiques. Il signa à Senlis un nouveau traité avec Maximilien, lui restituant la dot promise.

En 1493, l’empereur Frédéric III mourut. Les électeurs allemands élurent son fils, l’archiduc Maximilien. Celui-ci céda le pouvoir des Pays-Bas à son fils, Philippe.

Philippe d’Autriche “le Beau” (1494-1506)
Philippe le Beau

Plus modéré et bien conseillé, il sut se faire aimer de ses villes et de son peuple, notamment en confirmant les concessions qu’avait consenties sa mère.

Sa soeur, Marguerite, épousa l’héritier du trône d’Espagne qui mourut très rapidement. Lui-même épousa la sœur, Jeanne de Castille, restée devenue héritière d’Espagne. Mais, isolée dans les terres froides et grises du Nord, celle-ci déprima et céda à la folie.

Philippe “le Beau” mourut inopinément en 1506.

Sous la régence de Marguerite d’Autriche (1506-1515)

Philippe laissait après lui un enfant de 6 ans, Charles. Sa tante Marguerite assura la régence depuis Malines.

L’organisation du pouvoir

Avec la réunion de tant de duchés et de comtés dans ce grand ensemble qu’étaient devenus les Etats Bourguignons, Philippe le Bon eut à réformer les rouages du pouvoir, cherchant avant tout à le centraliser.

Il légiféra beaucoup, conseillé par une chancellerie (ministère) très compétente où figuraient Nicolas Rolin, un bourguignon, devenu aussi seigneur de Houdeng-Aimeries, les frères Antoine (seigneur du Roeulx, de Condé et de Beaumont) et Jean de Croÿ (seigneur de Chimay, de Quiévrain et d’Ecaussinnes).

Philippe le Bon créa le Grand Conseil Ducal (gouvernement) et les Etats Généraux des Etats Bourguignons (parlement) qui regroupaient tous les Etats Provinciaux. Il rassembla les Cours de Justice et créa trois chambres des Comptes. Charles le Téméraire créera le Parlement de Malines (cour suprême de justice et juridiction d’appel). Conseil et Parlement furent supprimés par Marie de Bourgogne sous la pression des villes révoltées, mais Philippe le Beau les restaurera et rassemblera les trois chambres des comptes en une seule à Malines. Cette ville était devenue la capitale politique et administrative des Pays-Bas.

Le Hainaut conserva beaucoup d’autonomie, relativement à d’autres provinces. L’absence d’un comte à demeure à Mons donna plus de pouvoir et de prestige aux grands baillis dont les compétences administratives, judiciaires, fiscales et militaires étaient très étendues. Pour ceux qui détinrent cette charge, c’était le couronnement d’une carrière. Ce personnage était aidé dans ses tâches par les Etats de Hainaut où étaient représentés les trois ordres (noblesse, clergé, bourgeoisie), et par deux institutions judiciaires, la Cour Souveraine et le Conseil Ordinaire, déjà évoqués dans le chapitre précédent.

Les Bourguignons menaient une vie de fastes en leurs cours et furent de grands mécènes. Ils résidaient peu à Dijon, capitale un peu austère de leur duché initial. Ils préféraient l’opulence des villes flamandes (Gand, Bruges) et brabançonnes (Bruxelles, Malines). Par contre, hormis lors de leurs entrées solennelles, ces souverains ne vinrent jamais en Hainaut.

C’est pendant cette période bourguignonne que quelques grandes familles de seigneurs hennuyers sont apparues dans les hautes sphères du pouvoir hennuyer et central (grand bailli, gouverneurs de villes fortifiées, ambassadeurs, conseillers, chambellans, …): Croÿ, Lalaing, Hennin-Liétard, Haynin, Harchies, Ligne, …

L’économie urbaine

Malgré la Guerre de Cent Ans et celles menées par Louis XI, les villes hennuyères souffrirent relativement peu dans leurs activités économiques et commerciales. Elles parvenaient toujours à s’approvisionner en matières premières (essentiellement la laine) et à trouver des débouchés (surtout vers le nord et l’est), quitte à modifier le type de productions (sayetteries, toiles de lin). Les ducs de Bourgogne, Philippe et Charles, favorisèrent ce mouvement, réduisant les droits de douanes entre leurs provinces, créant ici et là des foires et des marchés. Quelques petites cités rurales en profitèrent, comme Quiévrain qui obtint le droit de tenir marché et de construire des halles.

Le nombre d’agglomérations urbaines augmenta au XIVème et au XVème siècle. Elles reçurent le statut de “bonnes villes du Hainaut” et le droit pour leurs bourgeois de se faire représenter dans les Etats du comté à côté des nobles et des ecclésiastiques. A la fin du XVème siècle, Mons et Valenciennes restaient les villes les plus importantes, mais on pouvait compter, à côté:

  • Leuze, Ath, Chièvres, Lessines, Enghien, Soignies, Braine-le-Comte, Hal
  • Chimay, Beaumont,
  • Le Roeulx, Binche
  • Avesnes, Landrecies, Bavay, Maubeuge, Le Quesnoy
  • Bouchain, Condé, Saint-Ghislain

A Mons, dans la seconde moitié du XVème siècle, on construisit la collégiale gothique Ste-Waudru et l’Hôtel de Ville. Quelques nouveaux métiers y prospéraient (chaudronnerie, cordonnerie, bois).

A Saint-Ghislain, les moines bénédictins adoptaient les moeurs et le luxe aristocratique. Menacés par Louis XI, ils firent construire un refuge à Mons.

Ath reçut en 1458 le monopole des toiles (“étape”), ce qui lui permit d’écouler ses productions dans toute l’Europe.

Le monde rural

Ce sont les campagnes qui souffrirent le plus de ce XVème siècle. Jusqu’au milieu du XIVème, elles avaient bénéficié de la paix et de la prospérité, en dehors des épisodes de pestes et de catastrophes naturelles (hivers rudes, sécheresse).

La Guerre de Cent Ans, si elle se déroula ailleurs, n’en eut pas moins de conséquences ici, surtout dans le sud du comté. Des bandes armées livrées à elles-mêmes écumaient les campagnes, volant, violant, tuant et incendiant les fermes et les chaumières. On mentionne de tels actes à Bougnies (1433), Bavay (1434, 1439) et Marchipont (1453). Sans doute aussi y en eut-il dans d’autres communes.

Une nouvelle grande famine affecta le comté en 1437 et 1438, de même en 1480-1481.

A la Guerre de Cent Ans, succéda celle déclenchée entre Charles le Téméraire et Louis XI. Celle- ci fut beaucoup plus désastreuse chez nous, surtout à l’ouest de Mons. Sitôt les armées françaises repoussées par Maximilien, des bandes de mercenaires allemands libérés de leur contrat se mirent à se livrer à des exactions du côté de Boussu et de Saint-Ghislain vers 1482. On dut au seigneur de Boussu, Pierre de Hennin-Liétard, de mettre fin à ces actes.

Les institutions ecclésiastiques

On l’a vu dans le chapitre précédent, l’Eglise connaissait à cette époque une crise profonde. On comptait deux, ou trois papes, à Rome, à Avignon, et ailleurs. Jusqu’à ce que le Concile de Constance (1414-1418) mette fin au Grand Schisme.

Nos évêques de Cambrai au XVème siècle ne valaient pas mieux. Certains menaient une vie dissolue, d’autres couraient après les charges. Ils étaient rarement présents dans leurs diocèses et se faisaient remplacer par des auxiliaires.

Les abbayes n’étaient pas mieux loties, avec des abbés nommés par Rome, ou par les ducs, souvent étrangers à leur communauté et aussi peu présents. Les guerres ont souvent chassé les moines de leurs abbayes rurales (comme à St-Ghislain, Crespin, Hautmont et Saint-Denis). C’est dans les villes (Mons, Valenciennes, Ath, Binche) qu’ils cherchaient refuge.

Les curés des paroisses, qui dépendaient des abbayes et des chapitres, résidaient rarement dans celles-ci et se faisaient remplacer par des vicaires mal instruits et mal rétribués.

L’enseignement

Il était réservé aux populations aisées. Celles des villes, d’abord. Pour accéder aux magistratures et aux fonctions publiques, il était devenu nécessaire d’avoir une formation en comptabilité et en droit. On trouva à Mons et à Valenciennes des écoles qui dispensaient cette formation.

Dans les campagnes, des écoles apparurent dès le XIIIème siècle et commencèrent à se multiplier. Elles enseignaient les matières fondamentales. Le plus souvent payantes, elles étaient réservées aux plus riches (seigneurs et paysans aisés). D’ailleurs, le petit peuple avait besoin de ses enfants aux champs et à l’étable où il n’était nul besoin de savoir lire et écrire. Quelques abbayes dispensaient aussi un certain enseignement.

Telle resta la situation durant encore quelques siècles.

19. Sous les Avesnes et les Bavière

Période: de 1280 à 1430

En 1280, mourait la comtesse Marguerite “de Constantinople”. Suivant l’arbitrage de Saint-Louis, roi de France et suzerain de la Flandre, le comté de Hainaut revenait aux descendants de Marguerite et de son premier mari, Bouchard d’Avesnes, en l’occurence à leur petit-fils, Jean II d’Avesnes.

Le contexte politique

Jean d’Avesnes (1280-1304)

Il fut le premier des comtes de Hainaut à aller prêter un serment d’inauguration à Mons et dans les autres villes du Hainaut. A la fin de son règne, par le jeu des héritages, il devint aussi comte de Hollande et de Zélande.

A cette époque, la France était redevenue un grand pays. Mis à part la Flandre, qui gardait son autonomie, et la Guyenne (sud de la Garonne), qui appartenait au roi d’Angleterre (depuis Eléonore d’Aquitaine), le reste du royaume tel qu’il avait été dessiné au Traité de Verdun de 843 appartenait au domaine royal. Philippe IV “le Bel” (1285-1313) en était le puissant souverain. La France était prospère, mais le roi dépensait beaucoup en fastes de cour, en entretenant une riche cavalerie et en fortifiant tous ses domaines. Endettement, inflation et dévaluations monétaires s’ensuivirent. Le roi augmenta les impôts, mécontentant ses vassaux et les bourgeois des villes. Il fit abolir le riche Ordre des Templiers dont il s’accapara tous les biens. Il s’en prit aussi aux banquiers Juifs et Lombards dont une partie vint s’installer dans nos villes (Mons, le Quesnoy).

