Le Paléolithique Moyen
L’homme de Neandertal n’aurait-il pas enterré ses morts chez nous? Nous tenterons une réponse un peu plus loin.
La deuxième période de l’ère quaternaire est celle du Paléolithique Moyen, qui commence il y a 150.000 ans et se termine il y a 42.000 ans. Ces dates sont imprécises.
C’est pendant cette période qu’a vécu Homo Neandertalensis, cet homme dont le squelette fut décrit pour la première fois dans la vallée de la Neander, près de Düsseldorf en Allemagne.
Cette nouvelle espèce n’est évidemment pas apparue du jour au lendemain. Elle est le fruit d’une lente évolution de l’espèce précédente, l’Homo Erectus européen qui s’était déjà transformé en Homo Heidelbergensis, au prix de quelques mutations génétiques sur un laps de temps de plusieurs dizaines de milliers d’années. Entre les deux, on a décrit plusieurs formes intermédiaires, qu’on a appelées “pré-néandertaliennes” ou “archaïques”.
Les Néandertaliens, sans doute apparus durant l’avant-dernière période glaciaire (“Riss”), se sont développés pendant la période interglaciaire suivante (dite “Riss-Würm”) et la dernière période glaciaire (“Würm”), du moins avant le grand pic glaciaire (30.000-15.000).
A cette époque, quand le climat n’était pas encore trop rude, on peut imaginer une vallée de Haine avec son fond marécageux et ses versants boisés couverts d’arbres à feuilles caduques. Dans les prairies couraient des éléphants antiques, des rhinocéros, des chevaux. Les sangliers, les cerfs, les chevreuils et les aurochs préféraient les milieux forestiers. Il fallait surtout se méfier des carnivores: les hyènes, les loups, les renards, les ours …
Au fur et à mesure que le climat s’est refroidi, la forêt a cédé le pas aux prairies steppiques. Il faisait plus sec. Il est probable que, durant les longs hivers, qui duraient dix mois, la rivière et ses ruisseaux étaient secs ou glacés. Les carnivores s’y sont maintenus. La faune forestière a quasi disparu. Celle des steppes s’est développée avec ses grands troupeaux de bisons, de rennes, de chevaux, de mammouths, de rhinocéros laineux, d’antilopes saïga, …
Les hommes de Neandertal étaient plus adaptés que leurs prédécesseurs pour faire face à ces conditions climatiques. Plus robustes, ossus et musclés, ils avaient aussi un cerveau plus développé. A la différence des autres, ils avaient une vie sociale plus élaborée et un début de pensée spirituelle ou symbolique. Ils enterraient leurs morts et ornaient leurs sépultures avec des fleurs ou de l’ocre. Ils fabriquaient des colliers avec des dents animales ou des coquillages. Ils développèrent également de nouvelles techniques de taille par débitage de lames, plus efficaces pour le travail (viande, peaux, bois, …). C’est ainsi qu’ils furent à l’origine d’une nouvelle culture, la Culture moustérienne, ainsi appelée parce qu’elle fut décrite pour la première fois au Moustier, dans le Périgord. Ces éclats, bien standardisés, pouvaient servir de pointes, de couteaux, de racloirs, de denticulés pour scier le bois ou la corne, … Ils continuaient encore à tailler des bifaces de type acheuléen.
Résistants au froid et à la marche, ils pratiquaient la chasse en groupes et n’hésitaient donc pas à affronter des mammouths ou des rhinocéros, des rennes et des bisons. Ils étaient essentiellement carnivores, mais s’adonnaient aussi à la cueillette.
Par ces rudes climats, ils préféraient s’abriter dans des abris sous roches ou des entrées de grottes. C’est là qu’ils enterraient aussi leurs morts. C’est pourquoi on a retrouvé de nombreux squelettes d’Homo Neandertalensis dans les grottes des vallées de la Meuse et de ses affluents (Sclayn, Spy, Couvin, Trooz, Engis, Mozet …).
On n’en a pas trouvé dans nos contrées hennuyères. D’abord, il n’y a pas ou très peu de grottes et les campements à l’air libre n’avaient lieu que pendant les courts étés. Ensuite, durant la dernière période glaciaire, de violents vents secs ont érodé le sol et ont sans doute détruit tout ce qu’il y avait en surface, y compris leurs sépultures.
C’est à la fin de l’interglaciaire Würm-Riss et au début du glaciaire Riss que l’homme de Néandertal s’est répandu vers l’est de l’Europe, vers le Proche-Orient et une partie de l’Asie Centrale. Il y a 80.000 ans, au Levant, il a rencontré les premiers Homo Sapiens qui venaient d’Afrique où ils s’étaient développés depuis près d’une centaine de milliers d’années. Jusque là,ils ne s’étaient pas encore aventurés en l’Europe, car le climat les en dissuadait.
