Entité communale de Mons
Le territoire
Superficie: 672 ha – Altitude: 30 m (centre)
Situation géographique: Jemappes est situé essentiellement dans la plaine de la vallée de la Haine. La Trouille y trouve son confluent à l’extrême nord-est du territoire.
Cours d’eau : La Haine au nord et la Trouille qui y trouve son confluent au nord-est.
Paysage antique: Autrefois, toute cette zone était marécageuse. Il en reste des prairies humides. Au sud, le village monte en pente. Les hauteurs jadis étaient boisées, comme toute la crête qui s’étend de Cuesmes et Frameries jusqu’au-delà de Bavay (bois d’Eugies, de Colfontaine, de Dour, …).
Nature du sol: alluvionnaire, sablonneux
Nature du sous-sol: craie – houille
Préhistoire
A notre connaissance, on n’aurait pas trouvé beaucoup d’indices de passages ou d’habitat humain pendant cette période, peut-être à cause de la nature marécageuse des lieux.
Néolithique (Homo Sapiens)
Des silex, attestant un possible atelier, furent retrouvés entre Flénu et Quaregnon (grattoirs, pointes de javelot et de flèches) par Mr Isaac. Il est difficile de préciser la période (mésolithique, néolithique ?). Ce serait le cas aussi aux lieux-dits « Campiau », « Mont Genestroit » et « la Morette » (sans précision).
Age du bronze
Des vestiges de l’âge du bronze ancien ont été découverts: une hache plate en cuivre, une hache polie en jadéite et une perle en bronze.
Antiquité gallo-romaine
Des vestiges gallo-romains furent trouvés : débris d’amphores, de poteries, dont certaines sigillées, une médaille en bronze à l’effigie de Commode, … (Selon Th. Bernier). Il est difficile de préciser quel type d’habitat il y ait pu avoir et où.
Premier Moyen-Age (période franque mérovingienne et carolingienne)
Non documenté
Le village
Première mention: 1065
Toponymie (anciennes orthographes)
- Gamappium (1065)
- Gamapium (1122)
- Gamapia (1150)
- Gemapia
- Jummappes
- Gemappes (1295)
- Jemmapes (1792)
Etymologie (hypothèses d’origine du nom)
- Eppe, en germanique = pomme (endroit où l’on trouve les pommes en abondance)
- Geminius, un éventuel légionnaire romain
- Gem/Jem = jumeaux (rencontre de deux rivières)
- Gemapia = confluent (gam = marier ; apia = eau) en « vieil européen » – cette hypothèse parait la plus probable au vu de la situation géographique
Epoque de son apparition: probablement au Xème ou XIème siècle
Facteurs ayant favorisé son émergence
– voies de communication: un chemin qui, au sud de la Haine, joignait l’abbaye de Mons à celle de Saint-Ghislain
– sources d’eau ou cours d’eau: Haine et Trouille (d’autres ruisseaux?)
– source de bois: sur la pente vers Flénu (actuellement défriché)
– proximité d’un lieu de pouvoir: Mons (abbaye et le château comtal)
Structuration du village
Le noyau village s’est constitué au centre du territoire sous forme de petites fermes agglomérées. D’autres plus grandes se sont éparpillées aux alentours.
Plus tard les ouvriers miniers s’installèrent dans les quartiers proches de Cuesmes et de Flénu, qui était à l’origine un hameau de Jemappes.
Paroisse dédiée à: Saint Martin
Evêché: Cambrai jusqu’en 1803, puis Tournai
Décanat/doyenné: Mons
Autel (dîmes, entretien de l’église, nomination des officiants) donné à l’abbaye de Saint-Ghislain en 1122.
Répartition des pouvoirs pendant la période féodale
Autorité supérieure: comté de Hainaut
Autorité sous-jacente (administrative et judiciaire): prévôté de Mons
Seigneuries et fiefs
Le territoire de Jemappes faisait partie dès le VIIème siècle de possessions de l’abbaye Sainte-Waudru, soit par un don royal, soit comme domaine appartenant à Waudru elle-même. Le chapitre Sainte-Waudru (en fait le comte lui-même en tant qu’abbé laïc) y exerça les droits seigneuriaux.