L’objectif suivant fut de s’approprier la Flandre et ses riches villes drapières. Celles-ci connaissaient une montée de tensions sociales entre le haut patriciat (notamment les tisserands de Gand), partisan de la France, et les ouvriers et petits commerçants soutenus par le comte Guy de Dampierre. Le conflit s’envenima et aboutit à l’invasion française de la Flandre.

Tout cela se passait dans un contexte international tendu. Notamment entre France et Angleterre, celle-ci fournissant la laine aux drapiers flamands et hennuyers. Pour le comte de Hainaut, il fallait prendre position. Le malin roi de France avait donné une de ses filles en mariage au fils de Jean d’Avesnes. Celui-ci se mit du côté de la France.

Suite à l’insurrection des villes flamandes le 18 mai 1302 (“Matines brugeoises”), le roi de France envoya sa lourde cavalerie, renforcée de seigneurs hennuyers, affronter les milices communales flamandes. Les Français se firent étriller à la “Bataille des Eperons d’Or” le 11 juillet suivant, près de Courtrai. Le fils du comte, Jean “sans merci”, seigneur de Beaumont, y fut tué.

Guillaume I “le Bon” (1304-1337)
Guillaume I “le Bon”

Fils cadet de Jean d’Avesnes, il lui succéda. Ce fut un des meilleurs comtes que le Hainaut eut à sa tête, d’où son surnom. Il appliqua une politique économique volontariste. Il mit fin aux abus du clergé et de la noblesse qui pressuraient le petit peuple par un excès d’impôts. Il tenta enfin de réduire l’arrogance de la nouvelle bourgeoisie.

En France, à Philippe le Bel, mort en 1313, succédèrent tour à tour ses trois fils, “les rois maudits”, tous décédés sans héritiers pour le trône. Celui-ci passa à la branche cadette des Valois en la personne de Philippe VI (1328-1350).

En politique extérieure, Guillaume Ier s’avéra un excellent diplomate. Il réalisa d’abord des alliances avec les comtés voisins (Brabant, Namur, Juliers). Il conclut une paix définitive entre Dampierre flamands et Avesnes hennuyers en 1323, toujours sur base de l’arbitrage de 1246. Dans les années qui suivirent, Guillaume de Hainaut appuiera le roi de France et le comte de Flandre dans les luttes sociales de Flandre.

Il maria sa fille Marguerite au duc Louis de Bavière, puis aida celui-ci à obtenir la couronne royale en Germanie.

Isabelle de France, fille du roi Philippe IV « le Bel », avait épousé le futur roi Edouard II d’Angleterre, en gage de paix entre les deux pays. Ce personnage n’était pas des plus intéressants. Elle lui fut infidèle. Poursuivie, elle se réfugia en France, puis en Hainaut où le comte Guillaume décida de l’aider en montant une expédition contre son mari. Emmenée par Jean de Beaumont, frère du comte, la petite troupe réussit à faire déposer (puis assassiner) le roi au profit de son fils, Edouard III (1327-1377). Pour l’occasion, on fiança celui-ci (14 ans) à la fille du comte, Philippa de Hainaut (13 ans). Quelques années plus tard, après le mariage, le beau-fils gratifiera le beau-père par l’octroi du monopole de la vente de laine anglaise aux drapiers hennuyers.

Ce jeune roi, Edouard III, devint ambitieux. Petit-fils du roi de France Philippe IV “le Bel” par sa mère, il n’accepta pas la montée sur le trône des Valois. Il s’autoproclama “roi de France” en 1337. Cette attitude est considérée comme le point de départ de la Guerre de Cent Ans.

Guillaume de Hainaut tenta d’apaiser les esprits dans un premier temps, mais, laine anglaise oblige et la liberté maritime des bateaux hollandais étant vitale, il prit le parti des britanniques. Simultanément, il tenta, avec succès, d’établir une solidarité économique et militaire entre certaines principautés (Hainaut, Hollande, Zélande, Frise, Brabant, Gueldre, Juliers, Cologne), annonçant l’ambition future des Bourguignons. Il mourut peu de temps après.

Guillaume II “le Hardi” (1337-1345)
Guillaume II

Il poursuivit la politique d’alliances de son père, alors que les premiers faits de guerre avaient lieu en Flandre dans un contexte de déchirements sociaux. Le roi Philippe V de France vint d’ailleurs saccager quelques châteaux et villages dans le sud du Hainaut en 1340 (dont le village d’Amfroipret), obligeant le comte à signer une trêve.

L’ouest de la France était ravagé par les chevauchées anglaises. En 1345, les Frisons se révoltèrent. Guillaume alla assiéger Utrecht et s’y fit tuer. Il n’avait plus d’enfant vivant. Sa soeur, Marguerite, lui succéda avec l’accord de son autre soeur, Philippa (sinon, son mari Edouard III d’Angleterre exigeait aussi le Hainaut! – nous aurions pu devenir anglais).

Marguerite de Bavière (1345-1356)
Marguerite d’Avesnes

Ayant épousé le duc de Bavière, devenu roi, puis empereur de Germanie, Marguerite ne vivait plus dans ses comtés et en donna la tutelle à son oncle Jean d’Avesnes (Hainaut) et à son fils Guillaume (Hollande, Zélande). Mais en 1347, elle se retrouva veuve et rentra au pays. Jean lui remit le Hainaut, mais Guillaume prétendit gouverner lui-même ses deux comtés néerlandais. Le conflit dura quelques années avant que Marguerite n’accède aux volontés du fils.

En 1346, la bataille de Crécy (en Normandie) se conclut par une première grosse défaite de la cavalerie française face aux Anglais.

De 1348 à 1350, la peste ravagea toutes les populations d’Europe Occidentale.

Guillaume III “l’Insensé” (1356-1389) et Aubert de Bavière (1389-1404)
Guillaume III

Le premier chercha d’abord à sécuriser le Hainaut, notamment par la création de milices bourgeoises dans les villes.

Mais rapidement, dès 1358, il tomba dans la démence. Son frère, Aubert, se vit confier la régence des trois comtés (Hainaut, Hollande et Zélande) jusqu’au décès de Guillaume en 1389, après quoi il devint lui-même comte. Si les souverains anglais et germanique le reconnurent sans problème, il n’en fut pas de même de certains nobles du Hainaut…

Dans la guerre qui opposait France et Angleterre, Aubert resta neutre.

Pendant ce temps, l’armée française subissait encore une nouvelle lourde défaite à Poitiers en 1359. Son roi, Jean II, fut fait prisonnier et emmené à Londres. La France était ruinée. Les Anglais s’étaient installés en Aquitaine et dans l’ouest. Les bourgeois se révoltaient dans les villes. Les campagnes étaient le théâtre de jacqueries. Les ennemis négocièrent à Brétigny, notamment le montant de la rançon royale. Le roi, entre-temps, avait donné en apanage à son fils cadet, Philippe “le Hardi”, le duché de Bourgogne. Décision qui conditionnerait la suite des événements, en France et chez nous…

En 1365, en France, Charles V (1364-1380) succéda à Jean II, mort en captivité. Il réorganisa l’armée. Celle-ci, emmenée par du Guesclin, battit les Anglais à Cocherel, puis reconquit les territoires perdus à l’ouest, mettant fin à la première phase de la Guerre de Cent Ans. Son frère, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, épousa en 1369, Marguerite de Maele, fille unique du comte de Flandre.

Aubert de Bavière

En 1365 encore, la révolte de certains nobles hennuyers à l’égard du régent Aubert s’enflamma en conflit ouvert. Siger (Sohier) d’Enghien vint assiéger le château de Quiévrain, propriété du grand bailli Simon de Lalaing, fidèle au comte (et donc au régent Aubert), et soutenu par Baudri de Roisin, Gérard de Ville et Jean de Werchin. Poursuivi, Siger alla se réfugier dans le château de Baisieux où il fut capturé. Emmené au Quesnoy, il fut rondement jugé et décapité. D’autres révoltes eurent lieu en Hollande et en Frise, tout aussi rapidement réprimées. En Hainaut, certains seigneurs s’étaient ralliés au nouveau comte de Flandre, Louis de Maele, qui envahit le Hainaut et battit les Hennuyers à Hoves, près d’Enghien. Soignies, le Roeulx et Havré furent incendiés.

On signa enfin la paix. Les Enghien récupérèrent leur château. Aubert fit fortifier Soignies.

On continua les alliances familiales, tellement importantes pour comprendre la suite des évènements. Aubert obtint que son fils Jean devienne prince-évêque de Liège. Il fit faire des mariages « intéressants » à ses trois enfants. Une fille, Jeanne, épousa Wenceslas de Bohême, futur empereur. L’autre fille, Marguerite, épousa Jean de Bourgogne, dit “sans Peur”, fils de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne et futur comte de Flandre. Enfin, son fils Guillaume (le futur Guillaume IV) épousa Marguerite de Bourgogne, la fille de Philippe le Hardi.

Aubert s’allia au nouveau roi de France, Charles VI, à Philippe le Hardi et au beau-père de celui-ci, le comte Louis de Male, dans le but d’anéantir les troupes bourgeoises flamandes révoltées.

C’est dans ce contexte que décéda le comte de Flandre et que lui succéda son beau-fils, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Louis de Maele avait épousé la fille du duc Jean III de Brabant. La duchesse Jeanne, soeur de celle-ci, s’endetta lourdement dans des conflits. Elle demanda l’aide de Philippe le Hardi, qui la  lui accorda en échange de la nue-propriété du Brabant pour son épouse Marguerite et l’héritage du duché pour leur fils cadet, Antoine.

