Entité communale de Beloeil
Le territoire
Superficie: 829 ha (les trois-quarts sont couverts par les bois et les sablières)
Altitude: de 60 m (centre du village) à 75m
Situation géographique : le territoire se trouve sur le versant nord de la vallée de la Haine
Cours d’eau : le noyau du village se trouve dans une petite dépression créée par le ruisseau de la Fontaine Bouillante, affluent de la Haine, après sa traversée de Grandglise, de Blaton et de Bernissart.
Paysage préhistorique (après la dernière période glaciaire) : boisé
Nature du sol : sablonneux (2/3 du village), argileux, rocailleux
Nature du sous-sol : grès
Préhistoire
Paléolithique moyen (Homo Neandertalensis) :
- À la « Butte du Calvaire » (Haubourdin, 1924-1932 ; André, 1981), il aurait existé une station moustérienne, endroit où des hommes de Neandertal taillaient ou utilisaient le silex pour en faire des outils.
- En 1992, à la « Sablière Brouillard » sur le Mont des Chèvres (R. Choquet, M. Van Assche), on a mis à jour tout un ensemble de silex (pièces et éclats) de la fin de cette culture moustérienne (typique du paléolithique moyen du bassin de la Haine). On y note des pièces obtenues par débitage de type Levallois (nucleus, lame, éclats, racloirs, bifaces du moustérien de tradition acheuléenne, pièces foliacées bifaciales). Il s’agissait probablement d’un camp de passage et non d’un site de débitage.
Paléolithique supérieur (Homo Sapiens) :
- Mr Desailly en 1929 plaidait pour un atelier aurignacien de taille du silex sur le territoire de Stambruges
- A la « Mer de sable », Mr Haubourdin et Mr Demarez ont ramassé des lames en silex aurignaciens ou épipaléolithiques
- Des éléments du stade Gravettien ont été découverts en 1984 (André).
Il s’agirait d’un des rares sites en Belgique de cette période correspondant au maximum glaciaire.
Mésolithique (Homo Sapiens) :
- Au « Mont Happart », entre Stambruges, Sirault et Hautrage, Mrs Haubourdin et Desailly ont ramassé des silex taillés correspondant à cette période (culture tardenoisienne).
Néolithique (Homo Sapiens) :
Divers sites (Mont Happart, Butte du Calvaire, Argillières, Carnois, Royeux, Grande Couture) ont révélé des haches polies, des couteaux, des racloirs, des grattoirs et des flèches foliacées. Un alignement de pieux de chêne évoque un habitat.
Age du bronze :
Des sépultures à urnes ont été mises à jour.
Ages du fer :
On a même trouvé au lieu-dit « Royeux » un chenet en tête de cheval en terre cuite (période de La Tène)
Antiquité gallo-romaine
La chaussée romaine Bavay-Blicquy-Mer du Nord passe à proximité (Grandglise, Quevaucamps).
Des vestiges d’époque gallo-romaine ont été trouvés en divers endroits :
- Au « Bois de Berlière » (ouest du village, Haubourdin, 1877), quelques vestiges d’habitat: meule, poteries, clous, tuiles
- A la « Grande Couture » (ouest du village): tuiles, poteries
- Au passage à niveau de la ligne Blaton-Ath (ouest): des substructions, une fibule en forme de phallus
- A la « Terre Guerit » : un four de potier, des débris d’urnes et d’amphores, une pierre à aiguiser
- Au lieu-dit « Ottée des Fées » (dans le bois, à l’est): un cimetière à incinération, comprenant des urnes avec des ossements, des grains de collier en verre bleu, une fiole en verre, des monnaies (1865-1880), des fragments de dolium
- Lors de la construction du chemin de fer Blaton-Ath (1897) : un cimetière à incinération, avec des urnes avec ossements, de la céramique sigillée, des monnaies, un anneau en bronze
- Au lieu-dit « Mortier Puchain » : des urnes avec cendres
- Des vases en céramique sigillée (Vaes, 1942) ont été trouvés en plusieurs endroits
- Un vase avec 170 pièces de monnaies (Gordien, Philippe, Postumus – soit le milieu du IIIème siècle) fut également exhumé
Un habitat gallo-romain a sûrement existé à l’ouest du village de Stambruges. Il est difficile sur base de ces éléments de définir son importance : villa ou ferme gauloise ? La présence de céramique sigillée (importée) est en général liée à des propriétaires aisés, mais l’absence (uniquement sur base des découvertes) d’hypocauste ou d’éléments décoratifs riches (marbres, statues, …) ne permet pas de conclure. Le « trésor » monétaire ne plaide pas non plus pour une durée d’habitat ayant dépassé les premières invasions barbares du IIIème siècle.
Premier Moyen-Age (période franque mérovingienne et carolingienne)
Non documenté.
Deuxième Moyen-Age – le village
Première mention: ?
Toponymie (anciennes orthographes) :
- Etanbruge (1595)
- Estambruges
Etymologie (hypothèses d’origine du nom) :
Ce nom signifierait « étang des bruyères ».