A côté de la seigneurie de Sainte-Waudru, d’autres domaines (fiefs) existaient sur le territoire de Jemappes :
- la seigneurie de Jéricho: fief “ample” (il ne devait que certaines taxes, mais pas l’ost ni la chevauchée), vassale directe du comte. Le comte y était représenté par des maires héréditaires, dont certaines familles sont mentionnées (les Masnuy dès 1314, les Fourneau dès 1617, et enfin les Le Louchier d’Ath jusqu’à la fin de l’Ancien régime. Le dernier d’entre eux, Rodolphe-François le Louchier, qui a sa pierre tombale dans l’église de Baudour, fit carrière dans l’armée wallonne (régiment d’Arberg) attachée à celles des Autrichiens, dont il finit général-major en 1789.
- la seigneurie de la Motte (ou de l’Avouerie). C’était une ancienne cense (ou courte), tenu de Ste Waudru, sous forme de fief lige d’abord (XVème), puis de fief ample (XVIème). Le premier feudataire aurait été le seigneur d’Havré et de Ghlin, qui l’avait acquis en 1374 d’Henri de Jemappes. Un fils bâtard, Jacques de la Motte, le reçut en 1410. D’autres familles sont mentionnées ensuite :
- de la Croix
- de Hellefaut
- de Dessus le Moustier
Un pont traversait la Trouille sur le chemin de Ghlin.
- Le fief Pouillart. Il s’agissait d’une enclave à l’intérieur du fief de Jéricho (probablement par cession de père à fils). En fait, elle n’était composée que de terres labourables. Ce fief fut acquis par Piérart Cloquette en 1385 de Guillaume de Masnuy.
- En furent ensuite propriétaires : les Pouillart, et en 1780, Alexis de Sales de Vinchant, seigneur d’Orpignies.
D’autres fiefs existaient au sein du fief de Jéricho :
- le fief de Le Cout
- le fief de Le Leup
- le fief de Dormon
Période française (1794-1814)
Fin de l’Ancien Régime féodal en 1794
- Département: Jemappes
- Canton: Mons
La commune
Jemappes eut son mayeur héréditaire et ses échevins dès le XIIème siècle. Les habitants obtinrent du comte des franchises communales en 1328.
Répartition des pouvoirs pendant la période contemporaine (à partir de 1814)
- Etat: Pays-Bas (de 1814 à 1830), puis Belgique
- Province: Hainaut
- Arrondissement administratif: Mons
- Arrondissement judiciaire: Mons
- Canton: Mons
- Entité communale depuis 1977: Mons
Evènements et faits marquants sur le sol de la commune
On raconte que le comte Régnier IV (998-1013), seigneur cruel, eut à réprimer durement une révolte des Jemappiens, emmenés par leur seigneur (mayeur?) Masnuy, ainsi que des villages attenants (Cuesmes, Flénu, Ghlin).
En 1379, le comte Aubert de Bavière, en cherchant à améliorer la navigation sur la Haine, fit aménager les berges et la zone de confluence avec la Trouille pour pouvoir amener les marchandises au « Rivage » de la ville de Mons, ce qui alla de pair avec un assèchement de la zone marécageuse et inondable entre Jemappes et Ghlin.
Lors du siège de Mons en 1572, ville occupée par les Calvinistes de Louis de Nassau, le duc d’Albe, gouverneur des Pays-Bas Espagnols, plaça ses troupes à Jemappes, à Cuesmes et dans les autres villages autour de Mons.
Lors du siège de Mons en 1691 par les armées françaises de Louis XIV, celles-ci furent disséminées dans les villages autour de la ville, et notamment à Jemappes. Ils détournèrent le cours de la Trouille pour éviter que les assiégés n’inondent l’accès à la ville.
Célèbre, elle eut lieu le 6 novembre 1792.