Toutes ces alliances (plus faciles à comprendre à la lecture des tableaux généalogiques) allaient enclencher les évènements futurs…

Guillaume IV (1404-1417)
Guillaume IV

Le type même du chevalier, habile à la guerre et dans les tournois.

La même année, son beau-frère, Jean de Bourgogne “sans Peur”, succéda à son père comme comte de Flandre et duc de Bourgogne. Il se distingua en France dans une guerre civile qui opposa son camp, celui des Bourguignons, à celui des Armagnacs qui soutenaient Louis d’Orléans. Jean fit assassiner ce dernier. Guillaume IV prit le parti des Bourguignons, tout en servant le roi de France Charles VI qui dérivait aussi vers la démence.

A l’initiative du nouveau roi d’Angleterre, Henri V Lancaster, la guerre reprit contre la

France. Henri V se proclama roi de France et s’allia aux Bourguignons. Il débarqua en

France avec son armée et défit la chevalerie française à Azincourt en 1415.

De nombreux seigneurs hennuyers, qui avaient pris le parti bourguignon y moururent: dont Antoine de Brabant ,Jean de Werchin, Jean de Croÿ et son fils, Jacques d’Enghien, Jean de Beloeil, Robert et Charles de Montigny, les seigneurs de Jeumont, d’Havré, Ecausssines, Audregnies, Lens, …

Les Armagnacs, partisans du roi de France, vinrent ravager le Hainaut. 

Jacqueline de Bavière (1417-1433)
Jacqueline de Bavière

C’est elle qui aura à payer le prix des alliances matrimoniales des deux générations précédentes. Il est vrai que ses relations amoureuses furent tumultueuses et délétères pour son autorité.

Elle devint comtesse des trois provinces en 1417 et fut bien accueillie en Hainaut. Elle avait 16 ans et était déjà veuve de son premier mari, le dauphin de France, mort prématurément. On lui fit alors épouser Jean IV de Brabant, son cousin germain, neveu de Jean sans Peur. Ce n’était pas le plus déluré des maris et elle était “tout en vigueur”. Autant dire que ça ne “fonctionna” pas entre eux, d’autant plus qu’il prenait des décisions politiques très discutables. Elle tenta de s’en séparer. Elle élimina ses conseillers.

Philippe “le Bon” qui, en 1419, avait succédé à son père assassiné comme duc de Bourgogne et comte de Flandre, tenta d’abord de rétablir la paix entre les deux époux, ses cousins en fait. Mais l’homme était très ambitieux et rêvait de bâtir un état aussi puissant que la France.

La comtesse Jacqueline, se sentant menacée dans son conflit avec son mari et cousin Jean de Brabant, se réfugia chez l’allié anglais, juste au moment où le pape d’Avignon annonçait l’annulation de son mariage. Elle épousa aussitôt le duc de Gloucester, frère du roi en 1422. Mariage que ne reconnut pas le pape de Rome et qui provoqua l’Indignation dans le comté et en la personne du cousin Philippe, qui venait entretemps d’acheter le comté de Namur très endetté.

 Jacqueline, son amant anglais et des troupes débarquèrent. Ils furent reçus chaleureusement à Mons et Valenciennes. En fait tout le comté de Hainaut les reconnaissait comme comtes, hormis… Enghien.

Quand cette petite armée, renforcée par des hennuyers, rencontra la coalition bourguignonne et brabançonne, elle se fit battre. La ville de Mons, les châteaux d’Havré, d’Elouges et de Baisieux furent assiégés et endommagés. Estinnes fut détruit. Gloucester s’enfuit chez lui et Jacqueline fut mise en résidence à Gand par son puissant cousin qui s’empara de la régence de ses comtés, tout en cherchant à faire reconnaître l’incapacité de Jacqueline à régner. Les Etats de Hainaut refusèrent, mais, comme elle n’avait pas d’enfant, ils lui promirent l’héritage. Ce qui fut conclu par le traité de Delft en 1428. Philippe le “Bon” continua à gouverner le Hainaut.

Le duc de Brabant, Jean IV, mourut sans enfant en 1430.C’est donc Philippe le Bon qui hérita des duchés de Brabant, de Limbourg et du marquisat d’Anvers.

 Pendant ce temps, il soutenait toujours les Anglais qui occupaient Paris. C’est un de ses proches, Jean de Luxembourg, qui leur livra Jeanne d’Arc, brûlée à Rouen en 1431.

Quant à Jacqueline de Bavière, aussitôt annulé le mariage avec Gloucester, elle épousa en cachette le gouverneur de Hollande en 1433. Colère du Bourguignon qui fit arrêter celui-ci et obligea Jacqueline à abdiquer.

Le pouvoir comtal

Progressivement, remplaçant les pairs et les seigneurs, on vit dans l’administration comtale et la chancellerie (ministères) arriver des personnages mieux formés en matière de justice ou de finances, notamment des Italiens en ce qui concerne les finances.

On conservait les chartes de Hainaut à Mons, à Valenciennes et au Quesnoy.

Depuis le XIIème siècle, deux cours, siégeant à Mons, assistaient le comte: la cour féodale et le conseil comtal. Au XIVème siècle, la première évolua vers la Cour souveraine du Hainaut. Il s’agissait d’une institution juridique s’exerçant sur les fiefs et les nobles. Elle jugeait aussi en appel des tribunaux subalternes.

On doit à Guillaume Ier “le Bon” d’avoir augmenté le pouvoir du “grand bailli“, appellation qui semble exister depuis cette époque (en place de “bailli”).

A partir d’Aubert de Bavière, on vit se former un “parlement“, issu aussi de la cour féodale, et qui prit de l’importance aux côtés du comte. On y trouvait non seulement les représentants de la noblesse hennuyère (les pairs et les barons), le haut clergé (les autorités des abbayes et des chapitres), mais aussi – fait nouveau – les bourgeois, représentants des villes. Tous étaient alors convoqués pour voter les impôts.

Ce parlement, réuni par le comte en 1364, se rangea à l’avis de celui-ci qui s’opposait à la revendication du comté par le roi Edouard III d’Angleterre. Celui-ci voulait placer le comté de Hainaut dans le douaire (héritage) de son épouse Philippa. Aubert fut même invité à Londres. Accompagné de 120 représentants de ses “Etats”, il réussit à convaincre le monarque anglais de lui laisser la régence des trois comtés.

A la fin de son règne, Aubert, avec l’aide de son fils Guillaume, reprit et développa les coutumes et ordonnances en matière de procédure pénale. Il étendit la cour de justice de Mons au droit commun.

Quant au Conseil de Hainaut, il défendait le droit du comte dans ses domaines, ses revenus et ses prérogatives.

L’économie urbaine

Depuis deux siècles, l’industrie urbaine se développait en multipliant les marchés et les foires. Outre Valenciennes et Maubeuge, centres drapiers déjà bien implantés, Mons, Ath, Avesnes, Enghien, Lessines, Binche, Braine-le-Comte et Hal évoluèrent dans le même sens, bien qu’avec moins d’ampleur. A Fontaine-l’Evêque, plus proche des centres liégeois de la métallurgie, on développa les clouteries.

L’acquisition des comtés de Hollande et de Zélande permit aux commerçants du Hainaut d’écouler plus facilement leurs marchandises par la voie de la Mer du Nord, car le débouché que représentaient des foires de Champagne déclinait.

 Les bourgeois accumulaient des fortunes. Ils investissaient non seulement dans l’économie, mais aussi dans les domaines ruraux qu’ils achetaient. Alors que les seigneurs les plus riches de l’aristocratie rurale se faisaient construire des hôtels en ville, les bourgeois les plus opulents s’installaient dans des châteaux ruraux. On vivait à la ville et à la campagne, comme du temps des Romains.

Les contacts commerciaux et militaires avec le monde oriental (par le biais des croisades) affinaient les moeurs chez nous. On commença à décorer les châteaux et les demeures avec des tapisseries. On s’éclaira à la lampe à huile plutôt qu’avec des bougies et des torches. Les vêtements s’embellirent et les armes furent à nouveau décorées.

La prospérité continua pendant les premières décennies du XIVème siècle. Elle fut suivie d’un grand déclin économique dont les causes étaient les épidémies (peste de 1348), la sécheresse, les famines et les retombées de la Guerre de Cent Ans sur le commerce. Lorsque la laine anglaise était moins présente sur les marchés continentaux, on filait la laine locale ou le lin, faisant évoluer l’industrie vers la sayetterie (draps de laine ordinaire) et la toilerie.

Cependant, que ce soit à Mons, à Valenciennes, à Avesnes ou au Quesnoy, la cour de Hainaut maintint son faste à travers les fêtes, les joutes et les tournois. Toutes ces dépenses, associées aux fortifications de certaines villes, vidèrent les caisses comtales, d’autant plus que la gestion financière était déplorable en cette période de basse conjoncture économique.

Sur le plan des privilèges, Aubert n’apporta rien aux villes en souffrance. Situation que tenta de corriger son fils, Guillaume IV, en réorganisant l’administration des villes du comté.

Malgré ses frasques, Jacqueline de Bavière avait permis aux villes de Hainaut de continuer à se développer, notamment en augmentant leurs privilèges de justice.

Mons

Capitale administrative du comté, elle obtint du comte Jean d’Avesnes de nombreux avantages (exemption de taxes, affranchissements de serfs, deux foires, encouragement des corporations de métiers, notamment les drapiers et les maîtres d’artillerie) et surtout un agrandissement de son enceinte avec la construction de six portes (1293-1296). La ville profitait aussi de l’édification de nombreuses résidences (hôtels seigneuriaux) à l’initiative des riches bourgeois et des nobles seigneurs des campagnes environnantes. Les abbayes aussi y faisaient construire des refuges.

Mons devenait une ville à la fois administrative et industrielle, plus que commerçante. Guillaume “le Bon” réforma le pouvoir et le droit en ville en réduisant l’échevinage à vie. Il créa des manufactures de draps en 1304.

En 1348, la grande peste noire fit des milliers de morts à Mons. Ce serait depuis cette date qu’il fut décidé d’organiser des processions dans la ville avec les reliques de Sainte-Waudru.