Epoque de son apparition: entre le Xème et le XIIème siècle
Facteurs ayant favorisé son émergence :
– voies de communication: les chemins médiévaux (Mons-Tournai; Chièvres-Condé).
– sources d’eau ou cours d’eau: le ruisseau de la Fontaine-Bouillante
– source de bois: toute la région était boisée et recouverte de bruyères
– proximité d’un lieu de pouvoir: ?
Paroisse dédiée à Saint-Servais, qui, au début, était une dépendance de celle de Harchies. Elle devint autonome au XIVème siècle.
Evêché: de Cambrai (jusqu’en 1804), puis de Tournai ensuite
Décanat/doyenné: Chièvres
Autel (dîmes, entretien de l’église, nomination des officiants) donné à l’abbaye de Saint-Ghislain en 1138 par Nicolas, évêque de Cambrai.
Répartition des pouvoirs pendant la période féodale
Autorité supérieure: comté de Hainaut
Autorité sous-jacente (administrative et judiciaire): prévôté de Mons
Seigneuries et fiefs
Il est probable que Stambruges se trouvait encore au XIIème siècle sur un domaine appartenant aux comtes de Hainaut. Ceux-ci constituèrent une grande seigneurie, comprenant Blaton, Wadelincourt, Quevaucamps, Grandglise, Stambruges, une partie de Bernissart, le hameau de Préaux, et d’autres villages plus éloignés. Ils la confièrent en fief à une famille noble qui leur était fidèle, celle des de Caudry.
Plus de détails se trouvent dans le chapitre consacré à Blaton.
Vers 1204-1205, en l’absence du comte Baudouin VI de Hainaut, parti à la croisade, son frère, Philippe « le Noble », marquis de Namur, alors qu’il assurait la régence au nom des deux filles mineures du comte, s’empara de cette seigneurie de Blaton. A sa mort, cette seigneurie resta dans les possessions personnelles des comtes, sauf Stambruges qui passa sous l’autorité des seigneurs de Condé, puis sous celle des Ligne.
Il exista une résidence fortifiée à Stambruges, peut-être habitée par un représentant du seigneur (prévôt). On ne sait quand il fut construit.
Stambruges a pu appartenir aux Condé vers 1212 ou un peu plus tard. A cette époque, le seigneur était Nicolas I de Condé (1171-1230) qui venait d’agrandir son domaine en épousant Isabeau de Morialmé-Bailleul (ancienne écriture de Beloeil). Leurs descendants furent :
- Jacques I de Condé (1195/1211-1259), fils du précédent
- Nicolas II de Condé (1229/1231-1292/1293), fils du précédent
- Guillaume I de Condé (1262/1275-1302), fils du précédent
- Jean I de Condé (avt1304-1339, Venise), fils aîné du précédent – pas de postérité
- Robert de Condé (1300-1359), frère du précédent
- Jean II de Condé (1349-1391), fils du précédent – pas de postérité. Ses domaines allèrent aux descendants de sa tante Jeanne de Condé (1289/1291-1325), fille de Guillaume, sœur de Jean I et Robert.
- Elle avait épousé Fastré III de Ligne (1280-1337). Ils eurent de nombreux enfants. Mais en 1391, à la mort de Jean II, seule Catherine de Ligne ( ?-1397) survivait. Elle était une des filles de Fastré III, s’était mariée à deux reprises et n’avait pas eu d’enfant. Veuve, elle se retira comme chanoinesse à Maubeuge et légua ses biens à ses neveux.
Des neveux de Catherine de Ligne, c’est Jean II de Ligne (1361-1442) qui hérita de Beloeil. Il était fils de Guillaume de Ligne (1320-1387), frère de Catherine. Il avait hérité de son père Ligne et ses dépendances (Montroeul, Maulde). Il hérita de sa tante Beloeil et ses dépendances (Ellignies-Sainte-Anne, Stambruges). Par mariage, il devint aussi baron de Barbençon et pair de Hainaut. Il décida de faire de Beloeil sa résidence principale. Lui succédèrent :
- Michel III de Ligne (1390-1468), fils du précédent. Il rédigea une charte-loi instituant la commune de Stambruges.
- Jean IV de Ligne (1457 ?-1491), fils du précédent. C’est à partir de lui que les Ligne exercèrent de hautes fonctions pour les ducs de Bourgogne d’abord, pour les archiducs des Pays-Bas, les rois d’Espagne et empereurs de Germanie ensuite. On les vit chambellans, sénéchaux, ambassadeurs, officiers supérieurs, gouverneurs de villes et de provinces. Plusieurs devinrent chevaliers de l’Ordre de la Toison d’Or. C’est à cette époque, en 1477/78 que le château de Stambruges fut endommagé gravement par les troupes du roi Louis XI de France en guerre contre Charles le Téméraire.
- Antoine « le Grand Diable » de Ligne (1474-1532), fils du précédent. Par mariage et par achats, il étendit son domaine.
- Jacques de Ligne (1503-1552), au service de Charles-Quint dont il fut son chambellan et ambassadeur, vit sa baronnie de Ligne érigée en comté en 1545.