L’armée du général Dumouriez, dont le quartier général se trouvait à Onnaing, envoya ses troupes par Quarouble, Quiévrain, Thulin, Hainin et Boussu. L’avant garde, emmenée par de Beurnonville, comprenait de nombreux Belges, dont des Borains et des Jemappiens, déjà acquis aux idées de la Révolution. Une partie fut repoussée par les Autrichiens sur les hauteurs de Boussu-Bois. Mais les Français tinrent bon et s’avancèrent vers les Autrichiens dont le gros de la troupe se trouvait à Mons, dirigé par le gouverneur lui-même, le duc de Saxe-Teschen, alors que Cuesmes et Jemappes étaient tenus par Clerfayt, Baulieu et Berthaimont, sur des positions hautes et boisées, apparemment imprenables.
C’est pourtant grâce aux conseils de Jemappiens que les Francais purent prendre les Autrichiens par revers et décimèrent leurs armées. Ils les avaient aidés à franchir la Haine pour surprendre les Autrichiens par le Nord. Ces derniers abandonnèrent Mons où Dumouriez pénétra en libérateur. On lui fit remit les clés de la ville et on lui fit la fête.
Lors du retour des Français en 1795, ils partagèrent la Belgique en neuf départements, dont celui de « Jemmappes », qui correspondait plus ou moins à l’ancien comté de Hainaut (on y ajouta le Tournaisis).
En 1830, on trouva à Jemappes de nombreux partisans du rattachement à la France. Cependant, la cité légua au Congrès National quelques-uns de ses habitants: Goffin, Sigart, Lecrep.
La cité connut des révoltes sociales au XIXème siècle.
- le 25 octobre 1836 (à propos d’un règlement contesté des houillères),
- en avril 1848 : grève des mineurs pendant deux semaines (contre une réduction des salaires et la suppression des cabarets)
- en 1857 : émeute très violente contre la « loi des couvents »
- en décembre 1868 et en juin 1872.
Après avoir été un bastion du rattachement à la France, Jemappes devint un bastion de l’Internationale socialiste.
En août 1914, lors de la bataille de Mons, le quartier Jéricho eut à subir des bombardements. Les Ecossais y avaient pris position le 22 août. Deux corps d’armée anglais attendaient les Allemands, l’un sur une ligne Mons-Condé et l’autre entre Binche et Mons. En face se présentèrent trois corps d’armée allemands et un quatrième tenta de les contourner vers Tournai. Les Anglais firent retraite.
L’occupation fut pénible à Jemappes, car les Allemands y avaient placé une zone d’étape. De nombreuses réquisitions eurent lieu.
Lors de la libération, les 2 et 3 septembre 1944, on eut à déplorer de nombreuses victimes parmi les Jemappiens par le fait de soldats allemands en retraite et effrayés. Ils passaient sur la route de Valenciennes à Mons en un flot ininterrompu. Les Américains débouchèrent de Flénu vers 18h00 et firent feu, relayant des mitraillades aériennes et provoquant une débandade chez les fuyards. Les résistants jemappiens passèrent aussi à l’action. La Gestapo était présente et des exactions (exécutions sommaires, pillages) furent très nombreuses (une soixantaine de personnes) dans la population, avant qu’ils ne prennent définitivement la direction de Ghlin.
Economie
Agriculture et élevage furent les activités essentielles des Jemappiens, dans les fermes seigneuriales et dans les petites exploitations.
Entreprises annexes:
– Moulin (s): il existait un moulin sur la Trouille (avec une ferme du “Moulin” ou de la “Marmite”), situé à cheval sur Cuesmes et Jemappes. Un écluse sur la Haine se trouvait à proximité. Cette ferme et son moulin disparurent lors du détournement du lit de la Trouille au début du XXème siècle.
– Brasserie (s): plusieurs sont répertoriées au XIXème siècle d’après le site web: http://jemappespasse-present.skynetblogs.be/archive/2015/11/13/les-brasseries-8554115.html#more
Exploitation du sous-sol
Extraction de la houille
Elle est mentionnée à Jemappes dès la fin du XIIème siècle. Les houillères étaient des concessions accordées à des exploitants par le chapitre de Ste Waudru et les comtes de Hainaut, qui en percevaient de belles redevances (le cinquième de la production). Avec le temps, elles devinrent très nombreuses, ce qui aboutit à de nombreux conflits entre les exploitants.