Lors de son avènement en 1357, Guillaume III imposa aux bourgeois de Mons, ainsi qu’aux Lombards et aux Juifs, de demeurer constamment armés. C’est ainsi qu’est née l’obligation des villes hennuyères de posséder des “milices bourgeoises”.

Le premier beffroi, appelé “Tour de l’Horloge“, fut construit en 1380 à l’initiative d’Aubert de Bavière.

C’est sous la comtesse Jacqueline que l’on commença à construire l’actuelle collégiale gothique de Sainte-Waudru et l’église Saint-Nicolas.

La mainmise de Philippe le Bon sur le comté pourrait aussi être à l’origine du transfert de la Haute Justice aux échevins de Mons.

Valenciennes

Depuis plusieurs siècles, c’était la ville la plus industrielle et la plus florissante du comté. Ses bourgeois réclamaient de plus en plus de franchises et de pouvoir, irritant le comte Jean d’Avesnes qui déplaça plusieurs institutions vers Mons qu’il favorisait. Les Valenciennois en appelèrent au roi de France Philippe le Bel qui s’empressa de mettre la ville sous sa protection. Un conflit s’ensuivit avec le comte (“l’affaire de Valenciennes”, 1291-1297), qui se termina par une paix signée. La charte de 1302 restructura le Magistrat de la Ville qui était composé d’un prévôt et de douze échevins pouvant rendre la Haute Justice.

Ici aussi la peste fit mourir des milliers d’habitants.

La Guerre de Cent Ans ne fit pas trop décliner le commerce. Une prospérité relative permit ainsi de renouveler le système des fortifications entre 1340 et 1380.

Maubeuge

L’autre grosse ville drapière du comté, surchargée d’impôts, se révolta aussi contre Jean d’Avesnes. Assiégée, elle dut se rendre.

Sous Guillaume II, les bourgeois obtinrent de fortifier la ville.

Le Quesnoy

Ses fortifications furent améliorées par Guillaume “le Bon”.

Ath

Guillaume “le Bon” favorisa l’industrie drapière en lui accordant des privilèges.

C’est sous Jacqueline qu’on reconstruisit l’église Saint Julien et que l’on bâtit l’hôpital du béguinage.

Saint-Ghislain

Une bourgade s’était développée en bordure de l’abbaye. Elle acquit un caractère urbain. Le marché d’Hornu fut transféré par Jean d’Avesnes en 1286 vers la nouvelle ville.

On peut dire que le XIVème siècle fut une période d’apogée pour l’abbaye. Louis de Bavière, époux de Marguerite d’Avesnes, donna à l’abbé de Saint-Ghislain le titre de “prince de Wihéries”.

Leur fils Aubert décida de donner une enceinte à la ville et d’y placer une garnison. L’opulence de l’institution lui permit encore d’acheter des fiefs et des terres dans la région.

Soignies fut également fortifiée par Aubert.

Le Roeulx évolua aussi vers le statut de ville.

Dans les campagnes

Jusqu’à la moitié du XIVème siècle, la campagne, à l’image des villes, continua à profiter de la prospérité. Mais on commençait aussi à discerner une certaine dualisation de la société rurale entre les grandes exploitations, mises en valeur par le bail à ferme, et les petites parcelles paysannes.

On cultivait de plus en plus les plantes industrielles: le lin (pour les toiles), les oléagineuses (pour les pressoirs à huile), les plantes tinctoriales (pour les drapiers). Le grain céréalier, moins rémunérateur, ne concernait que les petites exploitations.

Il existait aussi un artisanat rural: des paysans tisserands, des ferronniers, des couteliers, des potiers, des tuiliers, des tanneurs, des savetiers, …

L’exploitation du charbon de houille en surface concernait, au XIIIème siècle, quelques villages au Couchant de Mons. Au XIVème, on commença à l’extraire aussi à l’est de Mons, soit à Strépy, Saint-Denis et Morlanwelz.

Le charbon était surtout d’usage local, au départ, mais on commença bientôt à l’exporter. Les bons axes routiers étant rares (dans quel état étaient encore les chaussées romaines?, les autres chemins étaient souvent impraticables en temps de pluie), on commença à le transporter par la Haine, du moins à l’ouest de Mons, vers Condé et l’Escaut. Il fallait donc entretenir la fluvialité de la rivière. Aubert de Bavière créa en 1379 “l’Office de navigation de la Haine“.

Une profession s’était aussi développée, depuis le XIIIème, grâce au commerce; c’était celle des transporteurs: les charretiers et les bateliers.

Si la Guerre de Cent Ans ne s’accompagna pas de hauts faits d’armes en Hainaut, quelques escarmouches marquantes entraînèrent des dommages dans les villages. Notamment lorsque le roi de France, Philippe V, en réaction à l’alliance Angleterre-Hainaut, saccagea, en 1340, le Cambrésis, Bavay, Famars, les deux Wargnies et Marchipont (sans doute, aussi, d’autres villages non mentionnés dans les livres).

Dans la seconde moitié du XIVème siècle, les épidémies, les mauvaises récoltes et les famines affectèrent aussi les campagnes. Les bandes armées organisées y circulaient, que les grands baillis et les prévôts s’ingénièrent à réprimer.

Les villages semblent avoir plus souffert que les villes pendant ce siècle. La démographie déclina. Alors que, dans les trois siècles précédents, le développement rural s’était accompagné de la fondation de nombreux villages et de hameaux, on vit une bonne partie de ceux-ci disparaître pour ne jamais renaître, probablement. Le paupérisme rural atteignit le tiers de la population.

La chrétienté en Hainaut

Après les réformes concernant les ecclésiastiques aux siècles précédents, ceux-ci, forts d’une nouvelle autonomie par rapport aux aristocrates, vont se comporter comme eux. Papes, évêques et abbés (le haut-clergé) vont considérer leurs charges sous l’aspect rémunérateur avant tout, plutôt que spirituel. Il n’est pas rare, alors,  de voir un même personnage cumuler les charges, et un évêque résider ailleurs que dans son diocèse.

La vénalité s’installa. S’en suivit une décadence des moeurs, un abandon des Règles. On vivait “dans le siècle”. Les chapitres, comme les cours des nobles, s’adonnaient à une vie de fastes et de luxe. A Mons et à Maubeuge, n’accédait pas qui voulait au rang de chanoinesses.

Pendant ce temps, les papes, se trouvant en insécurité à Rome, se rapprochèrent des rois de France en s’installant à Avignon en 1309. Lorsqu’ils repartiront à Rome en 1378, le Grand Schisme d’Occident se sera installé, caractérisé par l’élection simultanée de deux ou trois papes.

L’empereur Louis IV de Bavière, par ailleurs comte de Hainaut en tant qu’époux de Marguerite d’Avesnes, proclama que l’empereur occupait un rang aussi élevé que le pape et n’avait plus besoin de celui-ci pour obtenir le sacre. Il déclara également la supériorité des conciles sur les décisions papales. D’ailleurs, le Grand Schisme se termina par le concile de Constance (1414-1418) où un seul pape fut élu.

Quant aux curés de paroisses, le petit clergé, il était toujours loin d’avoir la formation requise pour prêcher la bonne parole au petit peuple des croyants et des crédules. La superstition côtoyait la religion. Des sorcières (ou réputées telles) faisaient commerce avec Satan. Les bûchers réglaient pas mal de problèmes. On taxait, en effet, le plus souvent d’hérésie le désir de rendre sa vie davantage en accord avec les textes saints et moins avec les exigences et les commerces de l’Eglise. Tout cela tournera mal un bon siècle plus tard…

18. Les croisades

Depuis les conquêtes arabes du VIIème siècle, les Lieux Saints (Jérusalem, Bethléem) étaient passés sous la souveraineté des califes musulmans. Ces derniers toléraient les pèlerinages sous certaines conditions. Au XIème siècle, les Turcs Seldjoukides, qui avaient été soumis par les Arabes dans un premier temps, mais qui, par la suite, exercèrent des fonctions militaires importantes, s’emparèrent du pouvoir. Plus fanatiques que les Arabes, ils mirent en péril les Lieux Saints.

Première croisade

En 1096, le pape Urbain II, qui avait déjà oeuvré pour que les royaumes d’Occident soient moins en proie aux incessantes guerres féodales, fit un appel à la croisade depuis Clermont avant d’envoyer des légats dans les diverses provinces. L’un d’eux vint en Hainaut. On dit même qu’il s’arrêta au château comtal de Blaton. Il décida le comte Baudouin II et plusieurs membres de sa noblesse à prendre la Croix. Parmi ceux-ci, Anselme II de Ribemont (comte d’Ostrevent), Baudry de Roisin, Gilles de Chin, Arnould du Roeulx, Pierre de Condé, Gérard et Lambert d’Avesnes, Bernard de Ligne et Gillion de Trazegnies. Tous partirent sous la bannière de Godefroid de Bouillon, le duc de Basse-Lotharingie. Ils s’emparèrent de quelques villes (Nicée, Antioche, Edesse …) avant de prendre Jérusalem en 1099.

Deuxième croisade

Elle fut prêchée en 1147 par Saint Bernard de Clairvaux qui passa à Cambrai, Valenciennes et Mons. Peu de seigneurs hennuyers y participèrent, hormis Wauthier I de Bousies. Cette croisade n’alla pas plus loin que Damas où elle fut tenue en échec.

Les Ordres chevaliers

La défense des Lieux Saints (Jérusalem, Bethléem) et de l’ensemble des forteresses franques disséminées en Palestine et en Syrie fut l’affaire, entre autres, de “moines-chevaliers” issus de la noblesse et réunis dans des ordres de chevalerie.

Le plus connu de ces ordres est l’Ordre des Templiers fondé en 1118.

On retiendra aussi celui des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem fondé en 1113.