- Georges de Ligne ( ?-1579), fils aîné du précédent. Son fils Jean de Ligne, par mariage, fonda la lignée « Ligne-Arenberg ».
- Son deuxième fils Philippe de Ligne (1533-1583) continua la lignée « Ligne-Beloeil ».
- Lamoral I de Ligne (1563-1624), fils du précédent, devint, sur ordre de l’empereur Rodolphe II, prince de Ligne et du St Empire.
- Florent de Ligne (1588-1622), fils du précédent
- Albert Henri de Ligne (1615-1641), fils aîné du précédent – sans postérité. Il est le fondateur de la bibliothèque de Beloeil, riche en manuscrits.
- Claude Lamoral I de Ligne (1618-1679), frère du précédent
- Henri louis Ernest de Ligne (1644-1702), fils du précédent
- Antoine Joseph Ghislain (1682-1750), fils du précédent – sans postérité. En 1727, la commune perdit de grandes zones de pâture (Garenne, La Bruyère, Carnois, Mer) au profit du prince de Ligne, ce qui donna lieu à un conflit.
- Claude Lamoral II (1685-1766), frère du précédent, qui embellit le château de Beloeil et son parc
- Charles Joseph Lamoral (1735-1814), fils du précédent. Militaire, homme de lettres et érudit, ambassadeur, il servit les empereurs de Germanie. Il fréquenta toutes les cours européennes (Vienne, St-Pétersbourg, Versailles, Londres). Il côtoya les plus grands (outre les empereurs, Catherine de Russie, Frédéric II de Prusse), mais aussi les célébrités littéraires de son époque, avec qui il correspondait (Voltaire, Goethe, Madame de Staël, …). La Révolution Française vint mettre fin à tout cela. Il termina sa vie à Vienne en se consacrant à l’écriture, alors que tous ses pouvoirs féodaux sur ses nombreux fiefs furent abolis et que son domaine de Beloeil fut confisqué.
Période française (1794-1814)
Fin de l’Ancien Régime féodal en 1794
- Département: Jemappes
- Canton: Quevaucamps
Répartition des pouvoirs pendant la période contemporaine (à partir de 1814)
- Etat: Royaume des Pays-Bas (1814-1830), puis Royaume de Belgique
- Province: Hainaut
- Arrondissement administratif: Ath
- Arrondissement judiciaire: Tournai
- Canton: Quevaucamps
- Fusion en 1963 avec Granglise
- Entité communale depuis 1977:
Economie
La nature du sol permit les cultures de céréales, pommes de terre, camomille. L’élevage existait aussi, mais il y eut perte d’importantes zones de pâture en 1727 au profit du prince de Ligne.
On mentionne deux moulins au XIXème siècle
- Le moulin Patin sur le ruisseau (1845), actionné à la vapeur dès 1870. Incendié en 1884
- Le moulin Frison sur le même ruisseau
Exploitation du sous-sol.
On creusa à Stambruges :
- Des carrières de grès et calcaire pour la fabrication de pavés et de moellons qui ont servi à bâtir quelques églises de la région et des habitations.
- Des carrières de sable
- De la pierre à chaux. Avec la présence de fours à chaux, cités en 1474
- On préleva au sol de la terre pour fabriquer des produits réfractaires, au XIX-XXème siècle.
Industrie textile
Comme dans les villages voisins, on s’adonna à la bonneterie (tricots, jupons, vêtements d’enfant, couvertures, bas), organisée dans les maisons particulières d’abord, puis dans des ateliers. Ces produits, ainsi que le houblon et des toiles, étaient colportés par des marchands ambulants, les « Campenaires » au XIXème et XXème siècle.
Patrimoine
Eglise St Servais. Un bâtiment gothique fut incendié en 1828, dont il reste la partie inférieure du clocher. Il fut rebâti en 1831-1834 en style toscan. Elle est le centre de pèlerinages à St Servais.
Chapelle de l’Erconpuch. Elle est dédiée à Notre-Dame des Bois. A proximité, se trouvait un robinier sur lequel étaient déposés des ex-voto (remerciements de grâces reçues pour des enfants). Il fut abattu par une tempête en 2009 et remplacé par un chêne à quelques mètres.
Maisons en pierre de sable.
La Mer de Sable. C’était autrefois un vaste étang emménagé de 40ha. Il fut asséché en 1852. Il était entouré de marais et de tourbières. Il persiste une vaste clairière de 15ha dans le bois du Carnoi, couverte depuis le XVIIIème d’une vaste étendue de bruyères où l’on menait paître le bétail. Cette étendue a servi de carrière. C’est aujourd’hui une réserve naturelle classée, mais aussi un but de promenade et de loisirs.
Il y eut à Stambruges un hôpital St Michel, dont nous n’avons pas de précision.
Autrefois et de nos deux jours encore, il existe de nombreuses histoires et légendes mettant en scène des fées et des sorcières, ainsi que quelques manifestations festives sur ce sujet. Notamment sur deux sites : « le Rond des Sorcières » et « l’Ottée des fées ».