Si leurs os ne sont plus visibles en vallée de Haine, ils ont cependant laissé des témoignages de leurs passages en divers endroits de la région, sous forme de silex taillés selon leurs méthodes moustériennes.
Dans le chapitre précédent, on a vu que des Néandertaliens archaïques, proches des Heidelberg, ont laissé des traces dans la région de Spiennes (Petit-Spiennes, Carrière Hélin, Mesvin et Harmignies) il y a entre 250.000 et 128.000 ans.
Au XIXème siècle et au XXème, de nombreux silex taillés de la culture moustérienne ont été ramassés dans divers villages des environs, sans que l’on réalise des fouilles méthodiques, comme on a pu le faire dans les grottes mosanes. Des outils moustériens ont été trouvés à Havré (Bois), Ghlin, Bernissart, Harchies, Angre, Givry (Bruyères), Ressaix (Trieu).
Il semblerait que ce soit à Stambruges qu’on en ait découvert le plus, ce qui a fait évoquer l’hypothèse d’un campement plus long à cet endroit.
Côté français, de belles découvertes ont été faites en bord de Scarpe (Saint-Amand, Biache-Saint-Vaast).
On le voit, cette période est finalement peu documentée en vallée de Haine et dans le Hainaut en général. Les conditions climatiques (paysage ouvert en climat rude) n’étaient pas favorables à une présence durable. Les humains s’aventuraient dans nos régions sans doute l’été, y campaient à proximité des troupeaux ou des sources de silex pour les tailler. L’hiver, ils descendaient plus au sud ou se réfugiaient dans leurs abris mosans. De plus, ils ne devaient pas être très nombreux, nomadisant par petits groupes familiaux, avec peu de probabilités de se rencontrer entre eux sur d’aussi grands territoires.
A partir de 40.000, on ne trouve plus de trace d’hommes de Néandertal en Belgique. Ils disparurent progressivement. Les témoignages les plus récents (vers 30.000) ont été découverts en Espagne, comme si leurs derniers représentants s’étaient progressivement retirés vers le sud. On ne sait pas pourquoi ils ont disparu; on n’a pas découvert de traces de massacres, ni de signes de maladies ou de dégénérescence. Il est possible qu’ils ne s’adaptèrent tout simplement pas aux conditions climatiques de la dernière période glaciaire dont le pic eut lieu vers 20.000.
Place aux suivants…
Bonjour Michel,
Voir un copier-coller d’un article récent sur Néandertal qui pourrait répondre à ton interrogation.
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Une équipe de chercheurs néerlandais dirigée par Krist Vaesen de l’Université de technologie d’Eindhoven a découvert que des raisons démographiques étaient à l’origine de la disparition de la population de Néandertal il y a environ 40.000 ans, et non la confrontation avec l’homme moderne, indiquent les résultats de l’étude publiés dans la revue PLOS ONE
https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0225117
Les résultats des études génétiques montrent que la population néandertalienne n’était constituée que d’environ 4.000 individus avant l’arrivée de la population moderne en Europe. En outre, ils étaient répartis en plusieurs petits groupes éloignés loin les uns des autres.
Les auteurs ont développé des modèles de population pour simuler le développement de la population néandertalienne comprenant 50, 100, 500, 1.000 ou 5.000 personnes sur une période de 10.000 ans. Les résultats mettent en lumière que la dégénérescence de populations aussi réduites a été causée par des facteurs démographiques internes, tels que la consanguinité, l’effet Allee (relation positive entre la taille de la population et son taux de croissance) et l’influence de fluctuations aléatoires annuelles de la fécondité, de la mortalité et de la répartition de sexes.
Une combinaison fatale
La consanguinité n’est une cause de dégénérescence déterminante que pour la plus petite population, alors que l’effet Allee est capable d’entraîner l’extinction de populations allant jusqu’à 1.000 individus. Cependant, les deux phénomènes, combinés à des fluctuations démographiques aléatoires, pourraient bien avoir provoqué un déclin de la population de plusieurs milliers d’individus.
Dans leurs modèles, les chercheurs n’ont pas pris en compte l’impact exercé par l’homme moderne qui pourrait avoir renforcé la consanguinité et l’effet Allee.
Selon les auteurs, la disparition des Néandertaliens n’est associée qu’au petit nombre de leurs populations. Même s’ils étaient semblables aux hommes modernes dans leurs caractéristiques cognitives, sociales et culturelles, et même en l’absence de concurrence entre espèces, les Néandertaliens étaient inévitablement confrontés au risque d’extinction.
Merci,Bernard.