Ces deux institutions acquirent, en quelques décennies, des biens considérables en Europe, par dons et par achats : des terres (sur lesquelles elles exercèrent les droits seigneuriaux), des fermes, des châteaux, des bois, des paroisses (et leurs revenus) …

Quand l’Ordre des Templiers fut aboli en 1312, sous la pression du roi Philippe IV “le Bel” de France, ses biens furent confisqués en France. Dans les autres pays, et notamment chez nous, ils furent récupérés par les Hospitaliers.

En Hainaut, ces ordres chevaliers possédèrent de nombreux fiefs: Spiennes, Vellereille-le-Sec, Givry, Ville-sur-Haine, Sars-la-Bruyère, Frameries (ferme du Fliemet), Genly, Noirchain, Fayt-le-Franc et Onnezies (Rampemont), Saint-Symphorien et Casteau. Une commanderie générale était située à Piéton.

Au XVIème siècle, la Commanderie de Saint-Jean dut quitter Chypres, menacée par les Turcs Ottomans. Elle se replia sur Malte, d’où son nom d’Ordre de Malte, qui existe toujours aujourd’hui, malgré la perte de ses terres féodales.

Troisième croisade

En Terre Sainte, le sultan Saladin avait repris Jérusalem et quelques forteresses franques (dont Saint-Jean d’Acre). De nombreux chrétiens avaient été emmenés en captivité en Egypte et en Syrie. Saladin en demandait une rançon importante.

Grégoire VIII prêcha une nouvelle croisade. En Hainaut, cette prédication fut faite par le légat du pape en 1187. Le départ eut lieu en 1189.

Participèrent à cette croisade le roi d’Angleterre (Richard Cœur-de-Lion), celui de France (Philippe-Auguste), l’empereur d’Allemagne (Frédéric I “Barberousse” qui se noya en chemin) et le comte de Flandre (Philippe d’Alsace, qui fut tué au siège de Saint-Jean d’Acre).

Lors de cette croisade, de nombreux seigneurs hennuyers perdirent la vie: Jacques d’Avesnes, Othon de Trazegnies, Gauthier de Wargnies, Eustache du Roeulx, Henri de Binche, Guy et Foulques de Fontaine, Nicolas de Peruwelz, Mathieu de Wallincourt, …

Seul des “trois grands”, Richard Cœur-de-Lion affronta Saladin. Il reprit surtout des comptoirs côtiers, mais échoua devant Jérusalem. Ayant négocié avec le maître des lieux, il obtint l’autorisation pour les pèlerins d’aller prier sur les Lieux Saints.

Quatrième croisade

Innocent II la lança. Ses prédicateurs furent envoyés en Flandre où ils furent reçus par le comte Baudouin IX (BaudouinVI de Hainaut). Convaincu, celui-ci se décida à prendre la Croix en 1201, suivi par de nombreux chevaliers flamands et hennuyers. Ils prirent la tête de l’expédition avec d’autres nobles français.

Parmi les hennuyers: Ansfride et Guillaume de Gommegnies, Jacques II d’Avesnes, Régnier de Trith, Nicolas et Gilles de Barbençon, Isembart de Berlaymont, Alman de Bavay, Walleran de Haussi, Robert d’Anzin, Gautier de Bousies, Henri et Baudri de Roisin, Henri de Sebourg et Angre, Gautier de Fontaines, Gérard de St-Aubert.

Les troupes se rassemblèrent à Valenciennes et prirent la direction de Venise où ils comptaient s’embarquer vers la Terre Sainte. Le doge leur demanda de s’emparer d’abord d’une ville dalmate sur l’Adriatique pour payer leur voyage. A cette époque, Venise était en conflit avec Constantinople, capitale de l’empire romain d’Orient. Un coup d’état venait d’y survenir et les Croisés, appuyés par les Vénitiens, décidèrent d’intervenir. On assiégea la ville, qui fut investie à Pâques 1204, puis mise à sac. Vénitiens et Francs se servirent dans les trésors locaux. Le siège impérial étant libre, le comte Baudouin fut élu empereur par ses pairs. Les Bulgares prirent le parti des Grecs chassés. Baudouin voulut intervenir. A la bataille d’Andrinople, en 1205, il fut fait captif. Il mourut peu après dans des conditions inconnues.

Son frère Henri  qui l’accompagnait, par ailleurs seigneur de Sebourg et d’Angre, lui succéda dans l’ancienne Byzance.

Cinquième croisade (1217-1221)

Peu importante, elle ne concerne pas les hennuyers.

Sixième Croisade (1227-1229)

Elle concerne essentiellement l’empereur Frédéric II, en conflit avec le pape. Pas de participation des seigneurs hennuyers.

Septième croisade (1248-1254)

Elle fut le fait du roi de France, “Saint” Louis IX. Il fut accompagné du comte de Flandre, Guillaume de Dampierre, ainsi que des seigneurs Baudouin II de Hennin-Liétard (de Boussu) et de Baudouin IV de Hennin-Liétard (de Sebourg). Louis IX fut fait prisonnier en Egypte. Libéré, il alla consolider les forteresses de la côte palestinienne (Acre, Césarée, Jaffa, Sidon), puis rentra en France.

Huitième croisade (1270)

A nouveau lancée par Louis IX contre le sultan de Tunis qu’il voulait convertir au christianisme. Le roi y mourut. Il avait été soutenu notamment par le comte Guy de Dampierre, par Gérard de Jauche et Jean II de Soissons, seigneur de Chimay.

17. Le christianisme en vallée de Haine

L’Eglise et la papauté

Au début du XIème siècle, l’Eglise était encore sous la “protection” des autorités laïques, comme l’avaient voulu les empereurs Charlemagne et Otton I. Papes et évêques étaient investis dans leurs fonctions par les empereurs. Les premiers étaient choisis par l’aristocratie romaine, les seconds dépendaient du bon vouloir des comtes. Tout cela dans le contexte des conflits féodaux de l’époque.

Les ecclésiastiques, à partir de ce siècle, vont tenter une reprise en main de la chrétienté. En 1030, on décréta la “Trêve de Dieu” qui réduisit le nombre de jours de guerres (111 par an). Rome se distancia, en 1054, de Constantinople (Eglise Orthodoxe) en proclamant le principe de sa primauté. Restait à obtenir la primauté du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. C’est ce que déclara le pape Etienne IX (1057-1058)… avant de se faire assassiner. Il déniait à l’empereur le droit d’intervenir dans les nominations des papes et des évêques.

On entra alors dans une grande période de tourmente. Parfois il y avait deux papes, l’un nommé par les aristocrates romains laïcs, l’autre par la Curie. Le pape Nicolas II fit décider par le Concile de Latran de 1059 que les papes seraient dorénavant élus par un collège de cardinaux. C’est dans ce contexte que fut élu le pape Grégoire VII (1073-1085) qui se donna pour but de relever la moralité dans l’Eglise (lutte pour le célibat, réactions contre le clergé ignorant et décadent) et d’établir l’indépendance de l’Eglise Romaine dans les investitures de ses prélats (papes, évêques, abbés des monastères).

C’est ce qui déclencha la fameuse “Querelle des Investitures” (1075-1122) entre partisans de la papauté romaine, qui accordaient à celle-ci un pouvoir universel, et partisans de l’empereur de Germanie qui refusait le rôle de subordonné. Les acteurs principaux en furent les papes Grégoire VII et Urbain II (1088-1099) et l’empereur Henri IV (1056-1105). Les péripéties furent nombreuses. Ce conflit se termina par le Concordat de Worms. La nomination et le sacre des papes, des évêques et des abbés appartiendraient dorénavant à l’Eglise mais les élus devraient ensuite rendre hommage à l’empereur et aux comtes en ce qui concernait leurs pouvoirs seigneuriaux.

Les évêques de Cambrai

En Lotharingie, les grands abbés (Lobbes, Liège, Gembloux, Stavelot, …) furent de chauds partisans du pape. A Cambrai, les évêques firent de même: Gérard I de Florennes (1012-1051), Gérard II (1076-1092), Manassès (1093-1103) et Odon de Tournai (1105-1116). Cependant  ces personnages étaient encore très proches, puisqu’ils en étaient issus, des familles aristocratiques de la région.

Les abbayes

Comme je l’ai écrit dans le chapitre précédent, beaucoup d’abbayes furent détruites ou très endommagées par les raids vikings (880-891 en Hainaut). Il fallut l’intervention des comtes Régnier pour les relever. Ceux-ci en profitèrent pour se le accaparer: nommer les abbés (pouvoir spirituel) et se faire nommer ensuite abbés laïcs (ou avoués) pour participer aux bénéfices (pouvoir temporel). Certaines abbayes leur échappèrent cependant lorsque survinrent leurs démêlés avec les empereurs Otton I et Otton II.

Deux mouvements de réforme au Xème siècle vont influencer fortement les statuts et les modes de fonctionnement des abbayes:

  • des réformes lotharingiennes, de la part d’abbés exceptionnels (Gérard de Brogne, notamment à Saint-Ghislain, Richard de Saint-Vanne à Lobbes, et d’autres à Gembloux, Stavelot, Saint-Amand, Florennes, …)
  • les réformes clunisiennes (originaire de l’abbaye de Cluny) qui vont mettre l’accent sur la prière, la méditation le travail intellectuel, sur une meilleure administration des domaines, sur la culture et l’art. Ce mouvement participa aussi d’une émancipation par rapport aux pouvoirs royaux et impériaux. Ce qui va réjouir chez nous les comtes qui tentaient de prendre leurs distances par rapport à ceux-là.

Dans ce contexte, il faut distinguer l’évolution des anciennes abbayes fondées au VIIème siècle et les nouvelles fondations. Les premières étaient devenues de grands propriétaires fonciers. Leurs bénéfices étaient immenses. Elles avaient obtenu d’exercer les droits féodaux (administration, police, justice, fiscalité et corvées) sur leurs domaines. Malgré les réformes, la plupart d’entre elles vont rester très liées à l’aristocratie laïque dont les abbés étaient en général issus. Progressivement elles vont même participer, en tant que seigneurs temporels, au pouvoir comtal. A ce propos, l’évêque Gérard de Florennes, avec celui de Laon, furent des promoteurs de la division de la société en trois ordres: le clergé, les nobles (guerriers) et le peuple travailleur au service des deux autres (division ternaire déjà existante chez les Indo-Européens!).