Les puits relevés au XIXème siècle (certains à Flénu):
- Ostennes, 1820
- Auflette, 1812
- Produits, 1813
- Horiau, 1811
- Bonnet Roi, 1812
- Grand Buisson, 1811
Au XXème :
- Puits 27
- Puits 28 (La Nouvelle Fosse), 1906 des Produits de Levant de Flénu
Avec le développement des charbonnages de Cuesmes et Flénu, une grande partie des villageois, au XIXème et au XXème, travaillaient dans ces entreprises (extraction au fond des mines, transport vers la Haine, puis vers le canal). Jemappes connut aussi ses drames au fonds des puits (1793, 1860, 1865, 1872, 1908).
Extraction de craie
On note deux carrières de calcaire crayeux et un four à chaux.
Autres types d’entreprises
- des forges
- les ateliers mécaniques du Borinage
- une verrerie (quartier Jéricho)
- une faïencerie (idem)
- le Tissage des Flandres
- raffinerie de sel
- savonnerie
- tannerie
En 1869, Victor Demerbe, maître des forges, fonda les “Laminoirs, forges et fonderies de Jemappes”. Les progrès furent rapides, grâce à l’utilisation des nouvelles technologies en matière de laminage du fer et d’aciers divers. Six ans plus tard, six cent personnes y travaillaient.
En 1873, eut lieu une explosion qui fit quatorze morts. Entre 1950 et 1960, on abandonna certains produits concurrencés pour fabriquer de l’acier de qualité. Il fallut la crise sidérurgique des années soixante et septante pour que les Laminoirs ferment leurs portes (1977). De plus, beaucoup de produits étaient liés à l’exploitation du charbon. Laissé à l’abandon, le site fut rasé, hormis quelques bâtiments, dont l’infirmerie et la demeure directoriale.
Voies de communication
Le village est né au sud de la Haine, qui était navigable, probablement dès l’Antiquité avec des barques à fond plat.
Les routes
Un chemin médiéval reliant Mons à Saint-Ghislain devait passer dès la période mérovingienne par l’actuel centre du village.
Un autre, situé un peu plus au sud, à Flénu, allait de Valenciennes vers Estinnes (puis Binche), sans doute apparu vers le VIIIème siècle.
La route actuelle de Mons à Quiévrain date de 1752.
Le canal de Mons-Condé, achevé en 1818, permit un développement maximal des activités, grâce à une exportation importante, notamment vers la France, vers la Flandre, Anvers et les Pays-Bas.
Il laissa la place au début des années ‘1970 à l’autoroute E19/E42.
La ligne de chemin de fer Mons-Saint-Ghislain-Quiévrain fut inaugurée en 1842. La gare actuelle date de 1898. Elle servit beaucoup au transport de la houille. Elle fut bombardée en 1914 et en 1944.
Une ligne de tramway (ligne 7) fonctionna entre Mons et Quiévrain, via Dour et Wihéries) passant par Jemappes (je n’ai pas de précision sur les dates de mise en fonction et d’arrêt. Y avait-il aussi des trams vers d’autres directions: Ghlin, Flénu?)
Patrimoine
Eglise St Martin
Elle fut reconstruite en 1863, mais subit des destructions au début de la première guerre mondiale. Les réparations eurent lieu en 1920.
Château de la Motte
Sur le fief du même nom, au sud de la Haine, il fut rebâti vers 1785 par un banquier montois, Mr Guillochin. Son grand parc (20ha) est actuellement celui de la commune, comprenant un arboretum, des étangs et des aménagements sportifs.
Le Coq
Monument sur la butte du Campiau, érigé à l’initiative de Jules Destrée. Il commémore la victoire française de 1792 et fut inauguré en 1911. C’est un obélisque en pierre bleue, avec à son sommet un coq gaulois métallique, dû au sculpteur Jean Gaspar. Il fut détruit lors de l’arrivée des Allemands en août 1914 et fut reconstruit en 1922. Au pied, se trouve un canon, vestige de la bataille de 1792, retrouvé en 1934 à Wasmes.
Pavillon Tabuteau. Dans le quartier du Marais, il vit passer Victor Hugo.