Les abbayes du “siècle des Saints”

Sainte Waudru à Mons

Il est difficile de savoir à quel moment précis les moniales décidèrent de se constituer en “Chapitre noble des chanoinesses“. Probablement au Xème siècle, même si la première mention écrite n’apparaît que dans une charte de 1123. Comme son nom l’indique, elle était constituée de membres de la noblesse et vivait comme elle. A cette époque, l’ancienne collégiale fut reconstruite en style roman.

Saint-Ghislain

Cette abbaye, après avoir appartenu à Charlemagne, puis aux premiers Régnier, passa sous l’autorité d’Otton I et de ses successeurs, et sous la protection de l’évêque de Cambrai qui nommait les abbés. Elle conserva la Règle bénédictine et fut influencée par le mouvement clunisien. Ses relations furent tendues avec les comtes qui la revendiquèrent, mais aussi avec les seigneurs voisins (Boussu, Dour, Baudour) pour des raisons de limitation de domaines.

En 1054 les comtes Baudouin I et Richilde contestèrent les droits de l’abbaye sur de nombreux domaines seigneuriaux, invoquant l’absence de documents écrits en  attestant la propriété. Documents disparus lors des raids vikings, se défendaient les abbés. On vit même circuler de faux documents, dont une « charte d’Otton » qui faisait la liste des possessions de l’abbaye. Le comte Baudouin I se permit même de ravager les terres de cette abbaye de Saint-Ghislain et quelques fermes qui lui appartenaient à Dour et Blaugies. Mais il dut réparer, y perdant une partie de son bois de Baudour.

L’abbaye avait déjà obtenu, lors de sa fondation, de nombreux domaines confirmés par les papes Urbain II et Gélase. Un nouveau mouvement de donations en sa faveur eut lieu à la fin de la Querelle des Investitures. Elle s’enrichit alors de:

  • Wasmes (Gontier et Gilles de Chin)
  • Dour (Guillaume, v1150)
  • Blaugies (un quart du village)
  • Des fiefs dans les villages suivants: Erquennes, Athis, Roisin, Eth, Bry, Sebourg, Angre, Angreau, Audregnies, Wihéries (le village entier), Elouges, Quiévrain, Warquignies, Wasmuel, Mainvault, Ville-Pommeroeul, Baudour, Basècles, Villers-Saint-Ghislain, Vellereille, Harmignies, Boussoit et des lieux encore plus éloignés.…

Saint-Landelin à Crespin

Les moines en avaient été chassés par les Vikings en 880. Ils n’y revinrent que vers 1080, à l’époque où Richilde faisait bâtir une forteresse à Amblise (aujourd’hui une partie du territoire de Crespin). Ayant acquis le mode canonial à un certain moment, ils revinrent à la Règle Bénédictine en suivant les réformes de Cluny.

Notre-Dame de Condé

Elle fut naturellement détruite par les Vikings qui s’étaient installés à côté. Elle aurait été relevée vers 960 par Brunon, archevêque de Cologne et duc de Lotharingie, frère de l’empereur Otton I. Elle fut transformée en chapitre canonial et les comtes parvinrent à s’y faire nommer abbés laïcs. Elle suivit la même évolution que Mons.

Saint-Saulve, près de Valenciennes

Cette abbaye était aussi passée à la Règle Canoniale (chapitre). Le comte Baudouin III (1099-1120) la concéda à Cluny qui en fit un prieuré. Moines et chanoines cohabitaient.

En dehors de la vallée de la Haine, mais à proximité, il faut citer: Saint-Pierre-et-Paul à Leuze (bénédictine, puis canoniale), Saint Vincent à Soignies (canoniale), Saint-Pierre à Hautmont (canoniale, puis bénédictine), Sainte-Aldegonde à Maubeuge (canoniale), Abbayes de Maroilles, de Denain et d’Hasnon  (canoniales).

Les abbayes du XIème siècle

Elles adoptèrent la Règle Bénédictine et suivirent les réformes clunisiennes. Elles furent aussi fondées grâce à l’aide des comtes ou d’aristocrates mais n’obtinrent pas autant de donations ni de droits seigneuriaux. Elles furent moins riches et comptèrent beaucoup moins sur le plan politique.

  • Abbaye d’Anchin (Ostrevent), 1079 (sous Anselme de Ribaumont), dans le contexte de la lutte entre Flandre et Hainaut pour l’Ostrevent.
  • Abbaye de Liessies, v1095, fondée par les Avesnes

Les seigneuries d’Avesnes et de Chimay se sont implantées dans les marges boisées d’anciens domaines ecclésiastiques (Maroille, Liessies) vers 1050. Elles encouragèrent des essarts (terres défrichées) et l’implantation de nouvelles communautés rurales.

  • Abbaye bénédictine de Ghislenghien fondée en 1127 par Ide de Chièvres

Les abbayes du XIIème siècle

Elles furent marquées par l’apparition de deux nouveaux ordres:

  • l’ordre de Cîteaux (cistercien), fondé en 1098, basé sur un suivi rigoureux et littéral de la Règle Bénédictine et préconisant la pauvreté, l’humilité, de rudes conditions de vie, n’acceptant ni dons, ni dîmes (paroisses) ni pouvoirs seigneuriaux.
    • Abbaye de Cambron, fondée en 1148 par Anselme de Trazegnies
    • Abbaye d’Epinlieu à Mons/Ghlin fondée pour des moniales, à l’initiative de la  comtesse Jeanne
    • Abbaye de Fontenelles à Valenciennes, entre 1216 et 1228
    • Abbaye de l’Olive à Morlanwelz, fondée en 1220 par un ermite,” Guillaume”, grâce aussi à la comtesse Jeanne
    • Refuge de l’abbaye Notre-Dame à Ath (Abbiette), fondée en 1234 par la comtesse Jeanne
  • l’ordre des Prémontrés, constitué de chapitres séculiers suivant la Règle de Saint-Augustin

Les mouvements monastiques du XIIIème siècle

Le mouvement d’émancipation de l’Eglise par rapport au monde laïc s’intensifia dans les siècles suivants. Il fut marqué par une emprise plus rigide du clergé sur le peuple et par une tendance à son aristocratisation.

Mais au XIIIème siècle, une autre réaction va se produire. Des laïcs et des clercs vont être partisans d’une vie chrétienne simple, sincère, accessible à tous, basée sur l’apostolat, la pauvreté, la mendicité et une lecture littérale des textes bibliques traduits récemment en langue vulgaire.

Certains de ces mouvements furent considérés par l’Eglise comme hérétiques, tel le mouvement cathare, dans le sud de la France, contre lequel des rois de France (Philippe Auguste, Louis VIII et “Saint” Louis IX) vont lancer une croisade (“des Albigeois”). Cela ne nous concernerait pas si l’un de nos plus valeureux chevaliers n’y avait participé en la personne d’Allard de Strépy, seigneur d’Harchies, de Ville et Pommeroeul, d’Audregnies et de Quévy.

Pour lutter contre ces hérésies et diffuser des messages plus en accord avec ceux de l’Eglise Romaine, deux nouveaux ordres furent fondés au début du XIIIème siècle, par Saint François d’Assise (Franciscains, frères mineurs ou cordeliers), et par Saint Dominique (Dominicains). Tous deux sont des prêcheurs qui vont installer leurs institutions dans les villes.

Valenciennes vit la fondation de cinq de ces institutions: deux franciscaines et deux dominicaines, dont la “Maison de Beaumont”, ainsi qu’une carme. A l’initiative de la comtesse Jeanne.

Mons vit celle, franciscaine, du Couvent du Pré du Joncquois, en 1238.

Dans ce contexte, des femmes désiraient également prendre leur part dans les oeuvres charitables, sans nécessairement entrer dans un Ordre. C’est ainsi que naquirent les béguinages. Intégrées dans la ville, elles s’occupaient des pauvres et des malades, malgré une certaine réprobation de l’Eglise officielle. Plusieurs de ces établissements ne parvinrent d’ailleurs pas à perdurer à cause de cette position de l’Eglise.

 On vit dans ce même XIIIème siècle s’installer des béguinages à:

  • Valenciennes, en 1239
  • Mons, celui du Cantimpret (sortie vers Cuesmes) en 1245 et celui de Saint-Germain sur la colline, tous deux sous la protection du chapitre noble des chanoinesses de Sainte-Waudru.
  • On en vit aussi à Maubeuge, Soignies, Beaumont, Braine-le-Comte, Binche, Ath et Enghien.

Pour être complet, il faut y ajouter:

  • le prieuré du Val-des-Ecoliers à Mons, 1252, chapitre régulier de moines augustins, à l’initiative de la comtesse Marguerite. Il sera abandonné à la fin du XVIIIème siècle, transformé en hôpital. Puis sera détruit au XIXème pour être remplacé par une distillerie et une poste.
  • le couvent des Trinitaires d’Audregnies, à l’initiative d’Allard de Strépy, cité plus haut. Les Trinitaires avaient pour mission de libérer les chrétiens tombés aux mains des Sarrasins en Méditerranée

La comtesse Jeanne favorisa aussi l’implantation d’hôpitaux, lieux de séjour pour les voyageurs et les malades : St Lazare à Mons, St-Nicolas à Havré.

Déjà au siècle précédent, Eve “Damison” de Chièvres (v1120-1180) avait fondé un hôpital Saint-Nicolas dans sa ville.

Jean d’Avesnes fondera l’hôpital des Soeurs Grises à Mons (1296). Au XIVème siècle, le seigneur de Quiévrain fit aussi construire un Hôpital Saint-Nicolas.

Les paroisses  

Lorsque les premiers villageois organisèrent leurs communautés rurales en se regroupant, ils le firent en même temps sous forme de communauté paroissiale dédiée à un saint ou à la Vierge. Ce faisant, ils jouissaient d’un sanctuaire et d’un officiant contre une rémunération, appelée dîme. Dans ces premiers siècles, les seigneurs locaux, laïcs ou ecclésiastiques, étaient propriétaires des lieux (souvent une chapelle aménagée dans le château), nommaient les curés et s’appropriaient les revenus.

Avec les réformes évoquées plus haut, les seigneurs durent céder ces avantages. On alla même jusqu’à interdire aux laîcs de posséder un bien ecclésiastique. Ils durent proposer à l’évêque un candidat assurant les offices et les sacrements.

Au XIème et surtout au XIIème siècle, à l’initiative de l’évêque de Cambrai, confirmée par le pape, toutes les paroisses furent remises dans les mains d’institutions ecclésiastiques (abbaye, chapitre régulier et épiscopal). C’est de ces institutions que dépendaient l’église, bâtie dans le village, l’entretien des locaux, la nomination de prêtres, les dîmes et parfois des terres à revenus – comme le fief de Ponengre à Thulin qui appartenait au curé, lui-même dépendant de l’abbaye de Saint-Ghislain). D’une certaine façon, les maisons religieuses assumaient la charge de “curés” de paroisses et jouissaient de tous les revenus y afférant.

Durant ces siècles (XIème, XIIème et XIIIème) qui connurent un bel essor économique, une augmentation de la population et du nombre de communautés rurales et urbaines, ces paroisses furent donc, pour certaines institutions religieuses, un apport financier extraordinaire. Celles de Mons et Saint-Ghislain en bénéficièrent particulièrement.

Les doyennés (ou décanats)

Il s’agissait d’un ensemble de paroisses  réunies sous l’autorité d’un doyen, lui-même sous les ordres de l’évêque de Cambrai.

Ils apparurent entre 1150 et 1177 à l’initiative des évêques.

On relève, en ce  qui concerne les villages de la vallée de la Haine, les doyennés de Mons, de Chièvres, de Binche, de Maubeuge, d’Hornu (entre 1073 et 1159, transféré ensuite à Bavay (1159-1801), et de Valenciennes.

Le Concordat de 1801 remodifia cette géographie des doyennés.

16. L’économie des campagnes dans les seigneuries

Les villages

Les communautés rurales (villageoises) se sont créées entre le IXème et le XIème siècle, à l’intérieur des domaines ruraux. Mais villages, paroisses et seigneuries sont des entités distinctes qu’il ne faudrait pas confondre. Ainsi, sur le territoire de chaque village actuel, ont le plus souvent coexisté plusieurs seigneuries, et parfois, plusieurs paroisses et communes. De beaux exemples en sont  Elouges, Quévy et Estinnes. La situation, pas toujours facile à appréhender en ces premiers temps, s’est encore compliquée par la suite. Les comtes, là où ils étaient seigneurs, et les seigneurs domaniaux eux-mêmes ont presque partout repartagé leurs domaines en accordant des fiefs à des “clients” ou à des acheteurs. Dans les siècles suivants, et jusqu’à la Révolution Française, tout le territoire s’est ainsi morcelé, tant sur le plan géographique que sur le plan de l’autorité publique.

Economie

Les campagnes ont vécu avant tout des ressources tirées du sol. Agriculture, élevage, exploitation des forêts furent les activités principales de tout le monde rural. Les seigneurs des domaines en tiraient de gros profits. Les innovations techniques, la reprise du commerce, l’urbanisation de certaines bourgades ont accru les besoins en aliments et en matières premières (bois, pierre, peaux, laine, lin, outils, …) et généré une certaine prospérité, dans un temps de paix relative et sous un climat plus doux. Ce qui a fait croître la démographie et le besoin de nouvelles terres habitables et cultivables. Les villages et les hameaux se sont donc multipliés entre le XIème et le XIIIème siècle. C’est aussi une des périodes (après la période nervienne et gallo-romaine) où on a le plus défriché la forêt charbonnière, rendant le paysage plus ouvert.

On construisait peu en pierre, hormis quelques châteaux de riches barons, quelques bâtiments abbatiaux et les églises. On sait peu de choses concernant l‘exploitation de la pierre du sous-sol à cette époque. A Soignies et près de Tournai, elle était déjà très importante. Etait-ce le cas aussi à Wihéries, à Roisin, à Bellignies, à Basècles et dans d’autres cités connues plus tard pour cette industrie?

Par contre, on sait que l’exploitation du charbon de houille (dans les veines de surface) a commencé dès le XIIème siècle. A Wasmes, le seigneur Gilles de Chin a fait défricher un bois dans ce but (1137). Au siècle suivant, plusieurs localités de l’actuel Borinage étaient concernées par cette activité (Cuesmes, Frameries, Jemappes et Flénu, Quaregnon, Dour, Boussu, Elouges, Hautrage …). Un document de 1248 nous apprend que les seigneurs hauts-justiciers (les comtes, les chanoinesses de Mons, les abbés de Saint-Ghislain, les Hennin-Liétard de Boussu) attribuaient des concessions à des exploitants qui utilisaient la main d’oeuvre paysanne à temps partiel. Ce document décrit la réglementation en vigueur (limitation aux veines de surface, saisons de travail déterminées de façon à ne pas perturber le travail agricole). A cette époque, le charbon commençait à remplacer le bois dans le chauffage domestique et était fort utilisé par les forgerons, les maréchaux et les cloutiers.

La condition sociale

Les premiers siècles de la féodalité furent des périodes très pénibles pour “le petit peuple”. Paysans libres et serfs étaient soumis aux maîtres des domaines, à qui ils devaient des redevances et des corvées. Ces seigneurs, sans aucun contrôle supérieur sur leurs domaines, en profitaient souvent, d’autant plus qu’ils détenaient  des pouvoirs de police et de justice et que toute condamnation donnait lieu à de lourdes amendes, rémunératices pour leur bourse. Les villageois avaient beau être représentés par un maïeur (maire). Celui-ci était choisi par le seigneur parmi les paysans libres les plus aisés, parfois même en dehors du domaine. Il prenait le plus souvent le parti du maître contre de bons retours.

On l’a vu, en ville, les bourgeois purent très tôt, grâce à leur richesse naissante et leur pouvoir d’influence sur le politique, obtenir des libertés, des exemptions fiscales et ensuite des parts de pouvoir. Les ruraux n’avaient pas la même force. Mais leur vie comptait. Ils étaient les exécutants de l’économie rurale et donc de la richesse foncière du seigneur. Les seigneurs en prirent peu à peu conscience, d’autant plus que les villes attiraient aussi la main d’oeuvre des campagnes. En outre, les villes (aux mains des comtes de Hainaut) avaient besoin de la campagne pour leur subsistance.

On vit donc un mouvement de réformes, quasi imposé par les comtes aux seigneurs, prendre corps dans les campagnes. Plus tardivement que dans les villes, on rédigea des chartes-lois et des “records de coutumes” précisant les droits et les devoirs de chacun (droits de pâturages et de glandages, de prélever du bois, les services banaux comme le moulin et le four). Les villageois reçurent l’autorisation de s’auto-gérer en communes, avec un maire (maïeur), des échevins et un receveur (massard), nommés par les seigneurs, mais le plus souvent choisis par les manants. Ceux-ci se réunissaient en “plaids” pour discuter des problèmes communs. Les redevances et les corvées persistèrent (elles étaient une des bases de la féodalité) en échange de la protection du maître, mais furent soumises à des règles écrites qui permettaient à celui qui se considérait victime d’aller en justice. Or si l’accusé était un seigneur, le tribunal était comtal (à Mons).

Soignies, encore considérée sans doute comme village-seigneurie, près de sa modeste abbaye, semble avoir obtenu la première charte-loi directement du comte Baudouin IV en 1142. Nicolas d’Avesnes accorda celle du village de Prisches (dans l’Avesnois) en 1158, charte qui en inspira de nombreuses autres dans le comté. Beaucoup de villages obtinrent la leur au cours du XIIIème siècle (Cuesmes, Nimy-Maisières, Quaregnon, Hon-Hergies, Estinnes, …). Pour d’autres, il fallut attendre le siècle suivant.

Les serfs étaient encore bien présents dans les domaines au début de la féodalité. Pour rappel, leur existence appartenait entièrement à leurs maîtres qui avaient droit de vie et de mort sur eux, qui leur imposaient plus de corvées qu’aux paysans libres, réglaient leurs épousailles, et pouvaient s’accaparer leurs biens lors du décès du chef de la maisonnée. Dans ce cas, si le seigneur laissait une grande partie des “biens” au reste de la famille, il prélevait le plus beau “bien” (un animal ou un meuble). On appelait cela le droit de “meilleur catel“. A défaut, le seigneur avait le droit de couper une main du mort (“droit de morte-main“). Il est évident que la première solution était la plus courante.

Beaucoup de serfs ont fui vers la ville où la condition de prolétaire était bien meilleure que la condition rurale. Ils étaient punissables selon la loi du seigneur, mais ils étaient bienvenus en ville. Progressivement, la condition servile a disparu pendant le  XIIIème siècle. La différence de statut était devenue infime entre les libres et les asservis. Une façon d’affranchir un serf était de le donner, lui et sa famille, à une abbaye qui le “libérait”. Aux XIIème et XIIIème siècle, il existe de nombreux documents qui attestent le don de serfs à l’abbaye de Saint-Ghislain, notamment par les seigneurs de Quiévrain.

De nombreuses de chartes ont aboli le servage. Celle de Prisches, dans l’Avesnois (dès 1158), servit de modèle à beaucoup d’autres.

Cependant, la condition rurale restera très précaire jusqu’à la fin de l’Ancien Régime (1792-1794). Les guerres (plus tard), les épidémies et les famines vont très souvent léser les paysans. Durant ces premiers siècles de féodalité dans la région, citons les grandes famines de 1196 et de 1234, consécutives à de rudes hivers et à des tempêtes.

Les seigneuries

On ne peut pas parler des villages sans évoquer les seigneurs qui les ont dominés.

Au sortir de la période carolingienne et sous la dynastie Régnier (jusque vers 1050), le nombre total de seigneurs ne semblait pas très élevé malgré la quantité déjà importante de domaines ruraux habités par des communautés villageoises.

Les comtes se taillaient la plus grande partie de leur comté. Ils avaient récupéré tous les domaines qui avaient appartenu anciennement aux rois mérovingiens, puis aux empereurs (Charlemagne, Louis le Pieux, Lothaire I) et aux rois de Lotharingie (Lothaire II, Charles le Chauve). Le passage des Vikings et la faiblesse des nouveaux souverains, français et germaniques, leur avaient permis de s’emparer de tous leurs domaines.

A côté des domaines comtaux, il y avait ceux des abbayes. Celles qui avaient été fondées au VIIème siècle avaient reçu (avant l’époque des villages) de très nombreux domaines fonciers (terres et fermes) de la part des rois mérovingiens, des maires du palais et de quelques aristocrates (familles de Waudru, Vincent et Aye). Mons, Maubeuge et Lobbes détenaient de très grandes propriétés. Saint-Ghislain un peu moins (il y a beaucoup de flou autour de cette abbaye en ce qui concerne ces premiers siècles,  de même pour Crespin et Soignies. Le passage des Vikings et la défense du territoire par Régnier I ont permis à ce dernier d’accroître le territoire comtal. Ainsi l’abbaye de Lobbes possédait de très nombreux domaines à l’est de Mons (selon un cartulaire de 864). La plupart se retrouvèrent dans le giron comtal quelques décennies plus tard.

L’abbaye et le chapitre de Sainte-Waudru administrèrent (par l’intermédiaire du comte, son abbé laïc ou avoué) Mons, Cuesmes, Jemappes (et Flénu), Nimy, Maisières, Frameries (et La Bouverie), Quaregnon, Pâturages et Wasmuel.

En ce qui concerne l’abbaye de Saint-Ghislain, son histoire particulière va générer par la suite de nombreux conflits  quant à ses droits de propriété et aux limites de ses domaines. Quelques villages complets lui appartinrent:  Saint-Ghislain, Hornu, Wasmes, Villers-Saint-Ghislain, Wihéries. D’autres en dépendaient en grande partie (Dour, Warquignies, Blaugies, Elouges, Audregnies…).

L’abbaye de Soignies garda Mesvin (en ce qui concerne la vallée de Haine) et d’autres petits fiefs disséminés. L’abbaye de Saint-Amand possédait Sirault et Neufmaison.

Fondées au XIème siècle, quelques abbayes reçurent des fiefs: Saint-Denis-en-Broqueroie (St-Denis, Obourg), Bonne-Espérance.

Au XIIème siècle apparurent les commanderies de l’Ordre des Templiers (puis de Saint-Jean de Jérusalem) dont la “maison-mère” se trouvait à Piéton. De gros fiefs leur furent attribués: Fliémet (Frameries, Genly), Rampemont (Fayt-le-Franc et Onnezies), Saint-Symphorien, Chièvres, …

Enfin, au milieu du XIème siècle, le nombre de seigneurs réellement propriétaires de leurs domaines, transmis par héritages depuis des générations et non soumis par lien féodal aux comtes – on parlait d’alleutiers, propriétaires d’un alleu – n’était pas très élevé. On relève ceux de Roisin, Quiévrain, Audregnies, peut-être de Baudour au sud de la Haine.

La situation est particulièrement intéressante au nord de celle-ci. Pour rappel, il s’agissait de l’ancien Brabant occidental (parfois appelé comté de Chièvres ou Burbant, devenu une partie de la marche d’Ename) hérité par Régnier V. On y trouvait quelques seigneurs puissants. Certains étaient soucieux de leur autonomie et gardèrent longtemps leurs distances vis-à-vis des comtes (Chièvres et Enghien). D’autres devinrent rapidement des fidèles des comtes (Ath, Ligne, Beloeil, Blicquy-Silly-Trazegnies).

On ne peut pas parler de cette partie du Hainaut sans évoquer quelques personnages très remuants. Un certain Wédric “le Sor” (v990-1066), fils du comte de Morvois (dans l’Aube), prétendit descendre de Gérard de Roussillon (795-870), fils du comte de Paris, et proche de l’empereur Lothaire I qui l’avait nommé au IXème siècle comte du pagus de Brabant. Pour des raisons trop complexes pour qu’on les  évoque ici, le roi de France Charles le Chauve s’en débarrassa et le remplaça. Par la suite, on est très peu documenté sur ce petit comté. On sait seulement qu’au milieu du Xème siècle, l’empereur Othon I en fit la marche d’Ename dont hérita Régnier V.

Wédric “le sor” et son fils, Wédric “le barbu” (v1020-v1075) revendiquèrent pour eux le-dit comté et l’envahirent, cherchant à s’approprier la plupart des seigneuries. Des luttes s’ensuivirent entre eux et les comtes. Ils échouèrent à prendre Chièvres, Ath, Lessines et Enghien. Mais le comte dut bien leur céder, contre un hommage féodal, quelques places: Leuze, Condé, la région d’Avesnes, où ils vont résider, ainsi que Landrecies. Il n’est pas impossible qu’ils investirent aussi d’autres villages, puisqu’on voit le rejeton suivant, Thierry d’Avesnes (v1050-v1106), occuper la seigneurie de Ville et vouloir s’emparer de Maubeuge et de Mons. Cette famille “étrangère”, qui plus tard allait prendre les commandes du comté, s’était au début imposée par la force.

On doit à la dynastie des Baudouin, à partir de Richilde et Baudouin I, et jusqu’à Baudouin VI, une “grande distribution” de fiefs. Pour services rendus, contre un hommage au comte et l’obligation de le servir en temps de guerre (ost), ces nouveaux barons obtenaient un droit de propriété sur un ou plusieurs grands domaines, ainsi que les bénéfices engendrés par ces terres et les droits seigneuriaux (fiscalité, corvées, police, justice).

La première famille qui en profita est celle dite de “Mons” ou “Mons-Baudour”. Il s’agit de personnages descendant de Régnier II par une branche cadette. Ils portaient, pour la plupart, le prénom de Gossuin. Ils reçurent la charge de châtelain de Mons (encore qu’il existe une controverse à ce sujet, évoquée dans le chapitre généalogique qui leur est consacré). A ce titre, ils furent investis de la seigneurie d’Havré (avec Saint-Symphorien, Ghlin, Goegnies-Chaussée et Havay). Outre Baudour, qui était peut-être un alleu familial et qui fut élevé au rang de pairie du Hainaut, on les vit exercer des droits seigneuriaux à Tertre, Villerot, Hautrage, sur une partie de Ville-Pommeroeul, à Boussu, Hainin, Thulin et Dour. Soit des territoires autour de ceux de l’abbaye de Saint-Ghislain avec qui les conflits furent nombreux.

Une autre famille importante était celle issue de Walter, seigneur d’Ath, dont la fille épousa un membre proche de la famille comtale et dont la descendance devint la Maison du Roeulx. Il ne s’agissait pas ici d’une simple seigneurie, mais d’un ensemble de domaines (villages autour du Roeulx) regroupés dans un baillage (équivalent de la prévôté). Les seigneurs du Roeulx, dans les siècles suivants, attribueront des fiefs et des villages à des familles vassales (Gottignies par ex.). Le plus souvent sous le statut d’apanages; c’est-à-dire qu’en cas de décès d’un vassal sans héritier, le domaine leur revenait.

Blaton a sans doute été une résidence comtale jusqu’au régne de Richilde. Celle-ci investit un de ses conseillers, de la seigneurie de Caudry (Cambrésis), à la tête d’un grand territoire comprenant Quevaucamps, Stambruges, Grandglise, Wadelincourt et une partie de Bernissart. Domaine que Philippe “le Noble”, régent du comté au départ de Baudouin VI pour la croisade, s’accapara dans des conditions plutôt floues.

Binche et la plupart des villages alentour (anciennement propriétés de l’abbaye de Lobbes) restèrent propriétés des comtes. Ceux-ci y placèrent des vassaux directs (Boussoit, Carnières, Houdeng, Goegnies, Maurage, Esclaibes, Peissant, Croix), aussi sous un statut d’apanages.

Les Strépy furent investis de Harchies, de Ville et Pommeroeul, ainsi que d’Audregnies et de Quévy qui reçut le rang de pairie.

Sebourg, Angre et Fayt-le-Franc allèrent à Henri, fils de Baudouin V.

D’autres villages furent donnés à des familles locales: Hyon, Athis, Nouvelles, Noirchain, Aulnois, Bougnies, Sars-la-Bruyère, Montignies-sur-Roc, Onnezies, Thumaide, Bernissart, …

Blaregnies appartenait à l’évêque de Cambrai et obtint le titre de pair du Cambrésis, titre qui passa à la famille de Roisin par mariage. Roisin possédait aussi plusieurs domaines aux alentours (Maurain, Angreau, Wargnies, peut-être Marchipont) qu’ils déléguèrent  à des familles vassales.

Cette liste, qui pourtant reprend presque l’ensemble des villages de la vallée de la Haine, n’est nullement exhaustive, car, comme il est écrit plus haut, la majorité des villages (tels qu’on les connaît aujourd’hui) étaient divisés en fiefs, de superficies très variables, allant d’une moitié ou d’un tiers de village ici à une terre ou un bois ailleurs, avec ou sans ferme. Ces petits fiefs étaient parfois administrés comme des communes avec maires et échevins (comme celui de la Neuville à Hensies).  Mais c’étaient souvent les institutions religieuses (Sainte-Waudru, Saint-Ghislain, Crespin, les Templiers) qui en possédaient le plus. Apparaissaient çà et là quelques grosses familles (Beloeil, Roisin, Quiévrain, Ligne, Enghien) et, dans de très nombreux cas, des familles moins connues. Ce dernier phénomène s’accentuera dans les siècles suivants avec l’enrichissement de bourgeois qui imiteront les comportements des nobles en acquérant des domaines fonciers, des charges administratives et judiciaires, ainsi que des titres de noblesse.